Ce 25 septembre, les Italiens se rendent aux urnes pour des élections législatives mouvementées et turbulentes. Selon toute vraisemblance, la coalition de droite devrait l'emporter, même si la gauche pourrait faire un bon score et le centre, surprendre.
Si l'on a beaucoup parlé de la bouillonnante Giorgia Meloni, sorte de Marine Le Pen smart et populaire, qui compte remplacer Matteo Salvini dans le cœur des votants de la droite populiste et contestataire, qu'en est-il des autres partis?
Petit tour d'horizon avec Federico Grandesso, journaliste indépendant, correspondant à Bruxelles pour le média en ligne New Europe et fin connaisseur du panorama politique italien.
Après la démission de Mario Draghi et la dissolution du Parlement en juillet dernier, sur fond de crise politique, les Italiens ont été appelés pour des élections législatives anticipées pour élire les députés de la Chambre des députés (basse) et ceux du Sénat (chambre haute).
Concentrons-nous sur les projections de la Chambre des députés. Pour l'heure, les sondages indiquent, selon les chiffres en date du 9 septembre fournis par le site Politico.eu:
Le 14 août dernier était la date limite pour l'établissement de coalitions gouvernementales, qui avancent depuis en rangs serrés. Celles-ci sont composées de différents partis et parfois, d'alliances composées elles-mêmes de partis.
Le système de scrutin (à un tour) pour l'élection des deux chambres est un peu particulier. Car la répartition des sièges est régie par un système double:
La Chambre des députés compte 630 sièges et le Sénat 315. Pour faire élire un candidat au scrutin proportionnel, son parti doit avoir au minimum 4% des votes. Cependant, n'importe quel candidat peut être élu au scrutin majoritaire.
Si le scrutin à la proportionnelle d'élire facilement des candidats présents sur des listes, le scrutin majoritaire favorise plutôt des personnalités fortes, des candidats de partis bien implantés régionalement ou au carnet d'adresse bien fourni. Cela force aussi les partis à envoyer leurs candidats sur le terrain et rencontrer les votants.
La coalition de centre-droit aurait tout aussi bien pu s'appeler «coalition de droite». Elle est composée de plusieurs partis phares de la politique italienne ou en ascension fulgurante:
Forza Italia, le parti de droite libérale classique de Berlusconi n'est pas la locomotive de la coalition, mais c'est bien grâce au cavaliere que la formation tient de manière aussi solide. Pour mieux mettre les ténors de la droite dure Meloni et Salvini sur le devant de la scène.
Car c'est bien Berlusconi qui a donné sa chance à Giorgia Meloni dans les années 2000. Il est perçu comme un patriarche autour duquel la grande famille de la droite vient se mettre à table, malgré les égos et des différences de parcours ou de programme.
Entre Meloni et Salvini, l'équilibre des forces s'est inversé. En 2018, c'était Salvini qui électrisait les foules et qui menait la coalition. Fratelli d'Italia, qui en faisait partie, était alors un micro-parti qui faisait 4%.
Fratelli d'Italia a vu une ascension fulgurante depuis quelques mois, aux dépens de la Lega. Cela s'explique par le report des votants, déçus du passage plus ou moins raté de Matteo Salvini au gouvernement.
Si Fratelli d'Italia et la Lega se rejoignent sur des positions conservatrices de société et anti-immigration, leurs positions sur la politique étrangère rejoignent — sur le papier —, celles de l'Europe:
Sur le papier en effet, car Salvini n'a jamais caché son admiration pour Poutine, et Berlusconi a raconté très récemment à la télévision italienne que l'invasion russe en Ukraine était la faute de l'OTAN. Chassez le naturel...
Au sein des Frères d'Italie, cependant, l'alignement sur Washington, effectué lors de l'ère Trump, n'a pas été contesté. Sur ce point, Giorgia Meloni se distingue donc (en théorie comme en pratique) de ses collègues masculins de la coalition.
Contrairement à la droite, la coalition de centre-gauche est fragile. Elle est composée du Parti démocrate, de centre-gauche, et d'un agrégat de partis satellites.
Après le départ du parti centriste Azione (voir plus loin), la coalition s'est recentrée plus solidement à gauche, avec le soutien des Verts et de la gauche radicale.
Le PD, qui cartonne dans les centre-villes, repose sur un électorat urbain et progressiste. Il s'agit du parti de gouvernement qui attire le plus les votants.
Face à trois blocs plus ou moins compacts, le «M5S» (Movimento Cinque Stelle) a, comme à son habitude, décidé de faire cavalier seul.
Cette formation populiste créée par l'humoriste Beppe Grillo a fait une formidable ascension depuis la fin des années 2000. Classée comme «ni à droite, ni à gauche», ses cinq étoiles représentent les «cinq enjeux majeurs» que sont l’eau, l’environnement, l’énergie, le développement et les transports.
Le parti est présidé par Giuseppe Conte, qui était Premier ministre entre 2018 et 2021. Il compte plusieurs personnalités en son sein, comme Virginia Raggi, la maire de Rome.
Le parti suit depuis ses débuts une politique de non-compromis, ayant toujours refusé de faire des accords avec les autres formations, ce qui lui a assuré des succès, comme aux élections de 2018 (33%) et des déconvenues: la défection de Luigi di Maio, charismatique jeune trentenaire qui a dirigé le parti de 2017 à 2020, pour créer son propre parti — désormais allié à la coalition de centre-gauche via l'alliance Engagement civique.
Né d'une scission du Parti démocrate, Action (Azione) avait pourtant prévu de faire campagne au sein de la coalition de centre-gauche, avant de retourner sa veste, début août, sous l'impulsion de son énergétique figure de proue, Carlo Calenda.
Progressiste mais libérale économiquement et atlantiste, Azione avait fini par acter le divorce, principalement pour raisons économiques. Il concourt avec Italia Viva, le parti de l'ancien Premier ministre Matteo Renzi, alors au Parti démocrate.
Ce parti eurosceptique et militant pour la sortie de l'Italie de la Zone euro n'est crédité que de quelques pourcentages d'intentions de vote. Il lui faudra atteindre toutefois toucher les 4% pour entrer au Parlement.
Il est à noter que, contrairement à d'autres pays comme la France ou l'Allemagne, ce parti n'est pas aligné avec la droite dure, dont la sortie de la Zone euro ne fait pas partie du programme.
Quelques micro-partis et autres partis régionalistes subsistent. Ils ne devraient pas entrer au Parlement par la voie du scrutin proportionnel mais pourront tenter leur chance de manière nominale.