Les derniers soldats russes ont quitté le nord de la région de Kherson vendredi dernier. Au total, selon Moscou, plus de 30 000 soldats et près de 5000 unités d'armements et de véhicules militaires ont traversé le Dniepr pour se redéployer sur sa rive gauche, encore contrôlée par les occupants.
Alors que la Russie est en train de fortifier ses défenses en Crimée et que le Kremlin affirme que la région de Kherson reste un sujet de la Fédération de Russie, une question se pose: que vont devenir ces 30 000 militaires désaffectés?
D'autant plus que d'importantes forces avaient été engagées pour défendre cette zone, rapporte le centre de réflexion américain «Institute for the Study of War» (ISW). Parmi celles-ci on trouve notamment les dernières unités aéroportées d'élite dont disposait l'armée russe, ainsi que des réservistes mobilisés à partir de fin septembre.
Une bonne partie de ces hommes vont maintenant être déployés dans l'est de l'Ukraine. C'est ce qu'estime l'analyste et ancien ministre de la Défense ukrainien, Andriy Zahorodniouk, dans un article publié dans le think tank «Atlantic Council». Ces soldats iront soutenir les «efforts chancelants» pour achever l'occupation des régions de Donetsk et de Lougansk, annexées par la Russie en septembre, mais pas totalement contrôlées par Moscou.
En effet, l'offensive russe stagne dans cette partie du pays. A l'exception de la bataille autour de la ville de Bakhmout, les soldats de Moscou restent sur la défensive et aucune avancée majeure n'est à signaler.
La thèse de l'ancien ministre de la Défense expliquerait la reprise de l'intensité des opérations offensives russes, d'abord autour de Bakhmout puis au sud-ouest autour de la zone de Vuhledar, avance le ISW.
Mais pour Andriy Zahorodniouk, il y a également une autre raison: il s'agit avant tout d'une décision politique, nécessaire pour «compenser» la perte de Kherson.
Bien que la décision de quitter Kherson était «parfaitement sensée» sur le plan militaire, poursuit Zahorodniouk, le général en charge de l'invasion, Sergueï Sourovikine, devait offrir une contrepartie au président russe. «La réussite professionnelle dans l'armée russe dépend fortement de la capacité à éviter d'être tenu responsable des échecs», estime l'analyste. En effet, les prédécesseurs de Sourovikine ont été démis de leurs fonctions pour cette raison.
Pour Zahorodniouk, cela ne fait aucun doute:
L'ISW partage ce point de vue et estime que les forces ukrainiennes dans la région «seront mises à rude épreuve». Kiev devra très probablement détourner des soldats pour se défendre contre ces nouvelles offensives russes.
Cela ne signifie pourtant pas que la situation sera facile pour Moscou, poursuit le centre de réflexion américain. Et la raison est simple: les forces russes présentes dans la région sont nombreuses, mais désorganisées. Elles comprennent des unités conventionnelles de l'armée régulière, des militaires mobilisés, des mercenaires de Wagner, des volontaires, des unités de milice prorusses et des soldats des unités tchétchènes.
Cet «étrange mélange de forces» fera probablement quelques gains par le simple poids du nombre, conclut l'ISW, mais les défenseurs ukrainiens le forceront très probablement à s'arrêter au cours des prochains mois non loin de son point de départ.
Andriy Zahorodniouk se veut confiant: «Ces mesures seront insuffisantes pour contrer le choc psychologique de la défaite à Kherson, profondément démoralisante pour les troupes russes en Ukraine». Les prochaines semaines vont nous montrer s'il a raison. (asi)