La voie maritime du détroit d’Ormuz est un maillon essentiel de l’économie mondiale. Depuis l’escalade militaire entre Israël et l’Iran, elle se retrouve au centre des préoccupations géopolitiques internationales.
Ce passage stratégique, situé entre le sultanat d’Oman et les côtes iraniennes, est l’artère principale par laquelle transitent les exportations de pétrole des pays du Golfe, soit environ 20% du commerce mondial d’or noir. Le détroit joue également un rôle crucial dans le transport du gaz naturel liquéfié, représentant près d’un quart du commerce mondial.
Il n'est ainsi pas étonnant que, depuis l’attaque aérienne d’Israël contre le territoire iranien vendredi 13 juin, le monde craigne une réaction radicale de Téhéran: la fermeture du détroit d’Ormuz. Une telle mesure aurait des répercussions à l’échelle planétaire, y compris pour la Suisse, avec à la clé une flambée des prix du carburant et un regain d’incertitudes économiques.
Les tensions se sont encore intensifiées ces derniers jours, après qu’un parlementaire iranien a publiquement évoqué cette possibilité. Ismail Kosari, cité par le quotidien iranien Entekhab, a déclaré:
Mais de nombreux experts doutent de la capacité réelle de l’Iran à bloquer totalement cette voie maritime vitale. La menace en soi n’a rien de nouveau, et la République islamique l’a régulièrement brandie ces dernières années pour faire pression sur la communauté internationale.
Sur le plan militaire, l’Iran ne dispose pas de la puissance nécessaire pour interdire complètement le passage. Sa marine reste modeste en comparaison de celle des États-Unis, très présents dans la région. Si des attaques ciblées sur certains navires sont envisageables, un blocus total se heurterait à la supériorité écrasante de la flotte américaine, rendant toute tentative de fermeture vouée à l’échec.
Et si l’Iran allait jusqu’à franchir ce seuil, une intervention militaire américaine semble quasiment inévitable, tant les conséquences sur le marché mondial seraient importantes.
Un blocage du détroit d’Ormuz ferait aussi flamber les prix de l’énergie aux États-Unis, ce qui révélerait le spectre de l’inflation. Or, ce scénario serait politiquement préjudiciable à Donald Trump, en pleine année d'élections législatives. Pour Washington, les enjeux sont donc autant internationaux que locaux.
Un autre élément capital plaide contre une fermeture du détroit: la Chine. Le géant asiatique est aujourd’hui l’un des plus grands acheteurs de pétrole iranien, et son intérêt pour la stabilité de son approvisionnement énergétique est évident.
Alors que les États-Unis et l’Union européenne ont progressivement réduit leur dépendance envers le pétrole qui transite par Ormuz, les exportations vers la Chine, elles, n’ont cessé d’augmenter. Le centre de recherche économique Econovis explique:
Dans ce contexte, une rupture avec Pékin, au moment où l’Iran subit déjà les effets des sanctions internationales et cherche à préserver ses rares partenaires, serait suicidaire autant sur le plan économique que diplomatique. À ce titre, il paraît hautement improbable que Téhéran prenne le risque d’irriter la Chine avec une manoeuvre aussi risquée.
En l’état, la menace de fermer le détroit d’Ormuz semble donc relever davantage de la rhétorique stratégique que d’un réel plan d’action.
Traduit de l'allemand et adapté par Joel Espi