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Reportage

J'ai fait la fête sur un yacht où «les femmes ne paient rien»

Pour la science, et parce que je voulais voir ce que ça fait d’être une michto pendant quelques heures, je suis montée sur un yacht avec des gens que je ne connais pas pour une soirée à la tequila et  ...
Vais-je finir découpée en morceaux ou vendues à un cartel?Image: Margaux Habert

J'ai fait la fête sur un yacht où «les femmes ne paient rien»

Pour la science, et parce que je voulais voir ce que ça fait d’être une michto pendant quelques heures, je suis montée sur un yacht avec des gens que je ne connais pas pour une soirée où je n'ai rien payé. Bienvenue à Miami.
04.10.2025, 07:0404.10.2025, 07:04

Ça faisait 24 heures que j’étais arrivée à Miami et, écrasée par cette chaleur moite, je n’avais encore rien vu de ce grand n’importe quoi qu'est celle qu'on surnomme Vice City.

«Only in Dade», comme on dit ici, façon élégante de souligner qu’il n’y a que dans le comté de Miami-Dade que certaines choses peuvent se produire. Il y a même une chanson, c’est cadeau:

On s’égare. Une copine retrouvée sur place a, elle, déjà un séjour à Miami à son actif. Elle sait où aller, comment, avec qui, et surtout via quelle application. Parce que oui, ici, les soirées se bookent sur son smartphone comme un Uber.

L’app en question propose tout et n'importe quoi: dîner musique à fond dans un resto où l’assiette coûte un loyer, virée en jet-ski avec alcool illimité comme si la greffe de foie faisait partie du package, soirée VIP avec serveur bodybuildé et habillé en gladiateur qui fait un strip-tease (ce sera l’objet d’un prochain article, si avec ça je ne gagne pas le Pulitzer, ou au moins un Swiss Press Award) ou… yacht party dans la baie de Biscayne.

HELL YEAH 🇺🇸
Alors que vous subissez les affres d’une météo de merde automnale, j’ai décidé de m’expatrier quelques semaines en Floride. Je vous raconte mes anecdotes de road trip afin que vous puissiez voyager par procuration, et moi, justifier mes notes de frais absurdes, genre «location Mustang» et «bouffe chez Hooters». Hell yeah!

Dans cette étonnante app donc, elle coche cette dernière case. Moi, j’hésite quand même une microseconde. Mais elle dit qu’elle gère, alors on y va.

Macrojupes, échancrures et doutes existentiels

On reçoit une géoloc. Rendez-vous à 17 heures. Le bateau ne nous attendra pas. Le dress code? Quelque part entre Swimwear Deluxe et Spring Break à Fort Lauderdale. «Chic mais pas trop». Donc pas le une-pièce Speedo que j’utilise pour faire mes longueurs à la piscine de Mon Repos. Non, on cherche le bikini le plus échancré, celui qu’on ose à peine mettre au bord du lac, et on l’associe à une mini-jupe de rigueur. Dans ma tête, une pensée pour mes ancêtres, ces femmes fortes qui se sont battues pour le droit de vote.

Sur place, on est les premières. Normal, il pleut. Grosse pluie tropicale. Le genre qui te dit «Tu aurais dû écouter ta mère, rester chez toi, et ne jamais monter sur le bateau d’un inconnu.»

Sauf qu’on y monte quand même.

«C’est quoi ce traquenard?»

Trois personnes nous accueillent. Je ne parle pas assez bien espagnol pour comprendre ce qu’elles disent, et elles ne parlent pas anglais. Le promoteur de la soirée n’est même pas là. On ne comprend pas très bien ce qu’ils veulent, mais un des trois, un homme, nous invite à descendre dans la cale. Euh, vous êtes sûr?

A ce stade, forcément, je me pose quelques questions:

  • Est-ce qu’on est dans une «soirée à Miami» ou dans un remake de Taken 4?
  • Est-ce qu’on va finir découpées en morceaux ou vendues à un cartel?
  • Est-ce que c’est le bon moment pour appeler ma Maman?

Je rebrousse chemin, en demandant à mon amie «c’est quoi ce traquenard?». Je me casse un peu la gueule dans l’escalier à cause de l’eau qui dégouline de mes cheveux, mais au pire, ça m’est égal de perdre un orteil, tant que je peux sauver ma peau.

