La Russie s'apprête à célébrer le 9 mai, jour qui commémore la victoire des troupes alliées sur l'Allemagne nazie, en 1945. Moscou se prépare en particulier à accueillir le traditionnel défilé militaire sur la Place Rouge, décorée avec des drapeaux, des insignes et des scènes pour l'occasion.
Il s'agit d'un événement central pour le pouvoir russe, étroitement lié à la figure du président russe. «Poutine tire toute sa légitimité du défilé, se présentant comme le successeur direct de l'armée qui a vaincu l'Allemagne nazie», explique au Guardian le chercheur Andrei Kolesnikov.
«Le 9 mai est clairement devenu le jour férié le plus important de l'année, la victoire sur les nazis étant élevée au-dessus de tous les autres événements et réalisations comme le moment déterminant de l'histoire russe», confirme le centre de réflexion Atlantic Council. Qui ajoute:
Au cours des derniers mois, l'opération militaire en Ukraine s'est heurtée à une série de revers qui éloignent plus que jamais la perspective d'une victoire, poursuit le think tank. Sur le plan purement pratique aussi, plusieurs éléments risquent de gâcher la fête. «Il y a une nervosité que je n'avais jamais vue auparavant», a notamment confié au Guardian un responsable moscovite.
Les sujets délicats sont nombreux. Il y a tout d'abord la peur d'une possible frappe ukrainienne pendant les célébrations. Plusieurs attaques de drones imputées à Kiev ont frappé le territoire russe au cours des derniers mois.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, deux drones ont explosé à proximité du Kremlin. Le pouvoir russe a parlé d'un «acte terroriste» et accusé l'Ukraine de vouloir tuer Vladimir Poutine, mais plusieurs indices parlent en faveur d'une mise en scène.
Même avant la soi-disant attaque contre le Kremlin, la crainte de frappes a provoqué quelques signes de malaise parmi les dirigeants russes, rapporte encore le Guardian.
Après l'incident de la semaine passée, les autorités ont interdit l'utilisation de drones et ont commencé à brouiller les signaux GPS, ce qui n'a pas été sans conséquence: voitures et scooters apparaissent au beau milieu du fleuve sur les applications de taxis. Des jumelles ont également été distribuées à la hâte à la police pour repérer les drones en approche.
Autre mesure inhabituelle, les défilés prévus ont été supprimés dans au moins six régions, dont celles de Koursk et de Belgorod. Les célébrations auraient également été annulées en Crimée, annexée par la Russie en 2014. Ces annulations sont officiellement dues à des problèmes de sécurité liés à l'invasion en cours, certaines des régions concernées étant situées à proximité de la frontière ukrainienne.
La vraie raison serait pourtant à rechercher ailleurs, selon l'Atlantic Council: de plus en plus à court de chars, Moscou souhaite éviter d'afficher au grand jour l'ampleur des pertes subies par son armée en Ukraine.
Traditionnellement, ces défilés militaires donnent au Kremlin l'occasion de faire étalage de la puissance militaire russe. La réalité du terrain dit le contraire: selon des estimations formulées en janvier, la Russie aurait perdu plus de la moitié de ses chars. Confrontée à ces pertes, Moscou a commencé à déployer de vieux tanks soviétiques en Ukraine, certains datant de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Un autre événement clé du Jour de la Victoire est passé à la trappe cette année: la marche du régiment immortel à Moscou. Il s'agit d'une procession solennelle de personnes portant les portraits de leurs parents tombés pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les autorités craignent que les participants apportent les portraits de leurs fils morts en Ukraine, révélant ainsi le nombre de pertes subies par la Russie. Le défilé sur la Place Rouge commence à 10 heures. (asi)