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Bloquons tout près de Genève: «Il faut dégager ces voyous»

A Annemasse, «Bloquons tout» réunit une France en colère, du militant LFI à l’ancienne Gilet jaune antivax.
Des dizaines de militants étaient réunis au rond-point d'Annemasse.Image: watson

«Il faut dégager ces voyous»: avec ceux qui veulent bloquer la France

Au rond-point du Burger King d'Annemasse, près de Genève, des dizaines de militants du mouvement «Bloquons tout!» envisagent de faire durer la lutte. Reportage.
10.09.2025, 15:4410.09.2025, 19:38
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Il est 10h20 ce mercredi matin au rond-point du «Burger King», à Annemasse, en Haute-Savoie, à côté de Genève. Romain, un informaticien de 27 ans, lance au mégaphone une «assemblée générale». Objectif? Décider de la suite des actions à mener en ce 10 septembre baptisé «Bloquons tout» par ceux qui veulent voir tomber «Macron».

«On pourrait aller à l’Intermarché qui se trouve à cent cinquante mètres pour confisquer les caddies. Les gens continueraient de faire leurs courses, mais ils consommeraient moins.»
Romain

La quarantaine de personnes rassemblées en cercle sont invitées à présenter leurs idées. «Il paraît que Burger King soutient Israël», rebondit un participant avec, dans son champ de vision, le fast-food du même nom. Un troisième pense qu’il vaudrait la peine d’investir le terre-plein central du rond-point, plutôt que de rester sur les côtés. «On nous verrait plus», dit-il.

«Les flics vont sortir les gaz»

Les forces de l'ordre sont dans les parages, discrètes. Quatre à cinq hommes en uniforme. Pas plus. «La police a dit qu’on pouvait nous exprimer mais pas occuper complètement le rond-point», informe Romain. Que veut dire «complètement»? Et quelles seraient les conséquences d’un blocage total de cet échangeur vital pour la circulation? On en est sûr ici: «Les flics vont sortir les gaz.»

On apprend que «1500 tracts» ont déjà été distribués aux automobilistes depuis le début de la mobilisation, trois heures plus tôt. Des klaxons de soutien retentissent au passage des voitures et des camions. Le rond-point est progressivement investi de pancartes et de banderoles, de drapeaux palestiniens aussi. Plusieurs slogans occupent l'espace:

«Soyez du bon côté de l’Histoire»
«Macron dégage»
«Abolissons le salariat. Exproprions le patronat. Autogestion!»
«Justice sociale, grève générale»

D’autres slogans sont en préparation. Des pots de peinture sont à disposition. Là, bientôt un classique «ACAB» anti-flics, ici un futur «Macron à vélo, Macron lâche le jet!» aux accents écolos.

A Annemasse, «Bloquons tout» réunit une France en colère, du militant LFI à l’ancienne Gilet jaune antivax.
Les manifestants préparent leurs pancartes.

Initié en juillet par une nébuleuse antivax et pro-Poutine frayant avec l’extrême droite, le mouvement «Bloquons tout!» a été récupéré dans l’intervalle par la gauche radicale et notamment La France insoumise (LFI) de Jean-Luc-Mélenchon.

«L’erreur des Gilets jaunes»

Mais que faire de ce «Bloquons tout» pour que ce soit plus qu’un coup d’un jour? Romain évoque la possibilité d’une occupation dans la durée. Dès ce mercredi soir, et pourquoi pas cette nuit, pour enchaîner le lendemain. «L’erreur des Gilets jaunes, c’est d'avoir été une mobilisation entrecoupée de pauses.» Le jeune homme renvoie au mouvement insurrectionnel de 2018-2019, qui fit vraiment peur aux autorités.

Il y a d'ailleurs pas mal d’anciens «GJ» dans l’assistance. Qui sont ces personnes venues ce mercredi matin dès 7 heures au rond-point du «Burger King» d’Annemasse?

