Il s'agit des dernières révélations sur la guerre hybride que Vladimir Poutine mène contre les démocraties européennes. Les recherches de ZDF Frontal, du Spiegel et de partenaires médiatiques internationaux portent sur une fondation russe appelée Pravfond, qui gère des centres d'aide juridique pour les russophones dans différents pays sur ordre du Kremlin.
Selon les services secrets européens, il s'agit d'une «organisation écran» qui a également pour but de diffuser de la propagande d'Etat et de dissimuler les activités des services secrets.
En juin 2023, l'Union européenne a pris des sanctions économiques contre Pravfond en raison de l'agression Russe contre l'Ukraine. Son directeur général, Alexandr Udaltsov, figure également sur la liste des sanctions de la Confédération.
Une fuite de près de 50 000 e-mails provenant de la fondation met en lumière les campagnes d'influence qui se poursuivent sans relâche en Occident.
«Camoufler le travail d'influence politique par de prétendues associations culturelles» est un modèle que Pravfond applique dans toute l'Europe et au-delà, comme le rapporte le quotidien autrichien Der Standard.
Il y a souvent une personne centrale qui entretient des structures associatives ou des plateformes en ligne et qui est payée avec l'argent de fondations. Un responsable européen des services secrets aurait qualifié ces acteurs de «têtes de pont» (réd: terme issu du jargon militaire) des services secrets russes.
Selon l'organisation journalistique OCCRP, les e-mails analysés montrent que Pravfond a accordé, sur une dizaine d'années, plus de 1000 subventions de plusieurs millions d'euros à des personnes et des organisations dans le monde entier. Malgré les sanctions de l'Union européenne en 2023, Pravfond a continué à verser de l'argent à des bénéficiaires dans des pays européens, ce qui a entraîné «de nombreuses violations potentielles de sanctions».
Parmi les bénéficiaires de telles subventions figurent:
Pravfond se traduit en français par «Fondation pour le soutien et la protection des droits des compatriotes vivant à l'étranger». L'organisation a été créée en 2012 par décret de Dmitri Medvedev, président russe de l'époque et marionnette de Poutine. Le financement provenait principalement du ministère russe des Affaires étrangères.
En 2024, des journalistes de la radio publique danoise ont reçu des documents internes de Pravfond de la part d'un service de renseignement européen et les ont également transmis à plusieurs médias européens en vue d'une analyse plus approfondie.
Le Spiegel a ensuite révélé que Pravfond avait payé l'avocat allemand de Vadim Krasikov, un tueur des services secrets russes FSB qui a assassiné un Tchétchène en exil à Berlin et qui est connu comme le «tueur du Tiergarten». Krasikov a passé près de cinq ans dans les prisons allemandes avant d'être transféré dans son pays suite à un accord politique.
Ces derniers temps, les informations sur des présumés «agents jetables» russes, recrutés en Europe occidentale et exécutant de petits attentats contre rémunération, se sont multipliées. Les traces d'un cas actuel ont également abouti en Suisse: la semaine dernière, un Ukrainien impliqué dans la préparation d'actes de sabotage a été arrêté à Kreuzlingen, en Thurgovie.
Comme l'écrit le ZDF Frontal, le procès de trois autres hommes accusés d'avoir planifié des actes de sabotage pour le compte des services secrets russes a débuté mardi à Munich.
Selon l'accusation, le principal accusé s'était déclaré prêt à commettre des attentats à l'explosif et des incendies contre des infrastructures utilisées par l'armée et des sites industriels. En outre, le germano-russe aurait planifié des actions de sabotage contre des lignes ferroviaires destinées au transport de matériel militaire.
Selon le Spiegel, les signes indiquant que les services de renseignement russes misent de plus en plus sur des volontaires en Allemagne se multiplient. Cette tendance s’explique en partie par l’expulsion massive de diplomates et d’agents russes par Berlin après l’attaque de l’Ukraine par Moscou.La Suisse n’apparaît pas dans les révélations liées aux documents divulgués de la fondation Pravfond.
Traduit de l'allemand par Anne Castella