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Bakhmout est ravagé par la guerre: «Bienvenue en enfer»

Bakhmout est ravagé par la guerre: «Bienvenue en enfer»
«Bienvenue en enfer» et à Bakhmout.Image: Raimond Lüppken

«Bienvenue en enfer»: voyage au cœur de la ville ravagée de Bakhmout

«C'est l'un des endroits les plus sanglants du front», dit Zelensky à propos de Bakhmout. Les combats autour de cette ville de l'est de l'Ukraine rappellent la Première Guerre mondiale. Par vagues d'attaques, les Russes tentent de déborder les positions défensives. Ils n'ont toutefois pas encore remporté la victoire. Aperçu du front.
11.01.2023, 06:0511.01.2023, 08:45
Kurt Pelda, Bakhmout / ch media
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On peut comparer Bakhmout dans la guerre russo-ukrainienne à ce qu'était la petite ville française de Verdun durant la Première Guerre mondiale. Certains médias, notamment russes, parlent de la grande importance stratégique de cette ville qui comptait environ 70 000 habitants avant la guerre. Bakhmout serait également un important nœud de communication. Si les Russes s'emparaient de cette localité, ce ne serait plus qu'une question de temps avant que le reste du Donbass ne tombe également entre leurs mains.

On ne comprend pas très bien pourquoi les médias occidentaux reprennent ces dires. Peut-être parce que très peu de journalistes se sont déjà rendus à Bakhmout? La ville représente un symbole d'espoir pour Moscou: une victoire nécessaire après une série de défaites humiliantes. Rien de plus. Le seul point «stratégique» à Bakhmout est la route menant à Sloviansk qui est actuellement sous contrôle ukrainien. Cette liaison est un tronçon de la route européenne E50 menant de la Russie à la côte atlantique française.

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La prise de Sloviansk et de Kramatorsk serait très importante pour la Russie, deux villes industrielles situées à environ 35 kilomètres de Bakhmout. Ce rêve s'est toutefois éloigné début octobre, après que les Ukrainiens ont repris tous les territoires situés au nord de ces deux villes.

Approvisionnement en eau détruit

C'est la troisième fois que je visite Bakhmout dans ma propre voiture et sans être accompagné par des militaires ukrainiens. Peu avant la ville, nous traversons un canal. Il est d'une grande importance pour l'approvisionnement en eau dans le Donbass, y compris pour les régions contrôlées par Moscou. Les tirs russes sur les stations de pompage et les lignes à haute tension ont provoqué l'effondrement d'une grande partie de l'infrastructure hydraulique des deux côtés du front. L'eau du canal près de Bakhmout ne peut désormais plus être pompée dans les zones contrôlées par les Russes.

Pourtant, le président Poutine a récemment accusé les Ukrainiens, devant les caméras et visiblement un peu éméchés, d'avoir coupé l'eau potable de la ville de Donetsk contrôlée par les Russes. Il s'est ensuite servi de cette accusation pour justifier de manière cynique les attaques contre les infrastructures civiles de l'Ukraine. Or, les zones contrôlées par la Russie subissent également les conséquences de ces attaques.

Bakhmout se trouve dans une vallée traversée par une petite rivière qui coule du nord au sud. Les collines à l'est sont aux mains des Russes, tandis que les collines un peu plus hautes du côté ouest sont tenues par les Ukrainiens. De là, l'artillerie ukrainienne tire sur les Russes. De même, à la périphérie de Bakhmout, la route européenne E50 passe d'abord sous un pont de chemin de fer détruit avant de grimper sur les collines. Même si les Russes parvenaient à s'emparer de la ville, ils n'y gagneraient pas grand-chose, car les Ukrainiens sont positionnés en haut des collines et peuvent donc tirer sur leurs ennemis depuis le haut. La chaîne de collines s'interpose comme un barrage entre Bakhmout et les centres importants de Kramatorsk et Sloviansk.

Vague d'attaques humaines

Les combattants du côté russe sont souvent des mercenaires du tristement célèbre groupe Wagner. Parmi eux, il y a de nombreux hommes issus de colonies pénitentiaires à qui on a promis la liberté s'ils survivaient à la guerre pendant six mois. Les Ukrainiens estiment que des milliers de ces anciens prisonniers tentent de s'emparer de Bakhmout.

Depuis des mois, la chair à canon russe se rapproche de plus en plus de la ville, mais celle-ci est bien protégée par plusieurs anneaux de défense. Les Ukrainiens ont en partie construit ces positions il y a des années. Si les mercenaires du groupe Wagner n'ont pas la chance de s'emparer de positions ukrainiennes bien construites lors de leurs avancées, ils doivent se cacher le plus rapidement possible en terrain découvert.

Les tranchées et les trous d'obus n'offrent, toutefois, qu'une protection limitée contre les tirs d'artillerie dévastateurs qui s'abattent sur les anciens détenus. De plus, les drones ukrainiens lancent souvent de petits engins explosifs directement dans les tranchées et les abris. Quand la première vague russe disparait tristement dans sa tranchée, le groupe Wagner envoie simplement la suivante.

Les alentours de la ville ressemblent désormais aux paysages détruits de la Première Guerre mondiale. De plus, l'hiver a été plutôt doux ces derniers jours, ce qui signifie que le terrain est humide et boueux. Ce n'est que lorsqu'il fait un froid glacial que les deux camps peuvent déplacer librement leurs chars, sur un sol gelé. Aujourd'hui, les Ukrainiens et les Russes utilisent leurs chars de combat principalement depuis des routes pavées, en guise d'artillerie roulante.

