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Tucker Carlson a-t-il rencontré Poutine? La rumeur enfle

Tucker Carlson a-t-il rencontré Poutine? La rumeur enfle
Le Kremlin, lui, ne dément pas une éventuelle interview avec Tucker Carlson. images: x et getty, montage: fred valet

La «marionnette de Trump» est à Moscou et ça fait beaucoup parler

La rumeur enfle: Tuker Carlson a-t-il rencontré Poutine? «Qui sait.» C'est ainsi qu’il a répondu à la question qui tue, dans les rues de Moscou, ce week-end. Le Kremlin, lui, ne dément toujours pas une future interview, alors que le brouhaha prend du muscle. Et connaissant l’influence du commentateur d’extrême droite, il y a de quoi redouter une entreprise de propagande étendue.
05.02.2024, 16:5706.02.2024, 08:38
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2024, année présidentielle, avec un Donald Trump au sommet des sondages et dans les petits papiers de l'autocrate du Kremlin. Une bromance qui infeste déjà la course à la Maison-Blanche, entre un soutien américain à l'Ukraine qui s'effrite et les menaces ouvertes de dictature «à la Poutine», en cas de victoire du gourou MAGA. Ce n'est pas un scoop, Vladimir Poutine a tout intérêt à ce que le milliardaire républicain se retrouve catapulté une deuxième fois à la tête du grand ennemi russe, le 5 novembre prochain. Ça l’était déjà en 2016, avec les accusations d’ingérence qui ont suivi.

Hantise d'une large frange de l'Occident, l'élection de Donald Trump menace de fragiliser l'équilibre du monde, bien avant de créer la moindre secousse sur le sol américain.

Sachant cela, les agendas des solides apôtres du candidat républicain se synchronisent avec la plus grande dextérité. Dernier missionnaire en date à manifester son vœu de réduire la distance entre Washington et Moscou, Tucker Carlson fait office de lièvre. L'ex-star de Fox News, licenciée avec fracas l'année dernière, a été repérée dans la capitale russe la semaine dernière, accompagnée de son équipe de tournage.

D'abord photographié dans les couloirs d'un aéroport de Moscou, le complotiste américain sera immortalisé dans le velours prestigieux du Théâtre Bolchoï dans la soirée. Sans mésestimer l'amour que l'homme de média peut porter à l'opéra, il n'y a aucune raison de croire qu'il s'est envolé pour la Russie pour des vacances.

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Selon la chaîne Telegram russe baptisée Mash, Tucker Carlson est dans la capitale russe depuis le 1er février. Il s'agit du premier voyage en Russie de celui qu'on a longtemps appelé la «marionnette de Trump», tant ses efforts pour le faire élire en 2016 flirtait avec l'allégeance. Cinq jours qui ont suffi à faire enfler la rumeur: va-t-il interviewer Vladimir Poutine?

Deux raisons nous poussent à prendre cette rumeur au sérieux. Non seulement c'est le rêve de gosse (ou presque) de Tucker Carlson, mais il en a le pouvoir, que d'autres groupies du maître du Kremlin n'auront jamais. On pense notamment au journaliste-parlementaire suisse Roger Köppel, tout aussi controversé que son confrère américain, qui n'avait eu droit qu'à Vladimir Soloviev, le propagandiste le plus endurant du régime de Poutine.

Depuis son débarquement bruyant de la chaîne Fox News, Tucker Carlson a vu sa popularité croître de manière exponentielle. Déjà dénué de la moindre intégrité intellectuelle lorsqu'il œuvrait sur câble américain, le voilà lâché à grande vitesse sur l'autoroute de la désinformation, grâce à la plateforme d'Elon Musk. Sous la forme de longs entretiens filmés, le prédicateur d'extrême droite convie les voix dissonantes, celles que les «médias américains ignorent sciemment».

En six petits mois, Carlson a déjà posé ses caméras et ses questions devant le premier ministre hongrois Viktor Orbán, Javier Milei, le frangin de Jeffrey Epstein, Russell Brand, Donald Trump (of course) ou encore Alex Jones, le complotiste le plus dangereux des Etats-Unis. Sans oublier ce fumeur de crack, tristement célèbre, qui prétend avoir entretenu des relations sexuelles avec Barack Obama.