Heureusement, d’autres filles arrivent. Puis encore d’autres. Finalement, près d’une trentaine de femmes rejoignent le yacht. Et, étrangement, la soirée prend forme. On discute. On nous sert des shots de tequila. Et pendant que j’enchaîne tout ce que ma mère m’a toujours interdit - monter dans un lieu inconnu, accepter à boire de parfaits étrangers - je découvre que personne n’a l’air de trouver la situation bizarre.

Cils XXL et facture Uber Eats XXXXXXL

En haut, sur le pont, où on trouve un jacuzzi, l’ambiance monte. Je papote avec des Françaises qui trouvent le yacht «pas très luxueux». Moi, j’ai plutôt le référentiel paddle Décathlon gonflable sur le scooter pour aller barboter sur le Léman, donc tout me semble cinq étoiles. «Pas très luxueux» et «yacht» sont deux mots que je n’aurais pas mis dans la même phrase, spontanément.

Le contraste est saisissant: tout le monde ici est mieux habillé, mieux injecté, mieux brushé que moi. Entre les faux ongles de cinq centimètres, les seins tout neufs, les extensions capillaires et les fesses rebondies, je fais un peu tache. Mes ongles de gros orteils tombés à cause de la course à pied n’aident pas et ma mini-jupe est trop longue.

A l’inverse, le reste du bateau ressemble à une télé-réalité pré-tournée. Et pourtant, tout le monde est gentil. Pas de rivalité. Pas de regards en coin. Juste une bienveillance moite, propre à Miami. En fait, malgré des looks qu’on peut qualifier d’extravagants en comparaison avec la Suisse, on dirait que tout le monde s’en fout de qui est sapé comment. Cette absence de jugement fait du bien. One point for Miami.

Pendant qu’on attend de lever l’ancre, une livraison Shake Shack arrive: une trentaine de burgers et des kilos de frites. Uber Eats sur yacht. J'essaie de faire le calcul: à Lausanne, pour deux burgers et des frites, j'en ai pour au moins 70 balles de commande chez Five Guys. Aouch.

Niveau business model, je commence à me poser des questions. Qui paie? Pourquoi? Dans quel but? Quelles sont les contreparties? Est-ce qu'on va bel et bien finir vendues à un cartel? Personne ne sait. Personne ne demande. Tout le monde mange son burger et ses frites.

Tequila dans le jacuzzi, doutes dans la tête

Le bateau prend le large. Musique à fond. Selfies à foison. Rires aigus. Conversations légères. Le ratio est clair: 25 femmes, 5 hommes. Un déséquilibre parfaitement accepté. A l’arrière du yacht, une grande bouée avec un filet en son centre permet de discuter les pieds dans l’eau. Je m’y pose avec quelques Américaines adorables. L’une d’elles me demande:

«Tu viens d’arriver à Miami?»

Je hoche la tête. «Okay, alors sache qu’ici, les femmes sont des princesses. Elles paient rien», m’explique-t-elle. Très bien.

La soirée se déroule comme une colonie de vacances pour adultes pompette.

Grosso modo.

Le promoteur fait quelques vidéos avec son drone, jusqu’à ce que la pluie revienne. D’abord quelques gouttes… puis un nouveau déluge tropical dont Miami a le secret. On abandonne la bouée. L’intérieur du bateau est gelé (merci la clim’ réglée sur «congélateur»). On est une dizaine à courir dans le jacuzzi du pont, comme si c’était la chose la plus normale du monde.

Vers 22 heures, le bateau revient à quai. Avec certaines Américaines, on s’échange les Instagram. On se promet de se revoir. On remercie le promoteur (toujours pas compris ce qu’il gagne là-dedans).

Moi, je rends les armes. Joviale, légèrement éméchée, trempée, et toujours aussi perplexe. Quel est le modèle économique? Où sont planquées les caméras? S‘agit-il d’une expérience sociologique étudiée par des chercheurs derrière des vitres sans teint?

Peu importe. Ce soir, sur un yacht à Miami, j’ai été une princesse. Pas une princesse façon Windsor ou Disney, on s’entend. Et dans une version tongs en plastique, jupe courte de nonne, et doutes existentiels, mais princesse quand même. Et demain, j’irai acheter des claquettes à paillettes. Pour mieux m’intégrer dans ce monde parallèle. «Only in Dade.»

Des burgers crados qui donnent quand même faim

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Des burgers crados qui donnent quand même faim
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