La colère des jeunes népalais ne cesse de grandir. Ils en veulent à une élite qu'ils jugent sourde à leurs aspirations et incapable d'accélérer le développement économique de cette république himalayenne de 30 millions d'habitants.
Lundi 8 septembre, des milliers de jeunes, pour la plupart en uniforme scolaire, ont pris les rues de Katmandou pour exprimer leur opposition face à une situation actuelle qu'ils ne supportent plus. Le déclencheur immédiat a été le blocage de 26 réseaux sociaux par le gouvernement, mais leur colère s’enracine aussi dans un contexte de corruption généralisée, de chômage élevé et d’un profond ressentiment pour les élites politiques.
Alors qu’ils défilaient avec des banderoles, la police a ouvert le feu à balles réelles, faisant au moins 19 morts et des centaines de blessés.
Les émeutes se sont poursuivies mardi, les manifestants ayant incendié le Parlement, le siège du Parti du Congrès népalais et la résidence de l'ancien Premier ministre Sher Bahadur Deuba. Les domiciles de plusieurs autres personnalités politiques ont également été vandalisés. En réponse à la violence croissante, le gouvernement a instauré un couvre-feu indéfini à Katmandou, renforçant la présence militaire pour tenter de restaurer l'ordre.
Au moins trois personnes auraient été tuées mardi, portant le bilan total à au moins 22 morts depuis le début des troubles.
Khadga Prasad SharmaIl, Premier Ministre népalais, a démissionné le 9 septembre 2025, sous la pression de plusieurs jours de manifestations violentes menées par la génération Z, motivées par l’indignation contre la brutalité policière de ces derniers jours.
Le blocage des réseaux sociaux a mis le feu aux poudres dans le pays, mais le raz-le-bol est plus général. En 2024, le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans était estimé à 20,8%. Selon la Banque mondiale, 82% de la main-d'œuvre du pays serait employée «de manière informelle, un chiffre bien supérieur aux moyennes mondiales et régionales.»
Pour ne rien arranger, de nombreuses vidéos montrant le contraste entre le quotidien difficile des citoyens ordinaires et le train de vie luxueux des enfants de dirigeants politiques ont circulé massivement sur TikTok et X ces derniers jours.
Nepo Kids Nepal trend has created this recent unrest and protest in Nepal. People were unhappy with how Nepo kids were favoured and given priorities over common citizens. pic.twitter.com/Ytmgh6t0Nn
— 🇵🇰Pakistani2🇳🇱 (@F_JAWED_RAO) September 9, 2025
La semaine dernière, le gouvernement a interdit 26 plateformes de médias sociaux, dont WhatsApp, Instagram et Facebook. La raison officielle était le non-respect du délai d’enregistrement auprès du ministère népalais de la Communication et des Technologies de l’information.
Cette mesure a été largement critiquée, certains y voyant une tentative d’étouffer la campagne anti-corruption lancée en ligne par la jeunesse népalaise. L’interdiction a finalement été levée lundi soir, suite à l'insurrection de la population.
In less than 48 hours Gen Z protest in Nepal did the following:
— CG (@chandangoopta) September 9, 2025
- Burnt down multiple politicians' houses
- Increased the protest even during curfew and firing around multiple cities
- made the Prime Minister resign
- entered parliament and burnt it.
This is the generation that… pic.twitter.com/ovY2tWAASY
Menée par les jeunes du pays et lancée sur les réseaux, cette manifestation ne ressemble à aucune autre dans le pays. Les manifestants s’identifient comme la génération Z, et le terme est devenu un symbole de ralliement tout au long du mouvement.
Binu KC, une étudiante de 19 ans, a expliqué à la BBC que les jeunes voulaient mettre fin à la corruption au Népal, estimant que les dirigeants font des promesses pendant les élections qu’ils ne tiennent jamais et sont à l’origine de nombreux problèmes. Elle précise également que l’interdiction des réseaux sociaux a perturbé sa scolarité, en limitant l’accès aux cours en ligne et aux ressources pédagogiques.
Une des particularités marquantes de ces manifestations a été l’adoption massive des slogans #NepoBaby et #NepoKids. Ces hashtags ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux ces dernières semaines, alimentés par des vidéos montrant le train de vie luxueux de certains politiciens et de leurs familles.
⚠️🇳🇵This is one of the videos that shows the mindset of the average #NepalGenZProtest protestor.
— Saikiran Kannan | 赛基兰坎南 (@saikirankannan) September 9, 2025
Nepotism.
GenZ protests targeted the elite: This TikTok video shows alleged Nepokids of top politicians flaunting lavish lives, while corruption and misgovernance deepened.#Nepal pic.twitter.com/UhlcHEawuk
Les manifestants dénoncent le fait que ces individus profiteraient d’un confort et d’un succès immérités, financés par l’argent public, tandis que la majorité des Népalais devraient faire face à des difficultés économiques sévères. Sur TikTok et Instagram, des vidéos ont mis en lumière le contraste entre les voyages à l’étranger, les voitures de luxe et les vêtements de marque des familles politiques et la réalité quotidienne des jeunes, marquée par le chômage et la nécessité de partir travailler à l’étranger.
Même après la démission du Premier ministre, l’avenir politique du pays demeure incertaine. L’identité de son successeur reste inconnue, le gouvernement semblant momentanément sans direction.
Certaines figures politiques, y compris des ministres, se seraient mises à l’abri auprès des forces de sécurité. Pendant ce temps, les manifestants continuent de défier le couvre-feu imposé à Katmandou et dans d’autres villes, montrant peu de signes de désescalade. (lem/afp)