Moscou a besoin de soldats. Depuis le début de son invasion de l'Ukraine, il y a plus de 500 jours, les forces russes ont essuyé des pertes colossales. Les dernières estimations occidentales, diffusées début juillet par les autorités britanniques, font état de 220 000 hommes tués ou blessés. Une enquête du média russe indépendant Meduza chiffre à environ 47 000 le nombre de morts.
«Les forces russes sont actuellement confrontées à des problèmes systémiques importants et profonds», commentait fin mars le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, au sujet des pertes subies par le Kremlin.
En septembre dernier, face à l'avancée des troupes ukrainiennes dans le nord et l'est du pays, Vladimir Poutine avait annoncé une «mobilisation partielle» pour déployer 300 000 réservistes. La nouvelle avait provoqué une vague de départs paniqués: entre 300 000 et 700 000 citoyens russes ont fui le pays dans les jours qui ont suivi pour éviter d'être mobilisés.
Si la situation sur le terrain n'a pas radicalement changé depuis, Moscou mise désormais sur une autre approche. «Pour permettre à un plus grand nombre d'hommes d'être rapidement enrôlés dans l'armée, les autorités russes donnent actuellement la priorité à la modification de la législation», écrit, lundi, le ministère britannique de la Défense dans son rapport quotidien sur le conflit.
Mardi dernier, la chambre basse du Parlement russe, la Douma, a en effet approuvé un projet de loi visant à relever l'âge maximal de la conscription de 27 à 30 ans, tout en maintenant la limite inférieure actuelle à 18 ans. Le changement entrera en vigueur le 1er janvier 2024.
Si cette décision permettra de grossir les rangs de l'armée, cela ne veut pas dire que ces hommes seront immédiatement envoyés en Ukraine. Les conscrits ne peuvent pas être légalement déployés en dehors de la Russie, ils doivent suivre une formation de plusieurs mois et ont, du moins officiellement, été épargnés par la mobilisation, qui ciblait les réservistes.
Pourtant, l'augmentation du nombre de recrues aura des effets importants sur les effectifs russes en Ukraine. Les conscrits supplémentaires pourront par exemple remplacer les soldats professionnels mobilisés en Russie, leur permettant d'être envoyés en Ukraine, note Londres dans son briefing.
Autre astuce, indique le Guardian: en septembre dernier, Moscou annexait illégalement quatre régions ukrainiennes. A ses yeux, elles font désormais partie du territoire russe, ce qui lui permet d'y envoyer de nouveaux conscrits en toute légalité.
Troisièmement, rapporte CBS News, des conscrits auraient été contraints de signer des contrats avec l'armée ou forcés de prendre part à la guerre en Ukraine, selon des organisations russes de défense des droits humains.
La décision de relever l'âge maximal de la conscription s'inscrit dans le cadre d'une vaste réforme de l'armée, lancée fin 2022 par le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou. Objectif affiché: augmenter de 30% ses effectifs, passant de 1,15 million à 1,5 million de soldats au cours des prochaines années.
Plusieurs changements législatifs ont déjà été adoptés par les autorités pour parvenir à ces fins, dont la loi approuvée mardi n'est que le dernier exemple en date. Outre le relèvement de l'âge maximal de la conscription, elle interdit aux citoyens appelés sous les drapeaux de quitter la Russie. Les gouverneurs pourront également créer des unités paramilitaires régionales pendant les périodes de mobilisation ou de loi martiale. Financées et armées par l'Etat, elles pourront être déployées pour abattre des drones, lutter contre les groupes de sabotage ennemis et mener des opérations antiterroristes.
Mardi également, la Douma a adopté un projet de loi multipliant par dix les amendes pour ceux qui ne se présentent pas au bureau d'enrôlement après avoir été appelés. La sanction maximale est passée de 3000 à 30 000 roubles (environ 285 francs).
Et ce n'est pas tout. Le 24 juillet, Vladimir Poutine a signé un projet de loi qui augmentera progressivement la limite d'âge des réservistes: les officiers supérieurs peuvent désormais être mobilisés jusqu'à 70 ans.
Quelques mois auparavant, le 14 avril, le locataire du Kremlin adoptait une autre loi très stricte. Jusqu'à présent, les officiers de recrutement devaient se rendre en personne au domicile ou sur le lieu de travail des appelés pour leur remettre une convocation en papier. Ce système sera désormais remplacé par des notifications électroniques. La convocation sera contraignante à partir du moment où le gouvernement cliquera sur la touche «envoyer».
Les personnes qui ne se présentent pas rapidement à un bureau de recrutement seront confrontées à une série de nouvelles restrictions concernant les opérations bancaires, la vente de biens immobiliers et même l'obtention du permis de conduire.
Les fonctionnaires du Kremlin et les législateurs ont clairement indiqué qu'ils considéraient cette loi comme une réponse aux problèmes rencontrés lors de la mobilisation partielle, rapporte NPR. A cette occasion, de nombreux citoyens avaient échappé au service militaire en changeant d'adresse ou en prétendant simplement ne pas avoir vu leur convocation. Avec le nouveau système, cela ne sera plus possible.