La première ministre britannique Liz Truss craque. Ces dernières semaines, elle avait déjà subi des pressions croissantes pour revenir sur ses projets controversés de réduction d'impôts. Les marchés financiers internationaux avaient sanctionné le Royaume-Uni pour sa politique fiscale risquée, avec une chute du cours de la livre et une hausse des taux d'emprunt, après que le chancelier de l'Echiquier Kwasi Kwarteng ait voulu financer les réductions d'impôts par de nouvelles dettes publiques.
La pression au sein du groupe conservateur au gouvernement, contre le cours économique libéral de Liz Truss, s'était également renforcée. Vendredi 14 octobre dans l'après-midi, la première ministre a donc dû faire une volte-face spectaculaire: elle a organisé une conférence de presse surprise et a déclaré que les impôts sur les entreprises augmenteraient finalement l'année prochaine à 25%, et ne resteraient pas à 19%, comme annoncé il y a trois semaines.
Dans le même temps, elle a renvoyé son ministre des Finances Kwasi Kwarteng et l'a remplacé par Jeremy Hunt, ancien ministre de la Santé et des Affaires étrangères.
L'une des phrases les plus célèbres de Margaret Thatcher: la dame n'aime pas les revirements de situation, une maxime qui avait valu à l'ancienne premier ministre de Grande-Bretagne le surnom de «Dame de fer».
Liz Truss qui, non seulement s'habille volontiers comme son grand modèle, mais oriente sa politique économique de manière «thatchérienne», doit elle en revanche faire volte-face après volte-face.
Il y a d'abord eu l'annulation de la suppression du taux d'imposition maximal – alléger la charge fiscale des Britanniques les plus riches tout en réduisant l'aide sociale des plus pauvres n'était pas politiquement défendable. S'y ajoutent maintenant le revirement sur les impôts des entreprises et le licenciement de Kwasi Kwarteng. Sa position au sein du groupe parlementaire devient de plus en plus précaire.
Un des reproches fait à Liz Truss, c'est qu'elle aurait dû connaître les conséquences de sa politique sur les marchés financiers. En effet, son rival, l'ex-ministre des Finances Rishi Sunak, l'avait prédit lors de la campagne pour la présidence du parti cet été: les réductions d'impôts à crédit auraient un effet inflationniste, augmenteraient le coût de l'endettement public et affaibliraient la livre. Et ça s'est produit comme il l'avait annoncé.
La crise financière interne n'a pas seulement entraîné une perte de confiance des marchés, elle a également fait chuter les conservateurs dans les intentions de vote. Ils se situent désormais entre 25 et 30 points de pourcentage derrière le Labour. Il n'est donc pas étonnant que des plans soient élaborés au sein du groupe pour le défenestrer.
Le Times a annoncé que les membres du parti discutaient actuellement d'un «candidat unique» pour remplacer Liz Truss. Environ 20 à 30 anciens ministres et hauts responsables de l'arrière-ban veulent former un «conseil des anciens» pour pousser la première ministre à la démission. Pour lui succéder, on parle de Rishi Sunak et de Penny Mordaunt, l'ancienne ministre de la Défense. Un «gouvernement de tous les talents» serait alors chargé de surmonter les divisions au sein du parti.
Lors de sa conférence de presse, la première ministre s'est montrée combative et n'a pas voulu entendre parler d'une démission prochaine de son poste. Mais The economist pourrait bien avoir raison. Le magazine économique et politique avait récemment attesté que Truss avait «la date de péremption d'une laitue».
Elle a occupé le poste de premier ministre pendant 39 jours. Si elle devait effectivement tomber prochainement, elle aurait tout de même établi le record de la durée la plus courte de tous les titulaires du poste. Le précédent record était détenu par George Canning, avec 119 jours au poste. Mais ce dernier avait au moins l'excuse d'être décédé d'une pneumonie.