Dans cette campagne présidentielle, ni Kamala Harris, ni Donald Trump n'ont pipé mots concernant le climat, malgré les ouragans Helene et Milton qui ont frappé le sud du pays, éventrant des centaines de maisons, ôtant des vies et supprimant les habitats de milliers d'Américains.
Après ces drames naturels, nous aurions pu penser que la priorité allait être mise sur le sujet des effets climatiques. Jay Inslee, gouverneur démocrate de Washington, confiait au Guardian, le 17 octobre dernier:
En effet, même si près de 40% des Américains rejettent le consensus scientifique et nient l'existence du changement anthropique, les citoyens de l'oncle Sam commencent à s'intéresser aux effets du réchauffement.
En avril de cette année, un sondage a démontré que la moitié des Américains sont désormais préoccupés par les secousses climatiques. L'étude révèle que le pourcentage d’Américains alarmés ou préoccupés est passé de 40% en 2013 à 56% en 2023. Une tendance à la hausse, bien que mollassonne.
«Vous avez absolument raison, le sujet a totalement disparu du débat», cadre David Sylvan, professeur à l'Institut des hautes études internationales de Genève (IHEID).
Trump ne se contente pas d'ignorer le climat, il le qualifie carrément de «plus grande arnaque du monde». Mieux, il a annoncé, dans son programme Agenda 47, qu'il va une fois de plus se retirer des accords de Paris sur le climat, s'il est élu. De plus, toutes les directives contraignantes qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre seront balayées promet le candidat républicain.
L'ancien président compte aussi investir dans le secteur de l’énergie, quelle que soit son origine, et lever les restrictions sur la production de pétrole, de charbon et de gaz. Une aubaine pour la Silicon Valley et ses magnats, qui cherchent à rouvrir des centrales à charbon pour alimenter leur intelligence artificielle.
De leur côté, les démocrates ne jugent pas non plus utile de miser sur l'écologie. Kamala Harris s'appuie sur les thèmes phares de cette campagne, confirme David Sylvan. Il souligne:
La candidate démocrate, lors de ses différentes interventions, ne fait presque jamais mention d'une quelconque politique climatique et est souvent restée floue à ce sujet.
Le 10 septembre, lors d'un débat, Harris a confié qu'elle n'interdirait pas la méthode controversée d'extraction hydraulique (le «fracking» en anglais). Une tentative de faire basculer la Pennsylvanie, un swing state, ces états pivots si précieux pour cette présidentielle. La candidate démocrate doit plaire aux républicains tiraillés entre elle et Trump et pour ce faire, Harris doit rester modérée sur le sujet climatique. «Cela lui a évité d’être trop prise en tenaille, car si elle voulait attirer les cols bleus de Pennsylvanie, il ne fallait pas s'opposer au "fracking"», analyse le professeur, originaire de Chicago.
Si le sujet a disparu du débat, oublier l'écologie pourrait être toutefois une carence stratégique pour Trump comme pour Harris. Toujours selon le Guardian, le vote de personnes soucieuses du climat pourrait avoir fait la différence entre Biden et Trump en 2020.
Un récent sondage datant de septembre démontre que l'écologie est le parent pauvre de ces élections: si l'économie reste bien sûr le thème le plus concernant pour 81% les électeurs, l'écologie est en queue de classement dans les enjeux «très importants» pour l'élection du 5 novembre.
Si bien qu'Harris a renoncé aux projets environnementaux qu’elle avait soutenus lors de sa campagne présidentielle de 2019, comme le Green New Deal (le terme approprié pour une nouvelle politique climatique) et l’obligation pour toutes les ventes de nouveaux véhicules d’être électriques.
Dans une Amérique obsédée par sa place de superpuissance industrielle, les discours verts n'ont que peu d'échos face au dollar. Logique, lorsqu'on parle d'un pays très pollueur - le deuxième plus grand aujourd'hui après la Chine. Mais la trajectoire politique (et climatique) des Etats-Unis a d'énormes répercussions sur le reste de la planète.
Un écho au discours du secrétaire d'Etat Anthony Blinken, qui avait formulé ses mots en 2021: