Poutine tente de reconquérir son peuple
Normalement, Vladimir Poutine évite les apparitions publiques. Depuis le début de la guerre d'agression contre l'Ukraine, il ne s'est que rarement mêlé au peuple russe, optant plutôt pour une présence à la télévision dans laquelle on le voit visiter des hôpitaux ou des usines de munitions. Le reste du temps, le maître du Kremlin est protégé par ses forces de sécurité derrière des murs épais.
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Mais dernièrement, le dirigeant de 70 ans s'est à plusieurs reprises montré en public, toujours accompagné d'une équipe de presse du Kremlin. Il s'est ainsi rendu dans la république autonome du Daghestan, située au sud de la Russie. Il s'y est mêlé à la population dans la ville de Derbent, a siroté du brandy local et s'est entretenu avec des experts sur le tourisme dans cette région tourmentée du Caucase.
Le président russe s'est laissé photographier pour un selfie avec cette dernière. Ce faisant, Poutine a ainsi dérogé au protocole strict. Car en temps normal, tous ceux qui l'approchent doivent être mis en quarantaine pendant au moins quatorze jours. Raison pour laquelle il se tient généralement à distance des grandes foules.
Fissures dans la structure du pouvoir
Or, actuellement, Poutine a plus que jamais besoin de ces images. Elles doivent montrer que le dirigeant autoritaire est toujours apprécié du peuple. Après l'échec de la tentative de putsch du groupe Wagner, le week-end dernier, le régime de Moscou a semblé affaibli. De l'avis de nombreux experts, des fissures apparaissent clairement dans la structure de pouvoir.
En démontrant sa proximité avec le peuple, Poutine envoie plusieurs signaux. D'une part, sur le plan de la politique intérieure: ses adversaires doivent voir à quel point il est encore populaire malgré la guerre, les sanctions économiques de l'Occident et les convocations militaires controversées. D'autre part, à l'étranger: les alliés occidentaux de l'Ukraine ne doivent pas croire que le Maître du Kremlin vacille, mais qu'il est, au contraire, fermement en selle, ne craignant aucun renversement, comme on l'avait spéculé un peu partout face à la révolte de Wagner.
Mais il pourrait y avoir une autre raison à la présence de Poutine au Daghestan. La république du Caucase compte parmi les régions les plus pauvres de la Fédération de Russie. Le revenu par habitant est faible et la politique est marquée par la corruption. Le groupe de réflexion berlinois Stiftung Wissenschaft und Politik a qualifié le Daghestan de «république russe à problèmes».
Président blagueur
Pour de nombreuses familles du Daghestan, l'armée est souvent la seule issue permettant d'obtenir un revenu régulier. Il n'est donc pas étonnant que le nombre de soldats de cette région morts pendant la guerre d'Ukraine soit plus élevé qu'ailleurs en Russie. Dernièrement, des manifestations ont même eu lieu dans cette république du Caucase majoritairement peuplée de musulmans. Plus d'une centaine de personnes ont été arrêtées à cette occasion.
La visite de Poutine mercredi 28 juin avait donc pour but d'apaiser les tensions au Daghestan. Il peut en même temps se mettre en scène en tribun du peuple. Une tentative de putsch? Des mercenaires russes qui tuent des soldats russes? Des généraux disparus et une lutte de pouvoir présumée au sein du commandement militaire? Tout cela ne semble pas être un problème pour Vladimir Poutine, c'est en tout cas ce que suggèrent les images.
Jeudi 29 juin, Poutine s'est rendu au rendez-vous suivant. Cette fois-ci sur un salon de produits technologiques. Le dirigeant s'est assis dans un fauteuil spécial, comme ceux utilisés par les joueurs de jeux vidéo, et s'est fait expliquer le dernier logiciel de reconnaissance faciale. Il était visiblement de bonne humeur lorsqu'il a plaisanté avec les participants du salon.
(Traduit et adapté par Pauline Langel)