Patrick, 71, ancien Gilet jaune

Patrick, 71 ans, est un ancien Gilet jaune. Sous sa doudoune sans manches, il arbore un t-shirt «Jeunesse antifasciste» qui le rajeunit, plaisante-t-il.

«J’ai pris ma retraite à 60 ans après une carrière dans les ascenseurs. J’ai eu de la chance de pouvoir partir tôt, car après j'ai eu encore de belles années. Il faut en profiter, car aujourd’hui, je me sens quand même moins en forme.»
Patrick, ancien gilet jaune.
Patrick, ancien gilet jaune.

En 2018, quand a éclaté le mouvement des Gilets jaunes, à l’époque déjà contre la vie chère, Patrick a été du premier samedi d’occupation, au rond-point d’Etrembières, où Migros avait ouvert un hypermarché, repris par Super U. «On était 500», se souvient-il.

«Je milite en politique depuis l’âge de 20 ans. A l’époque, j’étais avec les communistes, maintenant je vote LFI (La France insoumise, le parti de Jean-Luc Mélenchon). Si je m’engage aujourd’hui, c’est pas pour moi, j’ai la chance d’avoir une bonne retraite. Non, c’est pour mes enfants et petits-enfants.»
Patrick

Sylvain, 34 ans, aide-soignant

«La société doit radicalement changer de direction», décrète Sylvain, aide-soignant de 34 ans dans un hôpital de la région. «Ce sont les multinationales qui profitent du travail de la très grande majorité de la population, laquelle ne voit pas la couleur de ce qu’elle produit.»

«Pas sûr qu’on puisse changer le système avec des élections. Ça se fera plutôt par l’action, grâce à la mobilisation des travailleurs»
Vidéo: watson

Agnès, 47 ans, enseignante de français

«Ras-le-bol de la macronie!» Agnès, 47 ans, qui enseigne le français aux migrants à Genève, ainsi que le piano par ailleurs, en a «ras-le-bol de Macron, c’est trop de pouvoir». «Ceux qui dirigent la France se moquent de nous, ils nous parlent mal, ils sont maltraitants, ils ne travaillent pas pour le bien-être des gens.»

«Cela me choque d’entendre que la dette, c’est la faute des Français»
Agnès

Agnès, qui vit en France et a voté pour la coalition de gauche NFP aux législatives anticipées de 2024, critique l’«inaction climatique» et pense que «la démocratie n’existe plus». Elle soutient la proposition d’une sixième république, mais pas celui qui en est à l’origine, Jean-Luc Mélenchon. A propos du leader lfiste, elle lâche:

«Marre de son egotrip!»
Agnès

Victor, 16 ans, lycéen

«Je suis là pour protester contre tout ce qui ne va pas en France», annonce Victor, 16 ans, qui entame sa dernière année de lycée, en filière bac général. Venu au rond-point avec son père, il est là pour s’opposer à «Macron», mais aussi pour dénoncer le «génocide à Gaza». Il veut défendre les « minorités opprimées».

«Avec l’ultralibéralisme, ce sont toujours les mêmes qui s’enrichissent, alors que les pauvres s’appauvrissent»
Victore

L’adolescent pensait d’abord faire des études de physique. Il a changé d’avis. Ce sera sciences-politiques ou droit.

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Sur le rond-point, les manifestants se sont installés pour la journée.Image: watson

Christelle, 45 ans, infirmière

Christelle, 45 ans, infirmière auprès de personnes handicapées, a beaucoup voté «pour les écolos et, je m’en mords les doigts, pour les socialistes». Dorénavant, elle donne sa voix à LFI. «Pour plus d’écologie, plus de justice sociale, pour une vie meilleure», énumère-t-elle. Christelle est favorable au RIC, le référendum d’initiative citoyenne, une revendication portée à l’époque par les Gilets jaunes, qu'on retrouve sur une pancarte au rond-point du «Burger King» d'Annemasse.