Une crise politique éclate en Espagne? Il saute dans un avion. Une colère paysanne éclate en Allemagne? Idem. Chacune de ses interviews, chacun de ses reportages cumulent des dizaines de millions de vues et renforce méchamment son nouveau statut de porte-parole de la propagande autoritaire à travers le monde.

Le nouveau président Javier Milei et Tucker Carlson, en 2023... juste avant l'élection présidentielle argentine.
Le nouveau président Javier Milei et Tucker Carlson, en 2023... juste avant l'élection présidentielle argentine.compte x de Tucker carlson

Ce que Tucker désire est une chose. (On ignore d'ailleurs son objectif final, hormis cette immense soif de nuire aux institutions américaines.) Mais son influence se propage jusqu'aux besoins des autocrates eux-mêmes, qu'il chasse et séduit avec une efficacité bien à lui. Lorsqu'il s'entretient à bâtons rompus avec Viktor Orbán, ses paroles deviennent d'Évangile en Hongrie. Comme l'écrit très bien The Atlantic, il y a un effet «regardez, un éminent journaliste américain nous soutient!», qui est redoutable et dévastateur. L'idée étant, pour le controversé premier ministre, d'adoucir les critiques qui pleuvent sur lui. Accueilli en rock-star à Budapest, Tucker Carlson a soulevé les foules en traitant l'ambassadeur américain en Hongrie de «connard».

Ce sera amplement suffisant pour prétendre que l'administration Biden, «obnubilée par le militantisme trans», «déteste la Hongrie, non pas à cause de ce qu’elle a fait, mais à cause de ce qu’elle est. C'est un pays chrétien et ils détestent ça». Cette guerre supposément culturelle, que le commentateur d'extrême droite boit au goulot, arrange bien Orbán, qui refuse d'assumer ses accointances avec les autocrates de la planète.

Tucker Carlson, l'idiot utile?

Utile, oui. Idiot, certainement pas. Alors quand il est aperçu dans les rues de Moscou, on sait très bien ce que cela signifie. Vladimir Poutine a plus que jamais besoin d'une propagande externe considérée comme crédible. D'un large écho qui rebondit contre les États-Unis, à sa manière. Qu'on le veuille ou non, Tucker Carlson est aujourd'hui l'outil le plus efficace pour propager à l'envi quelques contre-vérités, surtout quand celles-ci sont reprises de volée par une population indigène en cruel manque de confiance.

Interrogé par un journaliste russe, ce week-end, à propos d'une éventuelle interview du président russe, l'Américain se contentera d'offrir un haussement d'épaules et un large sourire, qui veut dire «who knows?».

Tucker à un journaliste russe:

«J'ai lu beaucoup de choses sur Moscou. Je voulais parler aux gens et voir comment les choses se passaient. Et ils se débrouillent bien ici. Les médias américains sont fous. Vraiment fous. Très fous»

Sous la pression des médias présents sur place, le Kremlin a pris la peine de répondre aux rumeurs, sans aller jusqu'à formellement démentir une rencontre entre les deux hommes.

«On ne peut guère attendre de nous que nous fournissions des informations sur les déplacements des journalistes étrangers»
Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin

Lundi après-midi, les réseaux sociaux redoublaient d'énergie pour tenter de prouver que Tucker Carlson était bien en route pour le Kremlin. Tantôt à l'aide de vidéos montrant une navette noire à vitres teintées fendant le trafic moscovite. Tantôt en l'affichant en train de profiter du petit-déj', dans un hôtel de la place.

Une chose est sûre, qu'il finisse ou non par tendre le crachoir à Vladimir Poutine, le commentateur d'extrême droite a déjà réussi le gros du boulot. A savoir, accaparer du temps de cerveau disponible et inciter ultraconservateurs et complotistes américains à faire sienne de cette rumeur. Du candidat à la Maison-Blanche Robert Kennedy Jr. à la congresswoman Marjorie Taylor Greene, tous affirmaient lundi se réjouir de cette rencontre au sommet.

A l'heure où l'influence de Taylor Swift fait flipper la droite dure américaine, Tucker Carlson peut définitivement se targuer d'être devenu la pop-star de la propagande autoritaire.

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