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Ukraine: Poutine préparerait une mobilisation géante en janvier

Russian recruits gather inside a military recruitment center of Bataysk, Rostov-on-Don region, south of Russia, Monday, Sept. 26, 2022. Russian President Vladimir Putin last Wednesday ordered a partia ...
De nombreux hommes sont déjà partis au front. Ce ne seront visiblement pas les derniers.Image: sda

Poutine préparerait une mobilisation géante

Moscou a annoncé un cessez-le-feu pour le Noël orthodoxe. Mais il travaille aussi, en parallèle, à la suite du conflit: selon Kiev, le gouvernement de Vladimir Poutine prévoit d'enrôler un demi-million de Russes supplémentaires au sein de ses forces armées à partir du 15 janvier.
07.01.2023, 07:5708.01.2023, 10:59
Clara Lipkowski, Daniel Mützel
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Un article de
t-online

La Russie est encore plongée dans le Noël orthodoxe, qui a traditionnellement lieu les 6 et 7 janvier. Jeudi, le maître du Kremlin, Vladimir Poutine, a annoncé un cessez-le-feu de 36 heures, à la demande du patriarche Kirill, chef de l'Eglise orthodoxe russe et soutien de Poutine, le Kremlin s'efforçant de maintenir l'unité entre l'Eglise, l'Etat et la nation.

Mais au-delà du cessez-le-feu, que Kiev et Bruxelles qualifient d'«hypocrisie», le Kremlin entrevoit sans sourciller la suite des hostilités: dans les repas de Noël russes, les rumeurs d'une nouvelle mobilisation courent, plus importantes que celle de l'automne 2022, lorsque 300 000 recrues russes ont été officiellement sommées de partir en guerre en Ukraine.

Une nouvelle grande mobilisation le 15 janvier?

Le service de renseignement militaire ukrainien a ainsi mis en garde contre une nouvelle escalade dans la conduite de la guerre. Selon son représentant Andriy Chernyak, qui s'est entretenu avec nous, le gouvernement russe est sur le point d'annoncer, le 15 janvier, une nouvelle vague de mobilisation.

Celle-ci devrait être «nettement plus importante» que la celle de l'automne dernier: environ 500 000 nouvelles recrues russes seraient concernées, notamment dans les grandes villes comme Moscou et Saint-Pétersbourg, selon Andriy Chernyak. Interrogé, le ministère ukrainien de la Défense, qui ne souhaite pas s'exprimer sur le 15 janvier, a déclaré:

«Nous sommes prêts pour tout développement futur et continuerons à œuvrer pour libérer le territoire ukrainien, quel que soit le nombre de nouveaux soldats recrutés par la Russie. Ils se rendront ou seront détruits»
Ministère de la Défense ukrainient-online

En septembre dernier déjà, à l'annonce de la première mobilisation, l'expert militaire Julien Grand analysait pour watson que «plusieurs vagues de mobilisation partielle peuvent aboutir à une mobilisation totale». Il indiquait ainsi:

«Si on envoie de multiples vagues de mobilisation à 300 000, puis un demi-million, puis un autre demi-million, etc., on peut atteindre jusqu'à deux millions d'hommes disponibles»
Julien Grand, Revue militaire suisse

Une mobilisation décalée de dix jours?

Fin décembre, l'Ukraine avait déjà mis en garde contre une nouvelle vague de mobilisation de la part de Moscou. Le ministre de la Défense Oleksiy Reznikov, dans un message vidéo diffusé le jour de la Saint-Sylvestre et adressé à la population russe, citait le 5 janvier comme date possible. A partir de cette date, il sera impossible pour les citoyens masculins russes de quitter le territoire et la mobilisation devrait se faire à grande échelle, a déclaré Reznikov. Le chef du renseignement ukrainien, Kyrylo Boudanov, supposait alors lui aussi que le 5 janvier serait la date butoir.

Mais jusqu'à présent, l'avertissement ne s'est pas confirmé: Au lieu de la mobilisation redoutée, le chef du Kremlin a annoncé un cessez-le-feu pour les fêtes de fin d'année. Les services de renseignement militaire ukrainiens maintiennent toutefois leur estimation: la nouvelle vague de mobilisation aura lieu, même si c'est désormais le 15 janvier.

Les convocations pleuvent

Des indices d'une nouvelle grande vague de recrutement se font de plus en plus visibles: depuis plusieurs jours, de nombreux citoyens russes reçoivent des lettres, dont une partie ont été rendues publiques. Des photos publiées sur Internet montrent des convocations imprimées sur des feuilles de petit format en Russie, les «povestka», habituellement utilisées à ces fins.

Les ordres donnés aux destinataires sont variés. Sur l'une, il est prié de se présenter le 6 janvier pour être convoqué. Un homme devait se présenter ce vendredi à 8 heures dans un bureau à Moscou, un autre à Saint-Pétersbourg...

Une autre vidéo montre un Russe en train de brûler sa convocation pour le 6 janvier. En brûlant le papier, l'homme dont le visage n'est pas visible déclare de manière sarcastique qu'il ne partirait en guerre que s'il était accompagné «de Choïgou (le ministre russe de la Défense) et du commissaire qui a signé ma convocation». Il ajoute ensuite quelques mots dont la simple prononciation peut conduire à la prison en Russie:

«Non à la guerre»

Ce n'est pas le seul à se rebeller contre les ordres de Poutine 👇

Moscou n'a pas signé la fin de la mobilisation

Officiellement, la mobilisation est terminée depuis des mois. Depuis, le Kremlin ne «travaille» officiellement plus qu'avec des volontaires. Il y a quelques jours encore, Poutine soulignait que la Russie n'avait pas besoin d'une nouvelle mobilisation.

Mais le président russe a omis un détail: il n'a pas signé de décret qui aurait formellement scellé la fin de la mobilisation. Cela n'était pas nécessaire d'un point de vue juridique, a argumenté le maître du Kremlin à l'époque. Cette faille juridique permet à l'Etat de continuer à avoir accès à des hommes aptes à la guerre en se moquant allègrement de la population.

Depuis, la mobilisation se poursuit insidieusement en Russie. Par exemple, le recrutement se fait aussi dans les prisons, notamment par le chef de la troupe de mercenaires Wagner, Evgueni Prigojine.

«N'ouvrez pas la porte aux officiers de police!»

Une résistance s'organise contre cette nouvelle mobilisation: des activistes proches du critique de Poutine Alexeï Navalny, en prison, informent depuis longtemps sur Telegram du danger d'une nouvelle mobilisation. L'un d'entre eux, Alexeï Schwarz, réfugié en Allemagne, déclare à t-online:

«La première mobilisation n'est pas encore terminée. Des gens sont toujours recrutés et forcés de partir à la guerre»
Alexeï Schwarz

Il craint que le nombre augmente à nouveau sensiblement après les fêtes de fin d'année.

De nombreux Russes qui fuient la guerre se réfugient en Allemagne:

Sur son canal Telegram, le groupe met en garde: «Les assignations à comparaître continuent d'être activement distribuées à Moscou et à Saint-Pétersbourg. N'ouvrez pas la porte aux commissaires militaires, aux officiers de police et autres personnes inconnues. Prévenez vos proches de ne pas signer de documents à votre place. Jetez les convocations à la poubelle».

Compenser les pertes avec de nouvelles recrues

Cette nouvelle mobilisation vise manifestement à compenser les lourdes pertes humaines subies par l'armée russe en Ukraine, affirme-t-on du côté du commandement ukrainien. Plus de 100 000 soldats russes auraient déjà été tués, avance Kiev. Selon les données russes, ils seraient près de 6000, auxquels il faut ajouter au moins environ 5000 pertes de mercenaires du groupe Wagner.

La difficile question du bilan des pertes expliquée ici 👇

Les attaques ukrainiennes de la Saint-Sylvestre contre les bases russes dans les régions occupées de Kherson et de Donetsk ont été particulièrement sanglantes: selon les informations ukrainiennes, plus de 500 soldats russes auraient été blessés ou tués. L'armée russe s'est vue contrainte de reconnaître la mort de 89 soldats.

La pression monte autour de Poutine

La pression politique interne sur le Kremlin pourrait augmenter dans le cadre d'une nouvelle mobilisation, surtout si elle touche également des agglomérations de Moscou et Saint-Pétersbourg, où le soutien au gouvernement est moins appuyé que dans les régions rurales.

Pour Vladimir Poutine, une éventuelle nouvelle mobilisation sera aussi un test pour savoir s'il a encore la main sur son gouvernement et les rouages de son pouvoir. Un test qu'il ne peut pas perdre.

Armes rouillées et lits ensanglantés: la difficile mobilisation russe
Video: watson
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«Apologie du terrorisme»: le camp Mélenchon rattrapé par le 7 Octobre
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