L'homme costaud était armé d'une kalachnikov lorsqu'il a fait irruption dans l'ambassade d'Azerbaïdjan, à Téhéran, dans la capitale iranienne, en criant à pleins poumons. Lors de l'attaque, enregistrée par une caméra vidéo, le chef de la sécurité de l'ambassade a été tué et deux gardes ont été grièvement blessés. Bientôt trois mois se sont écoulés depuis cet incident, dont le contexte n'a toujours pas été élucidé.
Pour le gouvernement azerbaïdjanais, il s'agissait d'une «attaque traître de terroristes». Les Iraniens, en revanche, ont tenté de minimiser le meurtre en le qualifiant de «dispute familiale à la fin tragique» – ce qui a encore aggravé les tensions entre les deux pays.
Trois mois avant le meurtre de l'ambassade, plus de 11 000 soldats iraniens avaient été déployés le long de la rivière Aras, qui marque la frontière entre l'Iran et l'Azerbaïdjan. La manœuvre, à laquelle participaient également 150 chars ainsi que des hélicoptères et des avions de combat, portait le nom de «Puissant Iran».
L'exercice militaire était dirigé contre les projets du gouvernement azerbaïdjanais de création d'une liaison de transport entre l'enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan et la République d'Azerbaïdjan, que le gouvernement de Bakou appelle «le corridor Zangezur».
Selon les plans des Azerbaïdjanais, cette route devrait passer par la province arménienne du sud du Sjunik, limitrophe de l'Iran. L'Arménie avait dû accepter en novembre 2022, après la guerre perdue dans le Haut-Karabagh, de nouvelles voies de transport et de communication dans la région.
Les conditions exactes n'ont toutefois pas été définies. Bakou réclame un corridor extraterritorial qui couperait le sud de l'Arménie. De plus, le chef d'Etat azerbaïdjanais, Ilhan Aliyev, revendique depuis quelques mois l'ensemble de la province arménienne de Sjunik, que les Azéris appellent «Zangezur». Celle-ci fait partie «depuis des siècles de l'Azerbaïdjan historique», affirme Bakou.
Le corridor de 42 kilomètres ouvrirait également à la Turquie, alliée de Bakou, la voie directe tant attendue vers l'Asie centrale. Une «route de la soie turque» jusqu'en Chine verrait le jour, se réjouit-on à Ankara. Pour l'Arménie et l'Iran, le corridor serait en revanche fatal, car il couperait la liaison terrestre de l'Arménie avec l'Iran.
L'homme le plus puissant d'Iran appartient à la minorité azerbaïdjanaise de son pays. Cette minorité vit dans le nord de l'Iran, à la frontière avec l'Arménie, la Turquie et la République d'Azerbaïdjan. Dans ce dernier pays, on tente de raviver les sentiments nationalistes des Azéris iraniens après la guerre du Haut-Karabagh gagnée contre les Arméniens. L'Etat pluriethnique iranien serait menacé dans ses fondements par un tel mouvement séparatiste.
Une autre «provocation insupportable» – du point de vue de Téhéran – est la relation étroite avec Israël que le gouvernement de Bakou entretient depuis quelques années. La semaine dernière, une ambassade israélienne a été ouverte dans la capitale azerbaïdjanaise. Presque au même moment, Bakou a déclaré quatre diplomates iraniens «personnes indésirables».
Des «actions provocatrices» seraient à l'origine de leur expulsion. Les diplomates, affirme Bakou, auraient soutenu des groupes terroristes et tenté de recruter des espions.
Pour le régime iranien, la «limite du tolérable» a manifestement été dépassée. Dans un commentaire de fond, le Teheran Times a rappelé sans équivoque au gouvernement de Bakou de tenir compte de «la leçon de l'Ukraine». Ce qui se passe actuellement à l'est de l'Europe pourrait bientôt se répéter à 1000 kilomètres à l'est. L'Azerbaïdjan, prévient le Teheran Times, doit donc être «prudent lorsqu'il prend des mesures (contre l'Iran) qui pourraient conduire à une escalade des tensions dans la région du Caucase du Sud». (aargauerzeitung.ch)
(Traduit et adapté par Pauline Langel)