En Ukraine, beaucoup, comme Iouriï Savtchouk, le directeur du musée ukrainien de la guerre, vont jusqu'à dresser des parallèles entre la guerre actuelle avec Moscou et les combats passés.
L'homme de 60 ans explique:
Le président russe Vladimir Poutine présente son invasion comme une lutte contre les «nazis» ukrainiens et renvoie souvent à la mémoire de la victoire de 1945 pour justifier cette guerre.
En Ukraine, au contraire, la guerre contre la Russie est perçue comme une lutte pour la souveraineté contre une puissance impérialiste et revancharde. Elle a accentué la rupture idéologique avec Moscou.
Symbole de cette rupture, l'Ukraine commémore la victoire sur l'Allemagne nazie le 8 mai comme le reste de l'Europe, et non le 9 mai comme elle le faisait autrefois, sur le modèle de la Russie.
A Moscou, les autorités organiseront comme chaque année un grand défilé militaire sur la Place Rouge, un projet très mal vu en Ukraine.
Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a fustigé mardi:
Le récit du Kremlin sur la nécessité de «dénazifier» l'Ukraine s'appuie sur la mémoire complexe et controversée du mouvement nationaliste ukrainien, y compris pendant la Seconde Guerre mondiale.
Sa figure de proue, Stepan Bandera, a acquis un statut de héros - qui s'est encore renforcé depuis le début de l'invasion russe - en luttant dans les années 1940 pour la création d'un Etat ukrainien indépendant. Mais l'héritage de son mouvement est terni par sa collaboration avec l'occupant nazi et le massacre de dizaines de milliers de Polonais.
Certains groupes et mouvements au sein de la société et de l'armée ukrainiennes actuelles se revendiquent de cet héritage. La communauté juive d'Ukraine rejette de son côté les accusations de Moscou.
Le grand rabbin Moshe Azman affirme:
Pour contrer le discours de Moscou, le directeur de musée Iouriï Savtchouk préfère souligner la contribution ukrainienne à la victoire de 1945, plutôt que d'insister sur ceux qui ont collaboré.
Environ 7,5 millions d'Ukrainiens ont combattu dans l'armée soviétique, contre 135 000 qui ont pris les armes aux côtés des nazis, selon les chercheurs du musée. Et selon Kiev, environ huit millions d'Ukrainiens ont péri lors de cette période.
«Nous ne permettrons à personne de nous priver d'une partie de cette mémoire dont nous sommes fiers», souligne Savtchouk devant l'épave d'un hélicoptère russe abattu par l'Ukraine.
Autres signes de la rupture mémorielle avec Moscou, l'Ukraine, comme le reste de l'Europe, fait désormais démarrer la Seconde Guerre mondiale en 1939 -- quand l'Allemagne et l'URSS se sont partagés la Pologne -- et non plus en 1941 avec l'invasion allemande de l'URSS comme la Russie.
Et depuis 2023, le trident ukrainien remplace l'emblème soviétique sur le bouclier de la «Mère Patrie», la statue géante qui trône au-dessus de Kiev.
A ses pieds, Valentine Peresypkine, ancien journaliste de 51 ans, montre le monument de 62 mètres de haut à son fils.
Depuis l'invasion russe, le musée a ajouté des expositions sur le conflit actuel. On y trouve notamment la réplique d'un sous-sol où des Ukrainiens se sont abrités des frappes.
Son directeur l'assure:
Savtchouk estime qu'il faut une lutte concrète pour que l'histoire ne se répète pas. «Le slogan "plus jamais ça" ne peut être efficace que s'il est basé sur des actions claires», explique-t-il avant de conclure: