La détection du variant Omicron sur le territoire suisse a pris l’économie à contre-pied. Elle a également contraint le Conseil fédéral à prendre de nouvelles mesures vendredi dernier.
Pourtant, on en sait encore très peu sur le variant Omicron. Pour l’instant, ce ne sont que des suppositions. Voici ce que disent les experts sur la situation actuelle.
Même si le variant Omicron n'est pas forcément originaire d'Afrique du Sud, il sévit actuellement dans le pays du Cap. La province de Gauteng et Johannesburg, en particulier, connaissent une forte augmentation du nombre de nouvelles infections et d'hospitalisations.
Deepti Gurdasani, épidémiologiste à l'Université Queen Mary de Londres, a publié les chiffres du Gauteng sur Twitter. Samedi, elle s'est dite «surprise» que certaines personnes affirment que «Omicron présente une évolution bénigne».
Deepti Gurdasani ajoute que la propagation du variant Omicron est également inquiétante parmi la population vaccinée. Pour l'instant, elle ne prédit pas une bonne évolution de la situation en Grande-Bretagne: «Ne pas s’y préparer et ne compter que sur l’utilisation de la troisième dose pourrait s'avérer être une autre erreur prévisible et coûteuse»
Les nouvelles provenant du Chris Hani Baragwanath Hospital à Soweto (Johannesburg), le troisième plus grand hôpital du monde, ne sont guère réjouissantes. Rudo Mathivha, la directrice du service de soins intensifs, explique la situation à la télévision sud-africaine: «La situation nous inquiète beaucoup. Notre service enregistre un nombre record d'enfants et de jeunes adultes malades depuis le début de la pandémie. Désormais, ils présentent des symptômes moyens à graves alors que ce n'était pas le cas auparavant». Ils doivent rester à l’hôpital plusieurs jours.
Les jeunes adultes et les personnes de moins de 40 ans sont également beaucoup plus souvent admis à l’hôpital. «La plupart d’entre eux ne sont pas vaccinés», explique Rudo Mathivha. Nous avons aussi beaucoup de femmes enceintes positives au Covid. Là aussi, de plus en plus d’entre elles développent une forme sérieuse de la maladie et présentent des symptômes plus graves»
Mais le plus gros problème actuel est celui des enfants. Nombre d’entre eux doivent être hospitalisés comme le rapporte Rudo Mathivha: «Nos hôpitaux ne sont pas adaptés aux enfants. Normalement, ils ne sont pas nombreux à tomber gravement malades en même temps. Nous ne pourrons pas tous les accueillir. Loin de moi l'envie de semer la panique. Mais il fait aussi étendre les mesures anti-Covid19 aux enfants»
Un cas particulier m'a brisé le cœur: «Une jeune fille de 15 ans sans antécédents médicaux connus a été admise après deux jours de fièvre. Elle a été testée positive ici. Peu après, elle s'en est allé sous nos yeux. Nous ne pouvions plus rien faire pour elle.»
Rudo Mathivha conclut l’interview en disant: «Je veux m'adresser aux personnes âgées de 20 à 40 ans: 'S'il vous plaît, allez vous faire vacciner. Vous êtes la clé pour stopper la propagation du virus'.»
Eric Feigl-Ding, épidémiologiste a également publié un «thread tweet». Un graphique montre à quel point la vague actuelle en Afrique du Sud se déplace vers les plus jeunes. Un nombre exceptionnellement élevé d’enfants de moins de cinq ans sont hospitalisés.
⚠️KIDS HOSPITALIZATIONS—The “highly transmissible” #Omicron variant is putting disproportionately large numbers of children under the age of 5 years old in hospitals, a top South African government medical adviser said Friday. #COVID19 🧵 https://t.co/ZdYaN19oFr pic.twitter.com/8aaleyNnUf
— Eric Feigl-Ding (@DrEricDing) December 3, 2021
Dans la ville de Tshwane, par exemple, plus de 100 enfants de moins de 5 ans ont été hospitalisés au cours des deux premières semaines de la vague actuelle (du 14 au 27 novembre). Lors de la vague de mai, ce chiffre était encore inférieur à 20. Dans le graphique ci-dessous, la comparaison entre la vague actuelle (orange) et la vague précédente (bleue) par groupe d'âge montre à quel point le variant Omicron touche la population la plus jeune.
La situation à Tshwane est similaire à celle de Soweto. La grande majorité des enfants et des jeunes adultes qui sont hospitalisés ne sont pas vaccinés.
Le graphique ci-dessous montre à quelle vitesse les nouvelles infections augmentent. Il compare les trois vagues précédentes avec l'évolution actuelle dans la province de Gauteng.
Eric Feigl-Ding conclut que l'affirmation «Omicron est moins sévère» ne peut plus être maintenue au vu des dernières données.
Anthony Fauci, conseiller de la Maison Blanche sur la crise sanitaire était encore légèrement optimiste dimanche sur CNN: «Nous devons vraiment être prudents avant de faire une quelconque déclaration selon laquelle Omicron est moins grave ou ne cause pas de maladie grave comparable au variant Delta. Mais jusqu’à présent, les signaux sont un peu encourageants. Il ne semble pas qu'il y ait un degré de gravité élevé.»
La vaccination de rappel offre également un « degré de protection considérable ». Anthony Fauci a tout de même souligné qu'il était simplement trop tôt pour tirer des conclusions précises.
Le journal économique «Bloomberg» a rassemblé dans un article les principales déclarations de sept experts ou médecins d’Afrique du Sud. Les avis sont très différents. Richard Friedland, CEO de Netcare, le plus grand système de santé privé d'Afrique du Sud, a déclaré: «Je pense que nous voyons une lueur d'espoir à l'horizon et que le variant Omicron pourrait signifier la fin du Covid-19. Il s'affaiblit suffisamment en étant hautement contagieux, mais ne provoque pas de maladies graves. C'est ce qui s'est passé avec la grippe espagnole.»
Ce à quoi Marc Mendelson, directeur du département des maladies infectieuses de l'Université du Cap, répond: «Les seuls qui mettent la main sur leur cœur et disent au monde entier de ne pas s'inquiéter et que ça va s'arranger, n'ont pas encore appris l'humilité face à ce virus».
Traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz