Au Kremlin, on cherche un coupable pour les revers militaires en Ukraine. Selon le groupe de réflexion américain Institut for the study of war (ISW), l'entourage du président russe s'efforce désormais de «dégager Poutine de toute responsabilité dans la défaite» et d'accuser à la place des «conseillers militaires insuffisamment informés» d'avoir perdu la quasi-totalité de la région occupée de Kharkiv.
Un membre du Conseil du Kremlin pour les relations inter-ethniques, Bogdan Bezpalko, avait demandé à la télévision russe que les militaires responsables «posent leur tête sur le bureau» du chef du Kremlin. Selon l'ISW, Poutine lui-même aurait d'abord évité de rencontrer ses commandants après la débâcle de Kharkiv.
Les dirigeants russes avaient confirmé que des troupes se retiraient de certaines régions d'Ukraine, mais avaient expliqué ce retrait par un regroupement. La contre-offensive ukrainienne les avait poussées à se retirer de la région de Kharkiv.
Le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov, avait déclaré samedi à Moscou que les soldats devaient par exemple être retirés de la ville stratégique d'Izioum. Les troupes russes se sont également retirées de la ville de Balakliia, que les Ukrainiens avaient annoncée comme libérée la semaine dernière.
Balakliya.
— Illia Ponomarenko (@IAPonomarenko) September 8, 2022
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Le fait même que des progrès ukrainiens soient confirmés au Kremlin est pour l'ISW un signe de changement. Les analystes du think tank américain affirment:
«Il est désormais très probable que le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou devienne le bouc émissaire de Poutine», a déclaré un analyste cité par la chaîne de télévision américaine CNBC. «C'est une défaite embarrassante pour les Russes», a également déclaré à CNBC Samuel Ramani, analyste géopolitique et membre associé du Royal United Services Institute. Il a ajouté qu'il y aurait des tentatives à Moscou de rendre le ministère russe de la Défense responsable de l'échec de la campagne en Ukraine.
Mais Ramani ne voit pour l'instant aucun risque que le ministre de la Défense doive craindre pour son poste. L'analyste a déclaré à CNBC:
L'historien Adam Tooze voit lui aussi la pression sur le dirigeant russe augmenter. «Il est pour l'instant très difficile de prévoir comment Moscou va réagir au désastre militaire autour de Kharkiv. Il y a des signes qui montrent que cela bouillonne autour de Poutine. Mais pour le moment, ni Moscou ni Kiev ne sont probablement intéressés par des négociations», a-t-il déclaré dans un entretien.
Les critiques à l'encontre de Poutine se sont multipliées ces derniers jours. Même le leader tchétchène Ramzan Kardyrov, d'habitude très loyal, a vu des erreurs dans l'opération militaire. «Si des changements ne sont pas apportés aujourd'hui ou demain à la conduite de l'opération militaire spéciale, je serai contraint d'aller voir les dirigeants de l'Etat pour leur expliquer la situation sur place», a-t-il déclaré sur Telegram. Dans le message audio, il a évoqué des «erreurs» qui auraient été commises, rapportent plusieurs médias concordants.
Même dans les rangs des hommes politiques russes, le ton monte. Xenia Torstrem, députée d'un conseil de district de Saint-Pétersbourg, a écrit mardi matin sur Twitter:
Elle a publié une pétition pour la démission du président, qui aurait été signée jusqu'à présent par plus de 40 politiciens locaux de 18 districts au total de Saint-Pétersbourg, la métropole de la mer Baltique, ainsi que de la capitale Moscou. La semaine dernière déjà, des vents contraires avaient soufflé depuis un arrondissement de Moscou. «Tout est allé de travers», ont critiqué les représentants du quartier Lomonossov à l'encontre du chef du Kremlin.
Ce jeudi, Vladimir Poutine s'engage plutôt dans la politique étrangère. Pour la première fois depuis l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février, il rencontre le chef d'Etat chinois Xi Jinping lors d'un sommet à Samarkand, en Ouzbékistan. La Chine apporte son soutien politique à Poutine et présente les Etats-Unis et l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) comme les principaux coupables de la guerre. (t-online,wan)