Chaque jour, des centaines de soldats russes meurent à la guerre. L'économie gémit sous les sanctions et le rouble n'est plus que l'ombre de lui-même. Les Russes ne devraient-ils pas un jour se révolter contre le règne du chef du Kremlin, Vladimir Poutine? Ou saboter le régime?
L'historien russe Sergueï Tchernychev estime que de telles attentes sont naïves. Il l'affirme: «la majorité du pays ne s'est jamais aussi bien portée qu'aujourd'hui». L'expert justifie sa thèse par des observations faites dans sa ville natale.
Sergueï Tchernychev ne précise pas de quelle ville il s'agit dans son article pour le site Radio Free Europe, basé en République tchèque. Il rend régulièrement visite à ses parents qui vivent dans un quartier rural de la grande ville. Il n'y a pas de routes goudronnées ni d'égouts. Les téléphones portables, les voitures étrangères et les premières conduites de gaz ne sont arrivés dans la ville qu'il y a quelques années.
Mais les habitants du quartier ne ressentent pas du tout les prétendus inconvénients de la guerre, affirme l'historien - au contraire.
Il y a par exemple l'ivrogne voleur de la rue de ses parents, bien connu dans la ville. Au cours de sa vie, cet homme a été emprisonné à plusieurs reprises:
L'ivrogne a ensuite combattu pour la troupe de mercenaires Wagner en Ukraine. Maintenant, il est devenu un héros de guerre: «Il a une décoration et une voiture flambant neuve, ses parents auraient pleuré de fierté pour leur fils».
D'autres dépenseraient leur solde de guerre et profiteraient de la vie, rapporte Sergueï Tchernychev. Dans la ville natale de sa femme, trois hommes auraient dépensé en dix jours l'équivalent de 30 000 euros en sexe et en alcool.
Mais la guerre unit aussi les gens sur le plan idéologique: «Beaucoup ont le sentiment de faire partie d'une grande cause. Tout comme leurs grands-parents ont vaincu le fascisme, ils combattraient aujourd'hui les nazis en Ukraine», explique l'historien pour décrire l'attitude de ses compatriotes.
Il ne faut pas non plus s'attendre à des critiques sur l'invasion de l'Ukraine de la part de l'ancienne génération. «Ils saluent le retour des exercices militaires et des uniformes dans les écoles. Ils disent qu'il était temps, avant que la jeunesse ne se délabre définitivement.»
Sanctions occidentales, restriction de la liberté de voyager, renforcement de la répression contre les critiques du Kremlin et chute du rouble: les inconvénients de la guerre toucheraient surtout les habitants de Moscou et de Saint-Pétersbourg, estime Sergueï Tchernychev.
L'historien affirme:
Dans les campagnes, les familles ne seraient pas déchirées par la fuite face au service militaire, mais parce que les hommes sont soit en prison, soit appelés, soit volontaires pour rejoindre l'armée afin de gagner de l'argent.
«La plupart des gens n'ont pas fui en Géorgie ou au Kazakhstan, la plupart n'ont même jamais quitté leur propre ville.» Selon l'expert, la forte inflation n'est pas non plus une raison pour la population russe de descendre dans la rue.
Les grosses sommes d'argent versées aux soldats et le sentiment de faire partie d'une grande cause constituent un mélange dangereux, selon l'historien. Il conclut:
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)