«Depuis, les choses se sont encore dégradées»
Christelle

Michel, 65 ans, retraité, dans le milieu culturel

«Et dire que Macron, quand il a été élu président la première fois, venait d’écrire un livre qui s’appelait Révolution», soupire Michel, 65 ans, «dans la culture et le social pendant 30 ans», à la retraite, mais toujours actif. Lui aussi soutient le RIC, «le choix du social», assure-t-il. «Après les Gilets jaunes, ça recommence, et là, ce n’est que le premier jour, il y aura beaucoup de répression avec Retailleau le facho (l’actuel ministre de l’intérieur)», entrevoit-il. «La France ne veut plus de la macronie, qui ne tient qu’à coups de matraque.»

Les propos de Michel prennent une tonalité révolutionnaire.

«Il va falloir dégager cette poignée de voyous et de parasites. Il va falloir prendre le pouvoir, on ne sait pas trop comment, mais il faut qu’on les sorte»
Michel

Michel a vécu quarante ans dans le Gard, dans le Sud de la France, où «les six députés du département sont Rassemblement national, ce qui veut dire que les choses ne vont pas bien». Il est arrivé à Annemasse l’année dernière. Il vit avec sa modeste retraite. «J’ai écrit une pièce de théâtre, que je joue moi-même, Carotte-Neuf.3, clin d’œil à l’article 49.3 de la Constitution si souvent utilisé par Macron pour faire passer ses lois antisociales en force.» En août, Carotte-Neuf.3 était à l’affiche du festival de théâtre de rue d’Aurillac. «Je peux venir le jouer en Suisse, si des personnes se montrent intéressées», glisse-t-il

Lydia, 42 ans, gouvernante

«Le 6 décembre 2018, on était monté à cinq à Paris. On slalomait en voiture parmi les brasiers.» Lydia, 42 ans, gouvernante dans un organisme dont elle souhaite garder le nom anonyme, est une ex-Gilet jaune, rappelle-t-elle en évoquant ce souvenir parisien. Fidèle à cette période tourmentée, cette habitante d’Annemasse en a gardé les pancartes dans son garage. Ce mercredi matin, aube d’un possible mouvement d’ampleur, elle a revêtu son gilet jaune fétiche.

Lydia en gilet jaune.
Lydia en gilet jaune.
«L’état de la France, c’est de pire en pire. Le prix de l’électricité a monté, je paie 50 euros par mois, à moi toute seule. Les canettes de bière, je n’en bois pas mais mon copain oui, sont passées de 1,50 euro à 2 euros. Et puis, Annemasse, c’est un peu la cour des miracles. Je ne suis pas du tout raciste, mais il y a des Maghrébins dans un état pas possible qui zonent dans la rue. Attention! Ce ne sont pas des Maghrébins qui sont nés ici.»
Lydia

Lydia a voté Marine Le Pen au second tour de la dernière élection présidentielle, en 2022, qui était opposée à Emmanuel Macron. Sinon, elle a déjà voté pour «Asselineau», une star de la complosphère. Elle en veut à «Macron» pour le «confinement, un scandale». Elle a refusé de se faire vacciner contre le Covid. «J’étais totalement contre.»

Elle sort une feuille de papier griffonnée de propositions de slogans, qu’elle écrira peut-être avec son «copain» qui devait la rejoindre sur le rond-point du «Burger King»:

«Des milliards pour l’Europe. Des milliards pour l’Ukraine. Et maintenant, on (il) envoie des soldats sur place!!! Fuck off!!!»
«Médias français grassement subventionnés avec l’argent des Français: tous corrompus»
A Annemasse, «Bloquons tout» réunit une France en colère, du militant LFI à l’ancienne Gilet jaune antivax.
Les victuailles étaient de sortie pour soutenir les militants.Image: watson

15 heures. Les manifestants sont environ 80 et se trouvent à présent sur le terre-plein central du rond-point du Burger King. L’occupation est en train de prendre des airs de camping, avec ses victuailles et même son four à pizza portatif. La police est en plus grand nombre aussi. Mais la circulation s’effectue pour l’instant «sans entrave», constate un policier.

Le mouvement qui veut «bloquer» la France fait des émeutes à Paris
Video: watson
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