Nous sommes mercredi soir et il est très exactement 16 heures (22 heures en Suisse), à Washington, la capitale des Etats-Unis. Les journalistes ont été conviés dans la East room, un salon prestigieux de la Maison-Blanche. C'est seulement la neuvième conférence de presse du 46e président américain, depuis son investiture, le 20 janvier 2021. Contrairement à son prédécesseur Donald Trump, il n'aime pas cet exercice.
A la veille de célébrer la première année de son élection en tant que Chef de l'Etat, Joseph Robinette Biden, alias Joe Biden, prononce la phrase suivante, pendant un discours que de nombreux médias de la droite américaine vont immédiatement qualifier de «désastreux»:
Le président a-t-il raison? Nous sommes allés vérifier. Voici un bilan en six points de sa première année à la tête du pays.
Joe Biden a pris ses fonctions en s'engageant à lever la menace de la pandémie de coronavirus, qu'il a qualifiée de «virus enragé qui rôde silencieusement dans tout le pays». Et pendant une période de sa présidence, il semblait avoir réussi.
Puis vint l'arrivée du variant Delta, suivi d'Omicron, extrêmement transmissible. Biden s'est précipité pour restreindre les voyages, mais cela n'a guère ralenti la propagation. Ces dernières semaines, les cas de Covid-19 ont atteint des niveaux records. Les décès augmentent au niveau national et le nombre d'Américains hospitalisés pour cette maladie est plus élevé qu'à n'importe quel moment de la pandémie.
Les longues files d'attente pour obtenir les tests Covid et la faible disponibilité des tests à domicile ont suscité des critiques quant à l'état de préparation de la Maison-Blanche, tandis que les directives changeantes et les messages brouillés de la part des autorités fédérales de la santé publique ont engendré une population fatiguée de la maladie, également confuse et frustrée. La confiance de l'opinion publique dans la gestion de la pandémie par le 46e président des Etats-Unis a considérablement chuté, ce qui a pesé sur sa cote de popularité globale.
C'est en même temps la meilleure et la pire des périodes en ce qui concerne l'économie américaine. La Maison-Blanche a terminé l'année 2021 en soulignant que le nombre de demandes d'allocations chômage n'a jamais été aussi bas depuis 50 ans, que le marché boursier a battu des records et que la croissance économique est l'une des plus rapides au monde.
Il y a, bien sûr, un «mais». L'économie est toujours à environ 3,6 millions d'emplois de moins que son niveau pré-pandémique, comme le rapporte The Guardian:
Biden a nommé une administration historiquement diversifiée qui comprend, en la personne de Deb Haaland, secrétaire d'Etat à l'intérieur, la première Amérindienne à occuper un poste de ministre. Kamala Harris est la première femme de couleur à occuper le poste de vice-présidente, bien qu'on lui ait confié des problèmes insolubles à résoudre et que son taux d'approbation soit encore plus bas que celui de Biden.
Les efforts de réforme de la police sont au point mort. Le président même dû abandonner une promesse de campagne visant à créer une commission nationale de surveillance de la police au cours de ses cent premiers jours.
Les discussions au Congrès sur la loi George Floyd Justice in Policing Act, qui vise à améliorer la formation des policiers, à réduire le recours à la force excessive et à mettre fin à des techniques telles que l'étranglement, ont échoué en septembre. Jacari Harris, directeur exécutif d'une fondation portant le nom de Floyd, a décrit ceci comme étant «un revers dévastateur» pour la communauté afro-américaine.
Plus grave encore, les efforts de lobbying du président n'ont pas permis de protéger le droit de vote des personnes de couleur. La législation nationale visant à freiner les efforts des Etats républicains pour imposer des restrictions électorales est bloquée au Sénat, où la répartition 50-50 entre démocrates et républicains ne laisse aucune marge d'erreur.
Signe de la déception et de l'exaspération, lorsque Joe Biden s'est rendu à Atlanta, cette semaine, pour présenter ses arguments les plus agressifs en faveur de la réforme du droit de vote, certains militants ont boycotté l'événement.
Dans son premier discours en tant que président des Etats-Unis, le locataire de la Maison-Blanche a proclamé la phrase suivante:
Près d'un an plus tard, de retour au Capitole, Biden a adopté un ton très différent et plus pugnace:
La mission de Biden visant à apaiser les divisions s'est écrasée sur une polarisation qui n'a fait qu'être accélérée par la pandémie et les mandats de vaccination, ainsi que par les guerres culturelles. Et pendant ce temps-là, loin de se faire discret, l'ex-président Donald Trump reprend ses meetings de campagne en vue d'une éventuelle candidature à la Maison-Blanche en 2024.
Dans son discours d'investiture, Joe Biden avait promis d'entendre le «cri de survie» de la planète, en mettant en place une réponse sans précédent à la crise climatique. Mais ses plans ambitieux se sont depuis heurtés à la réalité d'un Sénat divisé en deux parties égales, où l'opposition d'un sénateur de l'Etat de la Virginie-Occidentale (un des deux plus gros producteurs de charbon du pays) a contrecarré des éléments majeurs du programme climatique du président, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour la planète.
Pourtant, les semaines et les mois à venir seront déterminants pour les objectifs climatiques de Biden. La législation «Build Back Better» du président est condamnée sans le soutien du sénateur Joe Manchin et il n'est pas certain que les négociations puissent être relancées.
Le mois prochain, la Cour suprême entendra une affaire portée par des Etats dirigés par des républicains et par des sociétés de charbon, qui pourrait restreindre considérablement le pouvoir de l'administration de réglementer les émissions de carbone à l'origine du changement climatique.
Joe Biden a annoncé qu'il choisirait à nouveau son actuelle vice-présidente, Kamala Harris, pour être sa colistière s'il se représente à l'élection présidentielle en 2024. Certains stratèges estiment eux qu'un autre choix lui donnerait plus de chances d'être réélu.
Première femme et première personne de couleur à accéder à la vice-présidence des Etats-Unis, Harris a vu sa cote de popularité s'effondrer depuis qu'elle est à la Maison-Blanche.
Malgré le blocage au Congrès de son projet de loi sur le vote des minorités et alors que certains stratèges estiment que le président américain augmenterait ses chances d'être réélu en se choisissant une autre personne pour sa prochaine campagne présidentielle, on va dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, autant sur ce choix que sur la réalité des Américains, un an après le retour d'un démocrate à la Maison-Blanche... ce n'est pas gagné!