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«La majorité des Russes n'a jamais aussi bien vécu»

People walk along a street as others sit at a restaurant at Patriarshiye Prudy, which means Patriarch's Ponds, a hip restaurant and bar district enjoying the end of a sunny day in Moscow, Russia, ...
Un quartier de restaurants et de bars branchés de Moscou, en Russie, le jeudi 10 août 2023. Image: Keystone

«La majorité des Russes n'a jamais aussi bien vécu qu'aujourd'hui»

Malgré la guerre, la vie de nombreux Russes s'est améliorée, affirme l'historien Sergueï Tchernychev. Il ne s'attend donc pas à un soulèvement contre Vladimir Poutine.
04.10.2023, 18:3905.10.2023, 07:15
Martin Küper
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Chaque jour, des centaines de soldats russes meurent à la guerre. L'économie gémit sous les sanctions et le rouble n'est plus que l'ombre de lui-même. Les Russes ne devraient-ils pas un jour se révolter contre le règne du chef du Kremlin, Vladimir Poutine? Ou saboter le régime?

L'historien russe Sergueï Tchernychev estime que de telles attentes sont naïves. Il l'affirme: «la majorité du pays ne s'est jamais aussi bien portée qu'aujourd'hui». L'expert justifie sa thèse par des observations faites dans sa ville natale.

L'ivrogne connu de tous

Sergueï Tchernychev ne précise pas de quelle ville il s'agit dans son article pour le site Radio Free Europe, basé en République tchèque. Il rend régulièrement visite à ses parents qui vivent dans un quartier rural de la grande ville. Il n'y a pas de routes goudronnées ni d'égouts. Les téléphones portables, les voitures étrangères et les premières conduites de gaz ne sont arrivés dans la ville qu'il y a quelques années.

Mais les habitants du quartier ne ressentent pas du tout les prétendus inconvénients de la guerre, affirme l'historien - au contraire.

Il y a par exemple l'ivrogne voleur de la rue de ses parents, bien connu dans la ville. Au cours de sa vie, cet homme a été emprisonné à plusieurs reprises:

«Mais quand il était libre, si quelque chose était volé dans le quartier, il était toujours le premier suspect»
Sergueï Tchernychev

L'ivrogne a ensuite combattu pour la troupe de mercenaires Wagner en Ukraine. Maintenant, il est devenu un héros de guerre: «Il a une décoration et une voiture flambant neuve, ses parents auraient pleuré de fierté pour leur fils».

30 000 euros dépensés en sexe et alcool

D'autres dépenseraient leur solde de guerre et profiteraient de la vie, rapporte Sergueï Tchernychev. Dans la ville natale de sa femme, trois hommes auraient dépensé en dix jours l'équivalent de 30 000 euros en sexe et en alcool.

«Ceux qui ont une famille préfèrent investir cet argent dans des vacances, un appartement ou une voiture»
Sergueï Tchernychev

Mais la guerre unit aussi les gens sur le plan idéologique: «Beaucoup ont le sentiment de faire partie d'une grande cause. Tout comme leurs grands-parents ont vaincu le fascisme, ils combattraient aujourd'hui les nazis en Ukraine», explique l'historien pour décrire l'attitude de ses compatriotes.

Il ne faut pas non plus s'attendre à des critiques sur l'invasion de l'Ukraine de la part de l'ancienne génération. «Ils saluent le retour des exercices militaires et des uniformes dans les écoles. Ils disent qu'il était temps, avant que la jeunesse ne se délabre définitivement.»

Sanctions occidentales, restriction de la liberté de voyager, renforcement de la répression contre les critiques du Kremlin et chute du rouble: les inconvénients de la guerre toucheraient surtout les habitants de Moscou et de Saint-Pétersbourg, estime Sergueï Tchernychev.

L'historien affirme:

«Les deux tiers de la population russe n'ont jamais eu ces avantages et n'ont donc rien perdu à cause de la guerre»

«Les gens s'en sortiront»

Dans les campagnes, les familles ne seraient pas déchirées par la fuite face au service militaire, mais parce que les hommes sont soit en prison, soit appelés, soit volontaires pour rejoindre l'armée afin de gagner de l'argent.

«La plupart des gens n'ont pas fui en Géorgie ou au Kazakhstan, la plupart n'ont même jamais quitté leur propre ville.» Selon l'expert, la forte inflation n'est pas non plus une raison pour la population russe de descendre dans la rue.

«Le peuple russe n'a jamais eu confiance dans le capitalisme. Les gens ont suffisamment de nourriture pour survivre à l'hiver dans leur cave. Ils trouveront un moyen de s'en sortir.»

Les grosses sommes d'argent versées aux soldats et le sentiment de faire partie d'une grande cause constituent un mélange dangereux, selon l'historien. Il conclut:

«Il ne faut pas s'étonner que le soutien à Poutine soit le plus fort là où les gens devraient pourtant souffrir le plus de la guerre.»
Sergueï Tchernychev, historien

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

Ces archives qui ne vont pas plaire à Poutine
Video: watson
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