Vladimir Poutine avait à peine signé le document sur le «rattachement» des quatre régions ukrainiennes à la Russie vendredi dernier, que celui-ci était déjà en partie caduc. En effet, moins de 48 heures après, l'armée ukrainienne annonçait la reprise de la ville stratégique de Lyman. Et depuis, elle poursuit sa progression en direction de Louhansk.
Lundi, un porte-parole de l'armée russe a dû admettre que les Ukrainiens avaient bel et bien réussi une percée, qui peut s'avérer décisive, sur le front sud dans la région de Kherson. Suite à quoi, les Russes pro-guerre sont perplexes, voire en colère.
Pour l'instant, tout porte à croire que les Ukrainiens continueront à aligner les succès sur le champ de bataille, et ce, malgré la «mobilisation partielle» de la Russie. Mais l'optimisme doit rester mesuré car un Poutine humilié n'est jamais très fiable. Ce dernier pourrait encore réagir avec le nucléaire.
En effet, Poutine lui-même a fait allusion au nucléaire à plusieurs reprises, soulignant qu'il ne bluffait pas. Mais il n'est pas le seul: Kadyrov, proche de Poutine, a ouvertement appelé le président russe à utiliser son arsenal nucléaire. Toutefois, le président russe n'a jamais explicitement prononcé ce souhait. Il s'est simplement contenté d'évoquer «tous les moyens existants pour défendre le territoire russe».
Dans son discours d'annexion, rempli de haine envers l'Occident et surtout les Etats-Unis, il a qualifié les bombardements nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki, en 1945, de «précédents». Ces événements ont d'ailleurs servi de consensus tacite entre les puissances nucléaires pour ne plus utiliser le nucléaire, le risque pour l'humanité étant trop important.
La peur de ce scénario d'horreur a toujours eu un effet dissuasif dans les conflits, y compris lors de la crise des missiles de Cuba il y a exactement 60 ans. Le monde n'avait alors jamais été aussi proche du gouffre nucléaire.
«Il part probablement du principe qu'en jouant avec le feu nucléaire, il peut inciter les Etats-Unis et leurs alliés à forcer l'Ukraine à négocier. Mais il se trompe», rapporte une analyse de l'Institute for the Study of War (ISW), un think tank indépendant basé à Washington.
Le risque d'une attaque nucléaire russe n'est pas pour autant écarté. Le Pentagone, les laboratoires de recherche nucléaire et les services secrets ont tenté de modéliser un déroulement possible à l'aide de simulations informatiques, ainsi qu'une réaction des Etats-Unis, écrit le New York Times. Mais ce n'est pas chose facile, car il existe une multitude d'armes nucléaires tactiques.
Voici à quoi on devrait être confronté si les choses devaient s'envenimer: une attaque généralisée à l'aide de missiles intercontinentaux ou de bombardiers tactiques déclencherait inévitablement le scénario «Doomsday», soit la fin de l'humanité. Même Vladimir Poutine ne veut pas prendre ce risque. Mais il existe plusieurs autres options pour l'utilisation d'armes nucléaires tactiques:
Le déroulement de la guerre a montré que l'Ukraine et l'Occident sont matériellement et tactiquement supérieurs à la Russie. «Plus Poutine prend conscience que les armes nucléaires n'ont pas de conséquences décisives, mais risquent de déclencher une intervention militaire directe de l'Occident, moins il sera tenté de les utiliser», conclut l'analyse de l'ISW.
L'«ancien» Vladimir Poutine, raisonnablement rationnel, en conviendrait sans doute. Quant à savoir si cela vaut également pour le Poutine d'aujourd'hui, qui semble de plus en plus déconnecté de la réalité et dériver vers des théories du complot, c'est une autre question. On ne peut sans doute qu'espérer qu'il existe au sein de la direction russe des personnes capables d'empêcher un cauchemar nucléaire.
Traduit et adapté de l'allemand par sia