Lorsqu'il a quitté la Maison-Blanche, ce 20 janvier 2025, après avoir vu son ennemi juré consacré 47e président des Etats-Unis, Joe Biden a sauté dans un avion. Un Boeing 747 bleu clair utilisé du temps de sa présidence, désormais terminée. Direction le sud de la Californie. La vaste propriété de son ami, l'homme d'affaires Joe Kiani. Un lieu idéal pour «reprendre son souffle», après quatre années éprouvantes à la Maison-Blanche et des derniers mois de mandat difficiles.
Joe et Jill Biden veulent alors «faire table rase». Lors de son séjour, le jeune retraité se montre «dynamique». Lui qui s'est montré si taciturne sur ses projets post-Bureau ovale, à l'exception d'un cercle restreint de proches collaborateurs, évoque désormais avec plaisir ses projets post-Maison-Blanche, selon Joe Kiani au Wall Street Journal. Ce qui n'empêche pas non plus le 46e président et ses alliés d'être profondément préoccupés par la direction politique que semble déjà prendre son successeur.
Depuis, l'ancien président des Etats-Unis est rentré principalement chez lui, à Wilmington, dans le Delaware. Plus isolé que jamais, selon un nouvel article du New York Times publié cette semaine. L'auteur, le journaliste Tyler Pager, affirme avoir tenté de contacter Joe Biden à plusieurs reprises – mais son entourage a fait constamment barrage.
«Ma brève conversation avec Biden a suscité une vague d'inquiétude parmi ses proches collaborateurs», écrit-il. «L'un d'eux m'a crié dessus pour avoir appelé directement l'ancien président. D'autres m'ont envoyé des SMS furieux, cherchant à comprendre comment j'avais obtenu son numéro de téléphone.»
«Joe Biden lui-même semblait disposé à poursuivre la conversation, mais mes appels suivants ont été directement renvoyés sur la messagerie vocale», raconte encore le journaliste, avant de finir, deux jours plus tard, sur une note indiquant que le numéro n'est plus attribué.
Selon des sources «proches du dossier» dans un article du Wall Street Journal du mois de mai, fidèle à une habitude de plusieurs décennies, l'ancien politicien se rend toujours à Washington en Amtrak environ une fois par semaine pour des «réunions». Il lui est arrivé de prendre des selfies avec d'autres passagers, voire même d'accorder une brève interview sur le pape Léon XIV, à un journaliste de CNN qui se trouvait dans le train.
Mais vous l'avez remarqué. Depuis six mois, Joe Biden cultive une relative discrétion. Il n'a rompu son silence pour critiquer les premières semaines du second mandat de Donald Trump qu'à de rares exceptions. «Je ne vois rien de productif dans ce qu'il a fait», a notamment regretté l'ancien locataire de la Maison-Blanche.
Certains anciens présidents contemporains ont perçu des cachets importants pour leurs interventions après leur départ de la Maison-Blanche. Joe Biden, lui, aurait prononcé au moins deux allocutions payantes – l'une pas plus tard que la semaine dernière, à San Diego, à l'occasion d'une convention de la Society for Human Resource Management (SHRM), où il a été questionné sur ses activités post-présidence lors d'une séance de questions-réponses.
«On attend de chaque président qu'il écrive ses mémoires», a-t-il poursuivi lors de la convetion, soulignant que «la plupart mettent entre 3 et 6 ans pour les terminer». Son éditeur, pour sa part, aurait voulu son troisième live soit achevé «d'ici mars de cette année». «Je travaille donc comme un dingue avec un éditeur pour écrire un autre livre de 500 pages…», a conclu Joe Biden, sur une question d'un PDG.
Tandis qu'il méditait sur ses autres activités depuis 20 janvier, le modérateur de la conférence est intervenu pour demander avec humour: «Et la paix dans le monde? C'est un projet agréable pour la retraite», provoquant les rires de l'assistance et de l'invité d'honneur.
«Blague à part, comment pouvez-vous simplement vous en aller?» a répliqué Joe Biden pour sa défense. «Vous ne me voyez pas faire beaucoup de choses de ce genre en public.»
Le lendemain, le 3 juillet, alors que le pays s'apprêtait à célébrer la fête nationale, l'octogénaire était photographié sur la plage à Malibu, en Californie, près de la maison de son fils Hunter. Le simple fait de «lutter» contre sa chaise longue lui a valu un article acide du New York Post. Plus tard dans la journée, père et fils étaient photographiés chez Nobu, son restaurant de sushis préféré.
Entre les séances d'écriture et de bronzage, Joe Biden s'active surtout à consolider son héritage. Une tâche ardue pour un chef d'Etat qui a souffert d'une faible popularité pendant la majeure partie de son mandat. Dans une interview à USA Today, il a clamé souhaiter laisser à la postérité le fait d'avoir œuvré «à la relance de l'économie et au rétablissement du leadership de l'Amérique dans le monde».
Sauf que, contrairement à Barack Obama, pour ne citer que lui, bon nombre d'entreprises et d'organisations hésiteraient franchement à faire appel aux services du 46e président. Trop inquiètes à l'idée d'inviter des intervenants politiques qui, selon elles, pourraient susciter l'ire de Donald Trump, selon une personne proche du dossier dans le Wall Street Journal.
Dans les traces de ses prédécesseurs, Joe Biden souhaitait également lever des fonds pour une bibliothèque présidentielle. Mais là encore, un problème se pose: la majeure partie des donateurs importants se seraient montrés réticents à financer le projet. Certains alliés ont même formulé, en privé, leurs craintes que le lieu ne soit pas ouvert du vivant de Joe Biden.
En parallèle, Joe Biden a été déstabilisé dans ses efforts par un diagnostic de un cancer de stade 4. Les examens ont révélé que le «petit nodule» détecté sur sa prostate s'est transformé en cancer agressif de stade avancé et qu'il s'était propagé aux os. La plupart des hommes en meurent en cinq ans.
Deux jours après le diagnostic, Joe Biden se rendait malgré tout à Washington dans le cadre de sa routine post-présidentielle pour aller manger avec son ex-ambassadrice aux Nations Unies. Ils ont dîné au «Centrolina», un restaurant italien haut de gamme de la capitale. Joe Biden a été photographié face à une coupe de glace. Son pêché-mignon.
Les préoccupations de Joe Biden se porteraient toutefois actuellement sur des aspects plus concrets que son legs politique: l'héritage financier à ses enfants et petits-enfants. Alors que son fils, Beau, décédé en 2015, a laissé derrière lui une partie de la famille et que le couple Biden a assumé une part de la charge financière, son autre fils, Hunter, peinerait à trouver un job.
«Chaque jour, je contacte chacun de mes petits-enfants», a affirmé Joe Biden en mai dernier, lors d'une conférence à Chicago. Et c'est probablement le plus grand luxe dont il profite le plus depuis qu'il a quitté la Maison-Blanche.
«J'ai l'avantage de pouvoir m'impliquer dans leur vie et de les aider là où je le peux», a affirmé l'homme politique dont la carrière a duré plus de 54 ans.
Lorsqu'on lui a demandé ce pour quoi il aimerait qu'on se souvienne de lui, il a d'ailleurs simplement répondu: «Pour avoir été un bon père.»