C'est la guerre, alors j'ai repensé à mes grands-parents. On m'avait dit que grand-papa avait été mobilisé quelques jours à la frontière. Grand-maman m'avait parlé des tickets de rationnement.
C'est la guerre et avant ça, je m'en foutais parce que je n'y comprenais rien. Maintenant, j'ai un peu peur parce que je n'y comprends toujours rien.
Les «tensions» ou les «conflits», c'est facile de s'en foutre; la guerre un peu moins.
C'est la guerre des images: le désespoir en HD, dans les médias. La mort et les explosions pixellisées sur Twitter. C'est la guerre pour certains, mais nous sommes tous pris dans un champ miné de fake-news.
C'est aussi la guerre des mots et des symboles: on «condamne fermement», on manifeste, on crée des hashtags.
C'est la guerre et les Ukrainiens préféreraient certainement que l'on défende leurs villes, au lieu d'éclairer les nôtres en bleu et jaune.
C'est la guerre en Europe. Alors il n'y a plus de «migrants» ou de «réfugiés»: il y a des «déplacés». Tout d'un coup, on s'identifie à ces gens dans le métro, avec des valises sous les yeux et à la main.
C'est la guerre, alors on se demande s'il ne faudrait pas aller racheter du PQ et des pâtes.
De nouveau.
Contrairement à une pandémie, dans une guerre, la menace est palpable: en blindage et en os. Mais les attaques ont l'air parfois tout aussi arbitraires que les contaminations.
C'est la guerre, là-bas, mais pas ici. Jamais ici. En Suisse, on a décidé de ne rien décider.
Le «gouvernement pourrait édicter des mesures de coercition par voie d'ordonnance pour appliquer les sanctions décidées par ses principaux partenaires». Des mots compliqués pour dire qu'on ne va (se) fermer aucune porte trop vite, même celles des banques.
C'est la guerre, alors je repense à la citation de Desproges: «L'ennemi est bête: il croit que c'est nous l'ennemi alors que c'est lui!»
Ça me fait sourire, mais je ne crois plus que ce soit une histoire de quelques gentils contre quelques méchants. La guerre, c'est surtout beaucoup de gens qui n'ont rien demandé.
C'est la guerre et, si l'on n'est pas reporters ou experts en géopolitique, on ne sait pas comment en parler, ni si l'on est légitime d'en parler. Ou même s'il faut en parler tout court.
Sur Instagram, une influenceuse a dit que c'était mal. Une autre a simplement fait un concours pour une crème hydratante. Je les ai jugées les deux.
Aujourd'hui, j'en fais une chronique niaise. Je me juge. Chier.
C'est la guerre et j'ai un peu peur.
Je crois que c'est la seule chose que je voulais dire avec cet article. Et c'est important, parce que si vous aussi vous avez un peu peur, on peut se le dire, puis se dire que ça devrait aller.