L'un des principaux alliés européens de la Russie prend petit à petit ses distances avec le régime de Poutine. Ces derniers jours, le président serbe, Aleksandar Vučić, s'est montré à deux reprises (très) critique envers Moscou.
L'amitié serbo-russe est très vieille. Mais pour en revenir aux dernières années, lors des guerres des Balkans, Moscou a soutenu la Serbie, politiquement et militairement – plutôt timidement sur ce dernier point.
Dans ce contexte, rappelons que la Serbie ne reconnaît pas l'existence de son voisin, le Kosovo. Une situation diplomatique qui lui a valu des sanctions européennes. Le pouvoir russe soutient indéfectiblement la position serbe, en ne reconnaissant pas la souveraineté du petit Etat des Balkans.
Sanctionnée, la Serbie importe du pétrole russe bon marché et n'applique donc pas – en contrepartie – les sanctions occidentales contre la Russie. Il existe encore – comme depuis la Hongrie – des vols de la capitale Belgrade vers Moscou, et de nombreux Russes utilisent cette liaison (notamment pour fuir leur pays).
Mais plusieurs éléments ont changé ces derniers temps dans les relations entre les deux pays.
Les tabloïds serbes se montrent plutôt prorusses dans leur traitement de l'information, comme l'a récemment relevé le Tagesschau:
Ce point de vue sur le conflit est sans doute dû à la présence de médias relayant la propagande russe, à Belgrade, comme RT et Sputnik. Tous ces médias servent également le discours nationaliste serbe. Et le premier ministre serbe sait comment en profiter. «Vučić est un maître de la propagande», déclare Antoinette Nikolova, directrice de la Balkan free media initiative:
En sa qualité d'ancien ministre de l'Information du dirigeant serbe – et criminel de guerre – Slobodan Milošević, Vučić instrumentaliserait habilement le récit prorusse pour ses propres intérêts et continuerait à faire monter la température dans le pays.
Mais les choses ont changé récemment, la propagande de Poutine semble être allée un brin trop loin cette fois.
Vučić ne veut, en aucun cas, être impliqué dans la guerre en Ukraine. Le président serbe a ainsi réagi avec indignation aux tentatives du groupe Wagner de recruter des combattants dans son pays pour aller se battre en Ukraine.
Autant de questions rhétoriques lancées lundi soir en direct à la télévision serbe. Le premier ministre s'attaquait à une publicité controversée diffusée ce mois-ci par la branche serbe de la chaîne publique russe RT. Wagner y appelait les Serbes à aller se battre en Ukraine pour la Russie.
Si le mercenariat est illégal en Serbie, ce n'est pas pour autant qu'il n'existe pas. En effet, ce ne serait pas la première fois que des Serbes se retrouvent dans le camp russe. Au printemps 2014, un petit nombre d'entre eux ont combattu aux côtés des forces soutenues par la Russie en Ukraine après l'annexion de la péninsule de Crimée par Moscou.
Pour l'heure, les autorités n'ont pas encore publié de chiffre exact sur le nombre de Serbes engagés par Wagner. Mardi, l'agence de presse russe Ria novosti a toutefois publié des images censées montrer deux citoyens serbes participant à un entraînement en Ukraine.
Après avoir refusé que le groupe russe Wagner – à la sinistre réputation – recrute des mercenaires dans son pays, il a aussi attaqué récemment le régime russe et son idéologie. Il a contesté, en public, la propagande de Moscou qui affirme que l'Ukraine est russe et a rappelé:
Des fissures semblent donc désormais apparaître dans les relations avec Moscou. Vučić se montre certes diplomate:
Ces récentes déclarations pourraient être considérées comme un détachement prudent du grand frère russe. Sur le plan économique, la Serbie est de toute façon déjà tournée vers l'Union européenne (UE), qui est devenue son principal partenaire commercial.
Vučić ne se séparera probablement pas de Poutine dans un avenir proche. De nombreux Serbes soutiennent l'attaque russe contre l'Ukraine et des manifestations prorusses ont eu lieu dans la capitale Belgrade. Néanmoins, pour le président, la direction à suivre est claire.
Pour que cela se produise, il faut des assurances que l'adhésion est réaliste. «Je sais que l'UE est notre voie», a-t-il déclaré. «Il n'y a pas d'autres voies.»