Il garde l'argent confisqué à Poutine et craint des représailles
L'Union européenne, qui prévoit de financer l'Ukraine à partir d'avoirs russes gelés en Belgique, n'est pas parvenue à ce stade à rassurer le principal concerné, l'établissement financier Euroclear, qui dit craindre des mesures de rétorsion de Moscou.
Ce vendredi, la Banque centrale russe a déclaré saisir la justice à Moscou contre la société belge, qui détient l'essentiel des avoirs gelés de la Russie.
Guillaume Eliet, directeur général chargé du risque chez Euroclear, déclare dans un entretien réalisé au siège de la firme à Bruxelles:
La crainte du courroux de la Russie
La Commission européenne cherche actuellement à piocher dans les quelque 200 milliards d'euros d'avoirs de la banque centrale russe gelés dans l'UE, afin de financer un prêt dont l'Ukraine a désespérément besoin en raison de la guerre avec la Russie.
L'objectif est de décrocher un accord parmi les Vingt-Sept portant sur un premier montant de 90 milliards d'euros, lors d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement prévu le 18 décembre à Bruxelles.
Mais ce projet complexe, au terme duquel Euroclear devrait prêter l'argent à l'Union européenne, qui à son tour le prêterait à Kiev, se heurte à une très forte résistance de la Belgique, qui redoute des représailles financières et juridiques de la part de la Russie.
L'exécutif européen a tenté d'apaiser ces craintes en insistant sur la mise en place d'«un système de défense à trois niveaux» qui exclut fermement le scénario dans lequel Euroclear se retrouverait incapable de rendre l'argent à la Russie si on le lui demande.
Ce schéma table sur la solidarité des Etats membres, qui fourniraient des garanties sur leur participation à la couverture d'éventuels dédommagements.
Le doute persiste, malgré les garanties
Mais Guillaume Eliet souligne qu'Euroclear, rouage essentiel du système financier européen, doit pouvoir compter sur un remboursement immédiat des fonds, et qu'il n'a pas encore eu cette promesse. Il ajoute:
Même si ces garanties des pays de l'UE sont un pas dans la bonne direction, leur caractère contraignant reste encore incertain en cas de changement politique dans ces Etats, selon lui. Il questionne:
«A ce stade, nous craignons toujours que cela ne soit pas viable à très court terme et à très long terme», fait valoir ce juriste français, ancien responsable au sein de l'Autorité des marchés financiers (AMF) à Paris.
Un risque pour les marchés financiers
Une autre crainte porte sur le fait que le prêt de l'UE puisse être assimilé à une confiscation des avoirs russes, ce qui exposerait Euroclear ou ses clients établis en Russie à des poursuites judiciaires, voire à des saisies. La firme assure y gérer des actifs pour environ 16 milliards d'euros.
En outre, comme le gouvernement belge l'a souligné, un problème de liquidités chez Euroclear pourrait avoir des conséquences néfastes sur les marchés financiers, et miner la confiance des investisseurs dans l'économie de la toute la zone euro. Guillaume Eliet relève:
La peur d'une attaque ciblée
A moins de dix jours d'un sommet européen décisif, Guillaume Eliet appelle à une réunion d'urgence entre juristes pour bâtir un dispositif plus solide, susceptible de «réduire les risques».
Et pour le jour J, «nous continuons de croire qu'un consensus est possible» entre les 27, ajoute-t-il.
Pour répartir le risque plus équitablement, la Belgique a appelé l'UE à s'intéresser aussi aux quelque 25 milliards d'euros d'avoirs russes qui ne sont pas hébergés chez Euroclear. La Commission a elle-même proposé d'utiliser ceux immobilisés dans d'autres pays européens, y compris en France. Sans succès à ce jour. Le responsable poursuit:
Cela expose la firme financière à l'hostilité de la Russie et à de possibles attaques hybrides, par exemple sur son système informatique. Guillaume Eliet est affirmatif:
