Le président russe, Vladimir Poutine, est confronté à de nombreux problèmes depuis le début de la guerre. Les sanctions économiques occidentales entravent le commerce et les exportations d'énergie qui ont été interrompues ont tari d'importantes sources de revenus. Conséquence, la valeur du rouble a chuté. Par ailleurs, l'approvisionnement en armes ne cesse de se compliquer.
👉 Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine 👈
Mais ce n'est pas le plus gros problème pour Poutine. La ressource la plus essentielle pour lui, à savoir des soldats motivés au combat, devient de plus en plus difficile à trouver. Au début de la guerre, le Kremlin avait annoncé que l'«opération militaire spéciale» serait menée avec des soldats contractuels, mais peu de temps après, cela ne suffisait plus, ce qui a mené à la mobilisation partielle.
A l'époque, de nombreux Russes craignaient qu'une mobilisation générale ne suive. Pour le moment, cela n'a pas eu lieu, malgré les graves pertes subies par les troupes russes. Selon l'économiste et critique du Kremlin Vladislav Inosemtsev, Poutine parvient à combler les lacunes de l'armée grâce à un mélange de propagande et d'incitations financières en faveur des jeunes Russes.
L'économiste présente plusieurs scénarios de calculs qui démontrent que, pour les jeunes hommes, le service sur le front peut se substituer à une carrière complète, et en cas de décès, leur famille pourrait être mieux soutenue que si ces hommes étaient en vie. C'est un raisonnement perfide, mais qui semble porter ses fruits pour Poutine.
Fin 2022, les recrues non qualifiées recevaient une solde d'au moins 195 000 roubles par mois, ce qui correspondait à l'époque à environ 2900 francs. En mai 2023, des tracts annonçaient un salaire de 220 000 roubles, soit une augmentation de 12%.
La comparaison avec le montant des soldes au début de la guerre est encore plus frappante, car les salaires ont augmenté de plus de 500%. A l'époque, un soldat sous contrat recevait entre 38 000 et 42 000 roubles, soit environ 500 francs.
Il faut préciser que, selon différents rapports, le salaire moyen en Russie est actuellement de 63 000 roubles par mois. Cela signifie qu'un soldat engagé en ce moment touche trois fois le salaire moyen. Dans les régions les plus pauvres du pays, cet écart est encore bien plus grand.
En cas de décès d'un soldat, le président russe a également augmenté de manière significative les paiements aux familles. Début 2022, les proches recevaient trois millions de roubles, ce qui correspondait à environ 39 000 francs. Quelques mois plus tard seulement, les parents survivants recevaient le «versement unique du président» d'un montant de cinq millions de roubles (environ 48 000 francs).
Un exemple permet d'illustrer ce que ces chiffres peuvent signifier pour un jeune Russe. Selon Vladislav Inosemtsev, un soldat gagne actuellement entre 195 000 et 200 000 roubles par mois pour un service militaire de cinq mois. Il encaisserait donc environ un million de roubles (près de 9600 francs) pour un engagement au combat de quelques mois.
Si le soldat décède, ses proches recevraient le «versement unique du président» d'un montant de cinq millions de roubles, soit près de 48 000 francs. A cela s'ajoutent les assurances pour le décès d'un militaire impliqué dans des opérations de combat, ainsi que les indemnités versées par les autorités régionales. Au total, la famille du soldat en question encaisserait 14,8 millions de roubles, soit 135 000 francs au cours actuel.
Une somme dont beaucoup de Russes ne peuvent que rêver au cours de leur vie. Dans des régions comme l'oblast d'Ivanovo, le salaire moyen était de 35 000 roubles par mois fin 2022. Dans d'autres régions, dont la Sibérie et le Caucase du Nord, les gens gagnent environ 40 000 roubles par mois.
Pour obtenir plus de 14 millions de roubles en Russie, une personne doit travailler une bonne trentaine d'années.
Mais tous les soldats ne se réjouissent pas de l'augmentation des salaires. Le mécontentement est particulièrement grand parmi les soldats expérimentés, dont les salaires ont certes été partiellement adaptés, mais restent souvent inférieurs à ceux que les nouvelles recrues non qualifiées devraient recevoir. C'est ce qu'a rapporté le lieutenant déserteur Dimitri Michov dans une interview accordée à la BBC. Selon lui, il recevait 90 000 roubles par mois avant de fuir la Russie, alors que ses jeunes collègues commençaient avec 204 000 roubles.
Il n'est toutefois pas certain que l'argent parvienne effectivement aux recrues et à leurs familles. Plusieurs épouses de soldats russes ont rapporté à la station de radio Radio Free Europe que les salaires étaient payés en retard et parfois même pas du tout. Une étude des messages publiés sur les réseaux sociaux par l'agence de presse indépendante Verstka conclut que le phénomène est fréquent.
On estime que le nombre de mobilisés et de soldats sous contrat se situe entre 400 000 et 450 000. La rémunération annuelle totale s'élève donc à mille milliard de roubles (environ 9,6 milliards de francs). Selon Inosemtsev, il faut y ajouter une somme à peu près équivalente sous forme d'indemnités pour les soldats blessés ou tués. Ces deux mille milliards de roubles correspondent à environ 10% des dépenses de l'Etat russe.
Les dirigeants russes ne semblent pas considérer cela comme un problème. Au contraire, les militaires se voient accorder de plus en plus de privilèges. Par exemple, les paiements de l'Etat et les aides aux soldats ne sont plus soumis à l'impôt sur le revenu. Inosemtsev en tire la conclusion suivante:
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich