L'Ukraine n'est qu'à quelques pas, de l'autre côté du poste-frontière biélorusse de Novaïa Gouta et des obstacles anti-char métalliques, protections contre tout potentiel assaut. En février 2022, c'est pourtant du territoire biélorusse qu'avait lieu l'offensive, et non l'inverse.
Depuis cette zone de la région de Gomel, dans le sud-est du pays, les troupes russes avaient envahi l'Ukraine, avec la bénédiction tacite du président Alexandre Loukachenko, fidèle parmi les fidèles de Vladimir Poutine et réélu fin janvier lors d'un examen sans opposition. Mais, après trois ans d'une guerre meurtrière, les autorités biélorusses assurent l'espoir de la paix entre leurs grands «frères» russes et ukrainiens.
Autour de lui, le poste-frontière de Novaïa Gouta est désert. Seuls quelques soldats patrouillent, arme à la main, dans la douceur d'un hiver anormalement chaud. Au loin se dessine un grand panneau bleu et jaune aux couleurs du drapeau ukrainien.
Avant l'invasion russe en février 2022 et la fermeture des accès frontaliers entre la Biélorussie et l'Ukraine, jusqu'à 17 000 personnes pouvaient passer chaque jour ici en plein été. La route mène à Tcherniguiv, la grande ville du nord de l'Ukraine, passe ensuite par la capitale Kiev, avant de se prolonger vers la mer Noire, destination prisée des touristes biélorusses.
Cette route des vacances ne mène désormais que vers une zone de guerre. Mais côté biélorusse, on tente de maintenir une certaine normalité. Malgré des tensions initiales, «la situation est sous contrôle», assure Anton Bytchkovski à un groupe de journalistes, dont l'AFP, invités par l'armée biélorusse à la frontière.
Les soldats ukrainiens postés en face? «Ils sont calmes», rassure-t-il. Seule une vingtaine d'«incidents» - des drones russes et ukrainiens volant au-dessus du ciel bélarusse - ont été recensés en 2024, d'après lui. Interrogé par des journalistes sur les échanges de prisonniers de guerre entre la Russie et l'Ukraine, qui ont lieu ici, Anton Bytchkovski pèse ses mots.
Le sujet est jugé sensible. En coulisse, Minsk joue un rôle important, comme les Emirats arabes unis, pour assurer la médiation entre les deux camps sur ce sujet épineux, l'un des derniers domaines où Moscou et Kiev maintiennent un semblant de dialogue.
Outre ces opérations, la Biélorussie a également accueilli dans la région de Gomel les premiers pourparlers de paix entre Moscou et Kiev, au tout début de l'invasion russe en février 2022. Depuis, chaque partie campe sur ses positions: Vladimir Poutine demande la reddition de Kiev et son renoncement à rejoindre l'Otan, tandis que son homologue Volodymyr Zelensky veut voir l'ensemble des troupes russes quitter le territoire ukrainien avant toute discussion.
La question des négociations de paix a pourtant été remise sur la table avec le retour récent à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui a juré vouloir mettre fin à cette guerre très vite, sans jamais dire comment. Dans le tout petit village de Stoudionaïa Gouta, à seulement sept kilomètres de la frontière, Viktor, 59 ans, s'interroge sur le rôle que jouera le président américain dans les prochains mois:
Faute de certitudes, Viktor refait le monde avec son ami Nikolaï, 69 ans, dans leur bourgade d'environ 70 âmes aux maisons en bois, certaines colorées, d'autres en mauvais état. Le sexagénaire, veste kaki sur le dos, estime-lui que la guerre nuit aux relations entre tous les voisins «frères», réunis jusqu'en 1991 sous le drapeau de l'URSS.
«Le plus important, c'est que tout reste calme et stable» dans le village, martèle-t-il, disant se souvenir de moments «un peu tendus» au tout début du conflit. Pour le porte-parole Anton Bytchkovski, ce n'est qu'une question de patience: Biélorusses, Russes et Ukrainiens «ont toujours cru que, tôt ou tard, tout reviendrait en ordre». (afp)