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Présidentielle 2022

Zemmour et «l'union des droites», un rêve qui devient réalité?

Zemmour à son meeting de Cannes, janvier 2022
Image: Keystone
Présidentielle 2022

Zemmour, commandant en chef des droites: rêve ou réalité?

Eric Zemmour, qui s'imagine déjà au second tour face à Macron, déploie sa stratégie d'union des droites. Mais qu'entend-on par-là exactement? Et Marine Le Pen, n'est-on pas en train de l'enterrer un peu trop vite?
26.01.2022, 19:55
Jonas Follonier
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Quel est son projet?

Prenons Eric Zemmour au mot: il veut être élu président de la République. Mais encore? Mais d’abord? D’abord, il doit incarner un projet. Cette première condition semble remplie. Il est en quelque sorte authentifié comme le candidat:

  1. Du retour de l’autorité: à l’école, dans les relations avec la police, etc.
  2. Du retour à ce qui, de son point de vue, fait autorité: l’histoire conçue comme un roman historique, les «mœurs françaises» en opposition aux «valeurs islamiques». Il est le candidat anti-immigration. Donc des frontières.

Qui forme son électorat?

Mais incarner un projet ne suffit pas pour être élu. Il faut des voix en nombre. Où les prendre? Il y a ceux qui, indépendamment de toute attache partisane, sont séduits par ses idées et son discours. On pense ici aux jeunes, qui pour certains l’ont découvert à la télévision.

Et puis, il y a les grosses réserves de voix dans ces grosses machines que sont les partis politiques. Il a en partie réussi son pari en divisant par deux la cote dont Marine Le Pen bénéficiait dans les sondages de popularité, avant qu’il ne laisse clairement entrevoir son intérêt pour la présidentielle: de 34% d’avis favorables en mai dernier, elle est passée à 17% (selon un dernier sondage, elle est à 15,5%, lui à 13%, après l’avoir un temps devancée). En d’autres termes, Eric Zemmour a «pompé» la moitié de l’électorat lepéniste. Son mantra en la matière: voter Marine Le Pen ne sert à rien, elle est nulle.

Mais, on le voit, capter la moitié de l'électorat mariniste n’est pas suffisant pour franchir le cap du premier tour. Il doit gagner des voix ailleurs. Il peut déjà compter sur un socle «bourgeois-réac», catho de droite, plus Poutine que Biden, dont une partie est issue des électeurs de l’ancien candidat Les Républicains à la présidentielle de 2017, le bon chic-bon genre François Fillon.

Quelles «droites» souhaite-t-il unir?

Le candidat du parti Reconquête veut réussir là où Marine Le Pen, qui faisait un peu pitié dans la «haute», a échoué: unir les droites. Quelles droites? Eh bien, cette droite bourgeoise du retour à l’ordre et cet électorat plutôt populaire, classé à l’extrême droite, car votant jusqu’ici Rassemblement national (ex-Front national).

Zemmour-Macron: même combat

Au-delà de cette formule de l’union des droites, sans doute Eric Zemmour, et avec lui tout un pan de la sociologie électorale française, veut-il la même chose qu’Emmanuel Macron: sortir de l’opposition droite-gauche, qui a commencé à disparaître avec l’élection du candidat «en même temps» en 2017, mais qui pourrait réapparaître en cas de victoire de Valérie Pécresse, estampillée droite bon teint. Pour mettre quoi à la place? Une polarisation souverainistes (Zemmour) - mondialistes (Macron).

Comme le relève le patron de l'institut de sondage Ipsos, Brice Teinturier, dans le journal Le Monde, l’«électorat [d’Eric Zemmour] n’a rien d’artificiel – il y a dans le pays entre 28% et 30% d’électeurs qui votent sur l’islam, le déclin, l’éloge de la force». Mais, selon Teinturier, «sauf événement exceptionnel, Zemmour a atteint ses limites». C’est pourquoi il est en quête de ralliements.

Qui sont ses derniers ralliés?

Au meeting de Cannes, Eric Zemmour s'est affiché avec ses derniers grands ralliés, à savoir le député européen Gilbert Collard (ex-Rassemblement national), le député de l'Assemblée nationale Guillaume Peltier (ex-Les Républicains) et un autre député européen Jérôme Rivière (ex-Rassemblement national et Les Républicains). Tous ont en commun, outre leur attachement à la «nation», d'être perçus comme des électrons libres, aimant beaucoup la visibilité, quitte à trahir leurs amis.