Ce champ de bataille en Urkraine rappelle la Première Guerre mondiale

Vidéo: watson

Critique des dirigeants russes

Les mercenaires du groupe Wagner ont, en partie, réussi à pénétrer dans les quartiers périphériques de Bakhmout. Cependant, comme l'a récemment expliqué le chef de Wagner Evgueni Prigojine dans une vidéo, ils se heurtent à une résistance acharnée. Chaque maison fait l'objet d'une lutte et lorsqu'un cercle de défense ukrainien est franchi, le suivant suit quelques mètres derrière.

Sur ses canaux de propagande, le groupe Wagner ne se prive pas de critiquer violemment le commandement de l'armée russe. Les hommes se plaignent, par exemple, du ravitaillement insuffisant en munition d'artillerie et du fait qu'ils ne disposent pas de suffisamment de véhicules blindés de combat d'infanterie. Ces véhicules leur offriraient au moins une certaine protection contre les éclatements d'obus ukrainiens.

Mosaïque murale soviétique et véhicule blindé des Ukrainiens dans le centre-ville de Bakhmout.
Une mosaïque murale soviétique et un véhicule blindé des Ukrainiens dans le centre-ville de Bakhmout.Image: Raimond Lüppken

Il est possible que Prigojine ait cru au départ qu'il pouvait servir la ville à Poutine sur un plateau d'argent et favoriser ainsi sa carrière. Or, les critiques du groupe Wagner à l'encontre du commandement de l'armée, qui durent depuis un certain temps déjà, n'ont certainement pas été bien accueillies par le gouvernement. Les mauvaises langues prétendent que la direction générale saigne le groupe Wagner à blanc, à Bakhmout, en guise de représailles.

Les pertes des deux côtés se comptent par milliers. Les Ukrainiens parlent de plus de 10 000 morts russes à Bakhmout et dans les environs. Aucun de ces chiffres n'est toutefois vérifiable de manière indépendante. A l'inverse, les canaux de propagande russes font comme si une grande partie des forces armées ukrainiennes étaient engagées à Bakhmout et dans la mine de sel de Soledar située à proximité.

On entend parfois que pas moins de 27 brigades ukrainiennes seraient en activité dans la région de Bakhmout. D'autres sources plus crédibles parlent de huit brigades, ce qui correspondrait tout de même probablement à plus de 20 000 soldats ukrainiens.

La tactique ukrainienne est assez évidente:

le commandement militaire ne cherche pas à garder Bakhmout à tout prix. Ils veulent plutôt tuer le plus de Russes possible sans mettre en danger leurs propres troupes.

Si les choses se compliquent, les Ukrainiens peuvent se replier sur les collines environnantes, comme ils l'ont déjà fait auparavant lors des avancées réussies des Russes dans le Donbass. Ils attendent donc que les mercenaires de Wagner et les mobilisés russes s'essoufflent. Le groupe de réflexion américain Institute for the Study of War estime désormais que le pic de l'offensive russe contre Bakhmout est passé.

Maison détruite: une scène de rue de Bakhmut.
Image: Raimond Lüppken

«Les projectiles sifflent au-dessus de nos têtes»

La ville a beaucoup changé depuis ma dernière visite. La grande majorité des civils ont fui, et ceux qui tiennent encore le coup vivent sous terre. Seule la fumée qui sort des conduits de poêle à côté des habitations témoignent de leur présence. Les signes des tirs d'artillerie, bâtiments détruits et endommagés, sont omniprésents.

Dans le centre-ville, les Ukrainiens ont creusé des tranchées dans lesquelles on ne voit pas encore de soldats...

Les combats se déroulent surtout au sud et à l'est de la ville, au-delà de la petite rivière. Mais contrairement à notre dernière visite, les soldats nous déconseillent vivement d'aller jusqu'au bord de la rivière. C'est tout simplement trop dangereux.

La visite de Zelensky à Bakhmout

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La visite de Zelensky à Bakhmout
Mardi, Volodymyr Zelensky a visité ses troupes à Bakhmout, sur le front de l'est.
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De nouveaux barrages de chars bloquent toutes les routes qui mènent au centre depuis l'est. Alors que nous avançons prudemment le long des murs des maisons, un char russe tire des obus sur une cible derrière nous. Les projectiles sifflent au-dessus de nos têtes et s'abattent à quelques centaines de mètres de là.

Alors que nous arrivons dans une arrière-cour, une vieille femme avec un sac à provisions se promène jusqu'à un banc et s'assied. Les tirs d'artillerie ne semblent pas la déranger, elle marmonne. Le traducteur tente de la convaincre de quitter cet endroit dangereux, mais la vieille dame ne le veut absolument pas. Il ne reste plus qu'à l'abandonner à son sort.

Le dépôt des pompiers se trouve non loin de là. Sur les 270 pompiers d'autrefois, il n'en reste plus qu'une trentaine. Ils sont les héros silencieux et désarmés de Bakhmout. Leur chien s'appelle Skabej, une déformation du nom d'Olga Skabeïeva, une célèbre présentatrice de télévision et propagandiste russe. Le pauvre animal sursaute à chaque impact.

De Bakhmout, nous empruntons un chemin détourné pour rejoindre la route européenne E50 à la périphérie de la ville. Le goudron de la voie rapide est sillonné de chaînes de chars. Après moins de trois kilomètres, nous bifurquons et nous nous dirigeons vers la mine de sel de Soledar. C'est là que les Russes ont gagné le plus de terrain ces derniers jours, les Ukrainiens le reconnaissent également.

A côté d'un panneau indicateur avec une flèche et l'inscription russe «direction la mine», se trouve un magasin avec un toit en tôle ondulée. On y vendait autrefois de la nourriture et des articles ménagers. Sur le mur extérieur bleu clair, on peut lire en lettres noires et avec trois points d'exclamation: «Bienvenue en enfer». (aargauerzeitung.ch)

La bataille fait rage à Bakhmout
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