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Pourquoi Poutine veut annexer les territoires occupés en Ukraine

Pour Poutine, soutenir les référendum est une solution d'urgence.
Pour Poutine, soutenir les référendum est une solution d'urgence.image: keystone
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Pourquoi Poutine veut annexer les territoires occupés en Ukraine

Après les derniers revers militaires, la Russie pourrait annexer des régions d'Ukraine en ayant recours à des référendums fictifs. Cette mesure trahit le pessimisme de Poutine quant à l'issue de la guerre, mais peut avoir des conséquences très sérieuses.
21.09.2022, 11:4921.09.2022, 13:53
Patrick Diekmann / t-online
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t-online

Soudain, tout semble devoir aller très vite. Les séparatistes pro-russes des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, ainsi que les administrations des régions de Zaporijia et de Kherson dans le sud de l'Ukraine, ont organisé des référendums pour rejoindre la Russie. Ces votes sont une feinte russe. Ils devraient commencer dès vendredi.

Les référendums prévus ne sont que des parades pour de nouvelles offensives russes. Ils ne se dérouleront pas de manière impartiale et ne seront pas représentatifs. Mais ils prouvent surtout que la situation de l'armée russe dans cette guerre est actuellement catastrophique. L'organisation rapide de ces référendums fictifs est un acte de désespoir, car face à la contre-offensive ukrainienne, la panique s'installe parmi les séparatistes pro-russes. S'ils sont capturés par l'Ukraine, ils risquent d'être sévèrement punis.

Le Kremlin mise ainsi sur une nouvelle escalade de la guerre en Ukraine. Le président russe semble désormais tirer la sonnette d'alarme après les récentes défaites de son armée. Pas plus tard que ce mercredi, Poutine a annoncé la mobilisation partielle: 300 000 réservistes russes vont être mobilisés.

Les séparatistes, la peur au ventre

Le vote devrait avoir lieu dans toutes les régions du 23 au 27 septembre. A Zaporijia, le «référendum» n'aura lieu que dans les parties contrôlées par Moscou, a déclaré mardi le chef de l'administration militaire, Vladimir Rogov. «Tout est prêt», a-t-il ajouté.

La vérité est en fait toute autre. Dans les régions concernées, la ligne de front se déplace chaque jour. Les forces pro-russes sont dans une fâcheuse posture. A Kherson, une partie de l'administration militaire russe s'est récemment réfugiée en Crimée, craignant des attentats. Le chaos qui règne actuellement dans la région rend impossible l'organisation de votations.

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Troupes d'occupation à Kherson.Image: sda

A l'origine, l'administration militaire de Kherson voulait reporter le référendum, d'après ce qui se disait début septembre. Mais soudain, un changement de cap s'opère, probablement en lien avec la contre-offensive ukrainienne. Les troupes de Kiev ont récemment gagné d'importants territoires à Kharkiv. Ils sont sur le point de franchir les frontières territoriales de Lougansk.

«Bien que la région de Donetsk soit encore loin d'être conquise par l'armée russe et que la région de Lougansk doive d'abord résister à une offensive de l'armée ukrainienne, les efforts pour le rattachement à la Russie s'accélèrent désormais», écrit le politologue Gerhard Mangott sur Twitter. Et de poursuivre:

«C'est allé très vite. A présent, les "bases juridiques" (lois, décrets) pour les référendums dans les régions de Donetsk, Lougansk, Zaporijia et Kherson ont été imposées et ont "force de loi"»
Gerhard Mangott

Les Russes sous pression

La rapidité des annexions prévues par la Russie surprend certes, mais on s'attendait à ce que Poutine réagisse. Comme l'a expliqué Mangott dans un entretien avec t-online, la situation militaire est «catastrophique» côté russe en Ukraine:

«Sans renfort de personnel, la guerre ne peut pas être gagnée par la Russie et la plupart des territoires conquis ne peuvent pas être conservés»
Gerhard Mangott

Ces derniers temps, Poutine s'est montré optimiste, tentant de minimiser l'impact de la contre-offensive ukrainienne et annonçant de nouvelles attaques dans l'est de l'Ukraine. «Nous ne sommes pas pressés», a déclaré le président russe lors d'un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai vendredi en Ouzbékistan. Mais les succès militaires ont été rares pour la Russie, même après l'annonce de Poutine. C'est même tout le contraire qui s'est produit.

L'Ukraine, elle, a progressé ces derniers jours. Certes, lentement, mais elle a connu de nouveaux succès, notamment dans le nord-est. Ainsi, la localité de Lyman, très disputée, est apparemment sur le point d'être prise par l'armée ukrainienne. Bilohorivka aurait également déjà été libérée selon Kiev. En outre, les forces ukrainiennes auraient, selon leurs propres informations, établi un important point d'appui sur la rivière Oskil.

