En Afrique de l'Ouest, l'ambiance s'est réchauffée. Les démocraties deviennent nerveuses. Non pas qu'un coup d'Etat militaire soit inhabituel dans la région du Sahel – après tout, la Guinée (2021), le Mali (2021 et 2022) et le Burkina Faso (deux fois en 2022) ont créé un terrain fertile pour les prises de pouvoir militaires et les autocraties qui ont suivi.
Mais la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), qui s'inspire des valeurs occidentales, s'inquiète pour la région du Sahel et ne cesse de demander que les gouvernements militaires organisent à nouveau des élections.
Depuis quelques semaines, le nouveau président du Nigeria, Bola Tinubu, préside la Communauté des Etats de la Cedeao. Dans son discours d'investiture, il a déclaré que les démocraties ne devaient pas rester assises comme des «bouledogues édentés» lorsqu'elles sont menacées: «Nous devons mordre en retour».
Aujourd'hui, on essaie manifestement de faire revenir la démocratie au Niger avec toute la rigueur possible: par des sanctions, des fermetures de frontières, des fermetures de l'espace aérien – et un ultimatum. Si la junte militaire nigérienne n'annule pas le coup d'Etat dans un délai d'une semaine, une intervention militaire de la Cedeao ne peut être exclue.
Mais la situation est-elle réellement grave?
Pour l'expert du Sahel Ulf Laessing, l'ultimatum de la Cedeao n'est rien d'autre qu'une menace vide, comme il l'explique à la demande de watson. Il dirige le «Programme régional Sahel» au Mali pour la Fondation Konrad Adenauer, proche de la CDU.
Les pays voisins du Niger, le Mali et le Burkina Faso, ont réagi avec indignation. Ils ont menacé la Cedeao: toute intervention militaire contre le Niger équivaut à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali, ont déclaré les deux gouvernements de transition dans un communiqué commun publié lundi. Une intervention militaire pourrait avoir des conséquences catastrophiques qui pourraient déstabiliser toute la région.
Laessing ne le pense pas. «Il n'y aura pas de guerre», dit-il.
La communauté internationale n'a absolument aucune force d'intervention et doit maintenant s'attaquer à toute l'armée du Niger. Après tout, aucune unité n'est venue en aide au président Bazoum, qui a été arrêté.
Jusqu'à présent, l'organisation n'est intervenue militairement qu'une seule fois, selon Laessing, et c'était en Gambie, en 2017. A l'époque, le président de longue date Yahya Jammeh avait refusé de quitter le pouvoir. Il avait certes perdu les élections, mais en décembre 2016, il avait annoncé dans un discours télévisé qu'il ne reconnaîtrait pas le résultat. Il a obtenu une prolongation de son mandat.
La Cedeao a alors envoyé 4000 soldats dans le pays – principalement du Sénégal voisin. Mais à l'époque, explique Laessing, spécialiste du Sahel, «le gouvernement de l'époque aurait demandé de l'aide».
Laessing voit, toutefois, un danger dans la situation actuelle:
Mais pourquoi le Mali et le Burkina Faso se rangent-ils derrière les putschistes du Niger?
Le Burkina Faso et le Mali sont eux-mêmes membres de la Cedeao, mais ils sont actuellement suspendus depuis les coups d'Etat militaires dans leurs pays. Au Mali et au Burkina Faso, l'armée s'était également emparée du pouvoir. Le Niger était le dernier des trois pays voisins de la région du Sahel à être dirigé par un gouvernement démocratiquement élu.
Comme l'explique Laessing, ces pays se considèrent, avec la Guinée, comme une alliance «panafricaine» qui veut mettre fin à l'influence de l'ancienne puissance coloniale, la France, et cherche à établir un contact avec la Russie.
Lors du coup d'Etat de la semaine dernière, de nombreux drapeaux russes ont été vus dans les mains des manifestants. Même lorsque les manifestants ont pris d'assaut l'ambassade de France, ils l'ont fait en se drapant dans les couleurs de la Russie.
Loin de la France, vers la Russie. L'histoire d'un homme d'affaires nigérien, dont la chaîne d'information britannique BBC a fait le portrait, illustre également un tel penchant. «Je suis prorusse et je n'aime pas la France», confie-t-il à la chaîne. Il ajoute:
La France et l'Italie préparent désormais une évacuation rapide de leurs ressortissants du Niger. Le gouvernement fédéral a conseillé à tous les Allemands présents dans la capitale Niamey de quitter le pays.
Même si la Russie est glorifiée, Laessing ne pense pas que Moscou ait quelque chose à voir avec le putsch. «La Russie et le Niger n'ont pratiquement pas de relations. Il n'y a même pas d'ambassade russe à Niamey», explique-t-il. Mais cela pourrait bientôt changer, car:
Depuis des années, la France se retire de plus en plus de ses anciennes colonies. En 2022, le pays avait rapatrié son dernier soldat du Mali. La France a également quitté le Burkina Faso. Et cela fait avancer la Russie dans la région du Sahel. Depuis que la France s'est retirée de ces deux pays voisins, des influenceurs prorusses tentent d'attiser un sentiment anti-français au Niger, estime l'expert.
Et:
La situation était similaire après les soulèvements au Mali et au Burkina Faso. Des campagnes de désinformation et des slogans anti-occidentaux ont dominé l'ambiance dans ces pays. Les responsables de ces campagnes étaient et sont toujours des entreprises de médias dirigées par Evguéni Prigojine, le chef de la fameuse troupe de mercenaires Wagner.
Avec ses fabriques de trolls, Prigojine est devenu très important pour les dirigeants russes. Grâce à elles, la Russie intervient régulièrement dans l'humeur politique de différents pays.
Dans des pays comme le Mali, les mercenaires de l'homme d'affaires russe sont stationnés de manière sécurisée. Au Burkina Faso, il y a des rumeurs. Laessing estime, toutefois, peu probable que des combattants de Wagner se rendent également dans le pays:
Au Mali, par exemple, des mercenaires russes doivent aider à endiguer le terrorisme islamiste. Mais selon les rapports, cela ne fonctionne que moyennement.
Fin 2022, l'UE avait décidé d'envoyer une mission militaire au Niger afin de lutter contre le terrorisme dans la région. La région du Sahel s'étend du Sénégal à l'ouest jusqu'à Djibouti à l'est. Elle souffre depuis des années d'une situation sécuritaire qui ne cesse de se dégrader. De nombreuses milices, dont certaines ont prêté allégeance à l'Etat islamique (EI) ou à l'organisation terroriste Al-Qaïda, commettent régulièrement des attentats.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)