Les soldats ukrainiens subissent une pression croissante sur plusieurs sections de la ligne de front. Dans la région de Koursk, les troupes de Kiev ont en grande partie perdu le territoire qu'elles occupaient auparavant. Ailleurs, chaque mètre de terrain fait l'objet de violents combats.
Des experts estiment que les troupes russes ont recours à une nouvelle tactique, qualifiée dans les milieux militaires de «triple étau». Elle consisterait à lancer les attaques en plusieurs vagues successives.
Des troupes au sol sont d'abord envoyées en avant pour engager des combats avec les soldats ukrainiens et les immobiliser. Ensuite, des drones survolent les positions adverses pour larguer des mines et d'autres engins explosifs. Enfin, des bombes planantes sont utilisées pour frapper les lignes de défense ukrainiennes, rapporte le journal britannique The Telegraph.
Selon le Telegraph, des indices de cette tactique étaient déjà apparus en janvier. Depuis, la stratégie en trois phases aurait été mise en œuvre dans plusieurs régions. Serhii Kuzan, directeur du Centre ukrainien pour la sécurité et la coopération, confirme cette évolution en déclarant au journal britannique:
Depuis le début de la guerre, la Russie a perdu des dizaines de milliers de soldats ainsi qu'un grand nombre de chars et de pièces d'artillerie. Toutefois, l'approvisionnement en troupes se poursuit, notamment grâce au soutien de la Corée du Nord. Depuis la transition russe vers une économie de guerre, la production de bombes planantes et de drones a également été largement intensifiée.
La Russie a ainsi considérablement augmenté la production de kits de bombes planantes Universal Modular Planning and Correction Kit (UMPK). Selon le Royal United Services Institute (RUSI), environ 75 000 de ces kits seront produits en 2025. Rien qu'au cours des trois premiers mois de l'année, plus de 10 000 de ces bombes ont été larguées par des avions russes.
La Russie a également intensifié sa production de drones, notamment celle des Shahed-136, désignés localement sous le nom de Geran-2. Selon plusieurs sources, la production mensuelle de ces engins est passée de 500 unités au début de l'année 2024 à 600 à partir du mois d'août, avec pour objectif d'atteindre un total de 6000 drones produits d'ici à la fin de l'année.
Parallèlement, Moscou a mis au point de nouveaux modèles, comme les Molniya-1 et Molniya-2, capables de frapper des positions ukrainiennes ou des convois logistiques à une distance allant jusqu'à 20 kilomètres. On note aussi l'utilisation accrue de drones munis de câbles à fibre optique, insensibles aux brouilleurs électroniques.
Grâce à cette tactique en trois temps, la Russie parvient à repousser progressivement les forces ukrainiennes. Nick Reynolds, chercheur en stratégie terrestre au Royal United Services Institute (RUSI) explique:
Selon Serhii Kuzan, la tactique russe porte ses fruits. Les vagues d'assaut répétées épuisent les forces ukrainiennes. Même lorsqu'elles parviennent à repousser les soldats russes, elles restent exposées aux attaques aériennes. Des drones larguant des mines bloquent leur repli, rendant chaque retrait périlleux.
John Hardie, directeur adjoint du programme Russie à la Foundation for Defence of Democracies (FDD), a déclaré pour sa part au Telegraph:
Le problème, c'est que ces positions peuvent malgré tout être ciblées et détruites par des bombes planantes.
Les troupes de Kiev sont contraintes soit de s'enterrer et de subir les bombardements, soit de se déplacer et de s'exposer ainsi aux attaques des drones.
Manifestement, la direction militaire à Kiev a opté pour cette seconde option. Les unités doivent se déplacer aussi fréquemment que possible, en organisant leurs déplacements de manière à être difficiles à prévoir. Par ailleurs, l'Ukraine utilise également des mines pour ralentir les forces russes, précise Hardie.
Bien que la Russie exerce une pression constante sur l'Ukraine grâce à ses vagues d'assauts, elle ne réalise pas de gains territoriaux significatifs. Malgré les déclarations récentes de Vladimir Poutine affirmant vouloir prendre la région de Soumy, la Russie en est encore très loin. Les avancées se limitent à quelques mètres, des rues ou des champs.
Traduit et adapté par Noëline Flippe