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«La guerre en Ukraine est la suite de la 2e Guerre mondiale»

Le fossé mémoriel se creuse avec Moscou sur la Deuxième guerre mondiale.
Les Ukrainiens se penchent de plus en plus dans les archives du musée ukrainien de la guerre. Pour son directeur, la guerre actuelle est un prolongement de la Deuxième Guerre mondiale.Image: afp

«La guerre en Ukraine est la suite de la Seconde Guerre mondiale»

En 1945, Russes et Ukrainiens célébraient ensemble la défaite de l'Allemagne nazie, après avoir combattu côte à côte au sein de l'Armée rouge. 80 ans plus tard, un fossé les sépare sur cet héritage commun, creusé par l'invasion russe de l'Ukraine.
08.05.2025, 05:3708.05.2025, 05:37
Barbara WOJAZER et Mykola ZAVGORODNIY / afp
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En Ukraine, beaucoup, comme Iouriï Savtchouk, le directeur du musée ukrainien de la guerre, vont jusqu'à dresser des parallèles entre la guerre actuelle avec Moscou et les combats passés.

L'homme de 60 ans explique:

«La Première et la Deuxième Guerres mondiales, et la guerre d'aujourd'hui, sont toutes des conflits dans lesquels nous avons combattus pour le droit à l'existence nationale, pour le droit des Ukrainiens à s'établir en tant que peuple.»

Le président russe Vladimir Poutine présente son invasion comme une lutte contre les «nazis» ukrainiens et renvoie souvent à la mémoire de la victoire de 1945 pour justifier cette guerre.

En Ukraine, au contraire, la guerre contre la Russie est perçue comme une lutte pour la souveraineté contre une puissance impérialiste et revancharde. Elle a accentué la rupture idéologique avec Moscou.

Symbole de cette rupture, l'Ukraine commémore la victoire sur l'Allemagne nazie le 8 mai comme le reste de l'Europe, et non le 9 mai comme elle le faisait autrefois, sur le modèle de la Russie.

A Moscou, les autorités organiseront comme chaque année un grand défilé militaire sur la Place Rouge, un projet très mal vu en Ukraine.

Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a fustigé mardi:

«Ces gens ne sont pas les libérateurs de l'Europe, ce sont des occupants et des criminels de guerre»

L'importance de la mémoire

Le récit du Kremlin sur la nécessité de «dénazifier» l'Ukraine s'appuie sur la mémoire complexe et controversée du mouvement nationaliste ukrainien, y compris pendant la Seconde Guerre mondiale.

Sa figure de proue, Stepan Bandera, a acquis un statut de héros - qui s'est encore renforcé depuis le début de l'invasion russe - en luttant dans les années 1940 pour la création d'un Etat ukrainien indépendant. Mais l'héritage de son mouvement est terni par sa collaboration avec l'occupant nazi et le massacre de dizaines de milliers de Polonais.

Certains groupes et mouvements au sein de la société et de l'armée ukrainiennes actuelles se revendiquent de cet héritage. La communauté juive d'Ukraine rejette de son côté les accusations de Moscou.

Le grand rabbin Moshe Azman affirme:

«La propagande russe voudrait qu'ils viennent ici pour dénazifier l'Ukraine. C'est un mensonge»

Pour contrer le discours de Moscou, le directeur de musée Iouriï Savtchouk préfère souligner la contribution ukrainienne à la victoire de 1945, plutôt que d'insister sur ceux qui ont collaboré.

Yuriy Savchuk, directeur du Musée en Ukraine sur l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, voit des similitudes avec le conflit actuel entre l'Ukraine et la Russie. (Photo by Tetiana DZHAFAR ...
Iouriï Savtchouk.Image: AFP

Environ 7,5 millions d'Ukrainiens ont combattu dans l'armée soviétique, contre 135 000 qui ont pris les armes aux côtés des nazis, selon les chercheurs du musée. Et selon Kiev, environ huit millions d'Ukrainiens ont péri lors de cette période.

«Nous ne permettrons à personne de nous priver d'une partie de cette mémoire dont nous sommes fiers», souligne Savtchouk devant l'épave d'un hélicoptère russe abattu par l'Ukraine.

«Actions claires»

Autres signes de la rupture mémorielle avec Moscou, l'Ukraine, comme le reste de l'Europe, fait désormais démarrer la Seconde Guerre mondiale en 1939 -- quand l'Allemagne et l'URSS se sont partagés la Pologne -- et non plus en 1941 avec l'invasion allemande de l'URSS comme la Russie.

Et depuis 2023, le trident ukrainien remplace l'emblème soviétique sur le bouclier de la «Mère Patrie», la statue géante qui trône au-dessus de Kiev.

A ses pieds, Valentine Peresypkine, ancien journaliste de 51 ans, montre le monument de 62 mètres de haut à son fils.

«Nous vivons dans un état de turbulence et d'incertitude depuis trois ans. Je parlais à mon fils de la Deuxième Guerre mondiale et du prix payé pour la victoire à l'époque»

Depuis l'invasion russe, le musée a ajouté des expositions sur le conflit actuel. On y trouve notamment la réplique d'un sous-sol où des Ukrainiens se sont abrités des frappes.

Son directeur l'assure:

«C'est la tâche historique actuelle, pour notre avenir, de former et de préserver notre mémoire de la guerre en cours, qui est une continuation de la Deuxième Guerre mondiale.»

Savtchouk estime qu'il faut une lutte concrète pour que l'histoire ne se répète pas. «Le slogan "plus jamais ça" ne peut être efficace que s'il est basé sur des actions claires», explique-t-il avant de conclure:

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source: fsd
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