Au sud en revanche, l'Ukraine n'avance que lentement, notamment en raison de la forte présence de l'artillerie russe. Malgré des combats acharnés, la ligne de front n'a pas beaucoup bougé ces derniers jours dans la région de Kherson. Malgré tout, l'armée russe ne semble pas réussir à mettre en place une ligne de défense stable, surtout dans le nord-est de l'Ukraine.

La contre-offensive «va continuer»

Selon le groupe de réflexion américain «Institute for the Study of War» (ISW, les référendums prévus indiquent que la contre-offensive continue de l'Ukraine dans le nord «affole» la Russie et les séparatistes pro-russes.

«Les succès de la contre-offensive ukrainienne entament le moral des unités russes, qui étaient considérées comme l'élite avant l'invasion de l'Ukraine»
Institute for the Study of War

«Les forces ukrainiennes poursuivent probablement leurs opérations offensives limitées et locales à travers la rivière Oskil et le long de la ligne Lyman-Jampil-Bilohorivka.»

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait déjà annoncé la poursuite de la contre-offensive. Les objectifs des dirigeants ukrainiens dans les semaines à venir pourraient être la libération de Lyssytchansk et de Severodonetsk, conquises cet été après des tirs d'artillerie massifs de l'armée russe.

Ce serait un succès stratégique et symbolique important pour l'Ukraine. Au sud, il s'agira pour Kiev de continuer à perturber l'approvisionnement des troupes russes via le Dnipro. Cette semaine, l'Ukraine a annoncé avoir à nouveau détruit un pont de pontons russe. Cela rend la défense de Kherson très difficile pour la Russie, surtout si les munitions venaient à manquer.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déjà annoncé que la contre-offensive se poursuivrait.image: keystone

Certes, Zelensky a déjà parlé de la reconquête de Marioupol et de la Crimée, mais il s'agit probablement d'objectifs à moyen terme. Car l'Ukraine souffre elle aussi de la perte de ses soldats et de son équipement et doit engager ses forces de manière ciblée et ponctuelle.

Drones kamikazes iraniens

Côté russe, l'artillerie et l'aviation n'ont pas réussi à stabiliser le front à l'est. «Ils ont obtenu des succès et nous ont mis dans un état tel que nous ne pensons plus à une offensive dans cette direction, si ce n'est pour stabiliser le front», lance Alexandre Khodakovski, chef militaire de la République populaire de Donetsk sur son canal Telegram.

Les dirigeants russes comptent en revanche sur l'utilisation de drones iraniens kamikazes. Ils peuvent attaquer à distance des systèmes d'artillerie fournis par l'Occident. Leur efficacité a entre-temps été confirmée par les deux belligérants. Un danger à venir pour l'Ukraine.

L'Ukraine est certes actuellement supérieure à l'armée russe en termes d'effectifs, mais moins Moscou contrôle de régions du pays, plus l'armée russe peut concentrer ses soldats et ses équipements sur certaines régions. Il s'agit donc et il s'agira toujours d'une lente guerre d'usure et en même temps d'un jeu du chat et de la souris dans l'utilisation des techniques de guerre modernes.

Référendums: plusieurs conséquences concrètes

Afin de stopper la dissociation des effectifs de son armée, Moscou a récemment envoyé de nouvelles forces dans le nord-est de l'Ukraine. Ces nouveaux soldats ont été en partie recrutés dans les prisons. Il s'agit de volontaires, souvent peu ou mal formés.

Poutine les utilise apparemment comme chair à canon pour stabiliser le front à court terme.

Les référendums à venir peuvent tout à fait être interprétés comme un pas vers une dimension supérieure. L'annexion de ces territoires par la Russie aurait des conséquences:

  • Soudain, des soldats ukrainiens se trouveraient sur le territoire de la Russie selon le «droit» russe. Poutine pourrait dès lors déclarer que la Russie est attaquée.
  • Les dirigeants russes pourraient s'en servir comme base pour changer le statut officiel de la soi-disant «opération spéciale» et déclarer officiellement la guerre à l'Ukraine. D'ores et déjà, la propagande du Kremlin ne cesse de souligner que la Russie serait en conflit avec l'Occident et avec les Etats-Unis.
  • La Russie va alors menacer de manière plus offensive d'utiliser des armes nucléaires. Car selon la doctrine militaire russe, la condition préalable, à savoir une attaque sur le territoire russe, serait remplie. Cela ne signifie pas pour autant que Poutine utiliserait des armes nucléaires. Les dommages politiques seraient une catastrophe pour la Russie sur le plan international.
  • Les séparatistes pro-russes tenteraient toutefois de se réfugier sous le parapluie nucléaire avant d'être capturés par les Ukrainiens.

Les conséquences de ces référendums fictifs et les risques politiques pour Poutine sont élevés. La Russie doit non seulement s'attendre à des attaques accrues de la part de l'Ukraine, mais également à des combattants partisans qui souhaitent empêcher ces votes. Le fait que Moscou ait soudainement donné son accord est un signe de la gravité de la situation militaire actuelle de la Russie. Pour Poutine, cette mesure est une solution d'urgence.

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