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L'Italie veut castrer les violeurs: est-ce vraiment efficace?

Matteo Salvini demande la castration forcée.
Matteo Salvini demande la castration forcée.Keystone

L'Italie veut castrer les violeurs: est-ce vraiment efficace?

Matteo Salvini a demandé la castration chimique forcée de plusieurs délinquants sexuels ayant commis un viol sordide. Pour Dirk Baier, expert suisse en délinquance juvénile, il ne s'agit pas d'une solution magique.
08.02.2024, 06:00
Juliette Baur
Juliette Baur
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«Une petite fille violée par sept Égyptiens: ne me parlez pas de tolérance. Face à cette horreur, il ne faut pas être indulgent, il n'y a qu'un seul traitement: la castration chimique».

Voici ce que dit un message posté sur X par Matteo Salvini. Le message du ministre italien et chef de la Lega se réfère à un fait divers sordide. Une jeune fille de treize ans a été violée par un groupe d'hommes et de garçons sous les yeux de son petit ami, dans la ville sicilienne de Catane.

Ce n'est pas la première fois que Matteo Salvini met le sujet sur la table. Il s'était prononcé en faveur d'une loi autorisant la castration chimique forcée, après d'autres viols collectifs aient été rendus publics, notamment en août 2023 à Palerme. Il souhaite désormais que la population italienne se prononce à ce sujet.

La castration chimique est possible en Suisse

La politique suisse ne connaît que trop bien les propositions comme celles de Matteo Salvini. Il y a onze ans, Pierre Rusconi, ancien conseiller national (TI/UDC), avait émis l'idée d'examiner la possibilité d'introduire la castration chimique pour les pédophiles et les violeurs récidivistes.

Pierre Rusconi, Praesident der SVP Tessin eroeffnet am Samstag 26. Maerz 2011, die SVP Delegiertenversammlung, im Austellungszentrum von Lugano. (KEYSTONE/Karl Mathis)
Pierre Rusconi, ancien conseiller national UDC.Image: KEYSTONE

Réponse du Conseil fédéral: la castration chimique des délinquants sexuels est déjà utilisée en Suisse depuis des décennies. Mais le gouvernement s'est opposé à une castration systématique en cas de récidive. Il a en outre souligné que, même si la castration chimique forcée est possible, elle pourrait être inutile, voire dangereuse, dans certains cas.

La décision du Conseil fédéral et les articles du Code civil auxquels il se réfère sont encore valables aujourd'hui. La castration chimique est toutefois, en pratique, très rarement utilisée en Suisse. Dirk Baier, directeur de l'Institut pour la délinquance et la prévention de la criminalité de l'Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), estime qu'il n'y a en Suisse qu'un faible nombre de cas par année.

Dirk Baier, Institut für Delinquenz und Kriminalprävention an der Zürcher Hochschule für angewandte Wissenschaften (ZHAW)
Les recherches de Dirk Baier portent notamment sur la délinquance juvénile et la criminalité violente.dr

Aucun succès garanti

L'objectif de la castration chimique est d'abaisser le taux de testostérone chez les délinquants sexuels. Mais une diminution voire une disparition de l'activité sexuelle suite à cette procédure n'est pas clairement confirmée scientifiquement.

Selon Dirk Baier, l'une des motivations centrales des délinquants sexuels n'est pas seulement d'assouvir leur pulsion sexuelle, mais aussi d'exercer leur domination et leur pouvoir. Dans le cas des viols collectifs, s'ajoute ensuite le motif de vouloir prouver sa qualité de «vrai homme» face aux autres.

«L'expression d'une pulsion sexuelle stimulée par la testostérone ne joue pas de rôle significatif. Les faits qui en résultent, le plus souvent sur des femmes, sont le résultat d'expériences violentes au sein de l'environnement familial»
Dirk Baier

Pour l'expert, la castration chimique est «problématique» parce qu'elle promet une réponse simple à un problème complexe: les crimes sexuels sont évités si la production de testostérone est stoppée, voire réduite. Mais il nuance:

«On ne devient pas délinquant sexuel juste à cause d'un déséquilibre hormonal. Leur développement s'inscrit dans un processus de socialisation à long terme. La personnalité qui se forme dès lors ne peut pas être modifiée uniquement par un traitement médicamenteux»
Dirk Baier

Le professeur estime que l'utilité de ce traitement est surestimée. «Il n'existe aucune preuve scientifique validée expérimentalement de l'efficacité de cette mesure», dit-il.

Castration forcée en Pologne et en Macédoine

Selon Dirk Baier, il y a peu d'aspects positifs à la castration chimique. Pourquoi est-elle pourtant toujours évoquée comme solution dans le débat public? «Les politiciens de partis conservateurs et de droite propagent cette idée parce qu'elle leur permet de promettre davantage de sécurité. C'est une mesure qui bénéficie d'une forte approbation dans la population et contribue à un sentiment de sécurité accru.»

Et dans le reste du monde? En 2009, le Sénat polonais a adopté une nouvelle loi contre les délinquants sexuels qui ont violé des mineurs ou des enfants, y compris dans les cas d'inceste. Depuis lors, ces délinquants doivent se soumettre à une castration chimique forcée après avoir purgé leur peine. Pour cela, on utilise un médicament qui supprime la production d'hormones. En Macédoine, une loi a également été adoptée en 2014, qui permet de contraindre les pédosexuels récidivistes à subir une castration chimique.

La castration chirurgicale, c'est-à-dire l'ablation des organes génitaux des délinquants pédosexuels, a même été discutée très récemment au parlement kazakh. Bien que la pédocriminalité soit déjà passible d'une peine de prison à vie au Kazakhstan, certains députés sont favorables à un durcissement de la loi.

Traduit et adapté par Anaïs Rey

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Video: watson
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