Meeting de Zemmour à Cannes, janvier 2022
De g. à d.: Philippe de Villiers, Eric Zemmour, Gilbert Collard et Guillaume PeltierImage: AP/Keystone

Mais ce n'est pas le plus intéressant. Nommés respectivement président d'honneur et vice-présidents, ces trois hommes politiques très médiatisés incarnent l'union que souhaite réaliser Zemmour entre l'électorat le plus à droite des Républicains et l'électorat RN. Rassembler conservateurs et identitaires, telle est la stratégie affichée. L'union des droites de Zemmour n'étant pas celle de toutes les droites: l'aile libérale et européiste des Républicains est associée chez lui à Macron et représente l'idéologie mondialiste à laquelle Zemmour oppose son idéologie nationaliste.

«Cela permet de montrer ses muscles»

Les ralliements sont importants d'un point de vue symbolique dans l'optique de ce rapprochement entre deux électorats. Mais pas sur le plan des intentions de vote, selon le directeur du département Opinion de l'Institut IFOP Frédéric Dabi. «Cela permet de montrer ses muscles, mais l’impact électoral est extrêmement marginal. L’élection est avant tout la rencontre entre un candidat et le pays», estime le spécialiste dans les colonnes du Monde. Avant de faire un rappel d'histoire:

«En 1995, les appareils de l’UDF et du RPR ont soutenu Balladur, et Chirac a gagné. Même logique en 2002, avec Mégret et Le Pen. Zemmour peut gagner un bénéfice d’image, pas renverser la vapeur. Et Marine Le Pen prend des mauvais coups personnels, mais l’effet politique peut lui être favorable, comme un Chirac poignardé dans le dos en 1995.»

Y a-t-il un vote caché pour Zemmour?

Les sondages le classent quatrième, donc battu au premier tour. Ce qui fait dire à Eric Zemmour qu'il y a un «vote caché» en sa faveur. En somme, des gens qui n'oseraient pas se prononcer pour lui ouvertement, même par le truchement d'un questionnaire anonyme: «Je suis sous-estimé dans les sondages», a-t-il ainsi déclaré aux journalistes lors de son dernier meeting.

Mais selon Brice Teinturier, c'est de la «spéculation pure»: «Nos enquêtes se font en questionnaire auto-administré. On ne ment pas à un ordinateur. Ce n’est pas parce qu’un candidat se présente pour la première fois qu’on ne parvient pas à l’évaluer. Empiriquement, on a plutôt surestimé les votes extrêmes que l’inverse», a-t-il expliqué au Monde.

Zemmour pourrait vouloir noyer le poisson: invoquer un vote caché lui permet de ne pas apparaître perdant d'avance. Il n'empêche, les «votes cachés», ça existe. Nous en savons quelque chose en Suisse avec des votations portées par l'UDC, récoltant plus de «oui» lors du vote que dans des sondages. Exemple fameux, la votation sur l'initiative «contre l'immigration de masse» en février 2014, qui avait fait mentir les enquêtes d'opinion parues quelques semaines plus tôt.

Marine va-t-elle bientôt retrouver ses chats?

Un quidam qui débarquerait dans le cirque électoral français, sans rien connaître du pedigree des candidats, aurait sans doute du mal à comprendre pourquoi Marine Le Pen est classée à l’extrême droite. Ces dernières années, la présidente du Rassemblement national n’a cessé d’envoyer des signes de «déradicalisation» – dans son cas, de «dédiabolisation».

Certes, elle reste intransigeante sur des thèmes qui identifient en France le personnel politique avec l’extrême droite: son refus d’accorder l’aide médicale d’Etat aux étrangers en situation irrégulière; sa volonté (qui a peut-être évolué) que les étrangers condamnés en France exécutent leur peine à l'étranger; son engagement pour la «civilisation» (l’occidentale), etc.

Elle n'est plus contre la binationalité

Mais sur ce qui fait que son concurrent Eric Zemmour s’extrême-droitise, son rejet assumé de l’islam par exemple, Marine Le Pen apparaît conciliante. L’islam n’est pas pour elle incompatible avec la France. Et puis, sur les sujets sociétaux, elle est assez ouverte. Elle n’a jamais été en première ligne du combat contre le mariage pour tous. Elle n’est pas bigote, revendique son attachement à la laïcité. Socialement, elle qui défend la retraite à 60 ans, serait plutôt à gauche. Et tout dernièrement, cerise sur le gâteau de sa «dédiabolisation», elle a affirmé qu’elle n’était plus hostile à la binationalité.

«Marine Le Pen lisse son discours sur l’identité pour amadouer la "gauche républicaine"», estime Le Monde. Qu’est-ce qui fait qu’elle bénéficie encore de 15,5% d’intentions de vote, alors qu’elle apparaît de moins en moins comme d’extrême droite, son emploi jusque-là en politique? Peut-être est-elle celle qu’une partie de l’électorat populaire voit comme la plus proche du peuple, la plus «nature» et comme détachée des élites. Une sorte de bonne copine, qui aime ses chats. Et qui pour l’heure n’est pas condamnée par les sondages à les retrouver H24.

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