J’ai testé les urgences américaines et je me fais harceler depuis
Tout commence par une éruption cutanée. Un truc qui, dans l’absolu, ne devrait pas me tuer. Mais quand même; avant que mes bras et mes jambes ne ressemblent à des planches botaniques sur les champignons vénéneux, je préfère consulter.
Et puis, j’ai une assurance voyage, la promesse que «ce ne sera pas si cher». Allez, le système de santé américain, c’est mon activité culturelle du jour.
Chaleur humaine et clim’ antarctique
Me voilà donc aux urgences d’une clinique de Miami Beach. Il est 11 heures. Et il n’y a qu’une seule personne avant moi. Ce qui veut dire:
- Que les gens se blessent peu.
- Qu’on est mercredi.
- Que personne n’a les moyens (option la plus probable).
Première surprise: c’est beau. Entendons-nous bien, ça n’est pas un showroom La Redoute. Mais il n’y a pas, comme j’imaginais, de fauteuils déchirés datant de la guerre froide ou de lumière blafarde. Merde, ça va coûter combien, cette virée?
La clim’ est réglée sur «si t’es pas malade en arrivant, tu l’es en partant». Certes, dans les régions comme la Floride, c’est monnaie courante. Mais disons, aussi froid, c’est inédit. Si je ne meurs pas d'un problème de peau, je vais claquer d’un choc thermique. Ou en voyant la facture de la consultation.
Le réceptionniste est ultra-sympa. Très chaleureux. Est-ce que c’est dans son cahier des charges? Il me demande ce qui m’amène, je lui raconte.
Je remplis le formulaire d’admission, donne mon mail (spoiler: erreur fatale), et au bout de sept minutes à peine, une infirmière vient me chercher. Tension, température, flashback Covid avec le thermomètre frontal. Puis le médecin arrive, souriant. Je lui parle de mon école, des punaises de lit. Il tranche:
Thank you Doctor.
Rien de grave, mais on va devoir traiter ça quand même. Il me prescrit des machins avec de la cortisone (parce qu’aux Etats-Unis, tout se règle avec de la cortisone, hell yeah!).
«Par la bouche»
Je sors avec une ordonnance et une facture de… 20 dollars, grâce à l’assurance. Miracle. J’apprendrai plus tard que sans ça, j’en aurais eu pour au moins 200 balles, sans compter les médicaments. Chez Walgreens, la pharmacie, les comprimés sont prêts, bien emballés, avec pile le nombre nécessaire.
Sur les flacons, il est précisé «take by mouth» (à prendre par la bouche). Pensée émue pour la personne depuis laquelle on précise «cachetons à ne pas se fourrer dans…». Cette balade chez Walgreens me déleste de 40 dollars supplémentaires.
Quelques jours plus tard, je ressemble à nouveau à un être humain. Et donc, je pensais que c’était fini. Erreur.
«Merci de nous noter sur Google»
Là commence le harcèlement marketing médical. Je reçois un mail. Puis un autre. Puis trois. «How was your visit?» «Please rate us on Google!» «Thank you for choosing us, leave us 5 stars!». La clinique a une note de 4,8/5 sur plus de 1400 avis. Des URGENCES. Notées comme un resto ou un bowling.
Les urgences du CHUV, par comparaison, c'est 2,0. Et on y va quand même. Généralement, ça n’est pas tant par choix, mais par nécessité. Passons.
Sur site de la clinique, il y a une page «promotions». Au secours. On y trouve des coupons, genre 35 dollars de réduction pour le vaccin contre la grippe. Comme un Black Friday de la médecine. Et ça continue: je reçois même un mail pour mon anniversaire.
Putain mais foutez-moi la paix.
Selon un ami américain, je n’aurais jamais dû donner ma vraie adresse mail. «Ils vont te poursuivre jusqu’à la tombe.» Holy shit.
Certes, cette clinique (qui ne reflète pas forcément l'expérience d'un hôpital bondé, no idea) m’a soignée, prescrit les bons médicaments, tout ça pour 60 dollars (merci l’assurance). Mais elle m’a aussi rappelé à quel point la santé est un business. Qu’aux Etats-Unis, on reçoit des promos pour «revenir vite» et on note son médecin sur Google.
Si on a les moyens de lui rendre visite.