De nouveaux indices, selon lesquels les milieux du renseignement russe veulent influencer le résultat des élections présidentielles américaines de 2024, suscitent l'émoi à Washington. Au centre de ces suppositions se trouve un informateur de longue date de la police fédérale américaine (FBI) – qui aurait joué un double jeu pendant des années.
Il s'appelle Alexander Smirnov. Il possède la double nationalité américaine et israélienne et serait sur la liste des employés du FBI depuis 2010. La police fédérale avait tellement confiance en ce mystérieux homme d'affaires qu'elle l'a autorisé à participer à des «activités illégales à des fins d'enquête».
Alexander Smirnov aurait profité de ce passe-droit pour voyager dans le monde entier et nouer des contacts avec des représentants de haut rang de l'Etat russe. Dans un document judiciaire de 28 pages rendu public cette semaine, il est question d'une fête sur un méga-yacht et de rencontres clandestines avec des officiels anonymes.
En octobre 2023, l'informateur du FBI aurait également parlé avec un officiel russe d'un commando de tueurs chargé par le Kremlin d'assassiner «des officiels de haut rang du "pays C"», peut-on lire dans les dossiers du tribunal. Le document ne précise pas quel pays se cache derrière la lettre C – mais il est probable que ce soit l'Ukraine. Selon Alexander Smirnov, la Russie accepterait de mettre fin aux représailles si l'Etat non nommé s'abstenait de son côté de cibler les membres de la famille de certains responsables russes à Moscou.
Cette révélation est d'autant plus intéressante dans le contexte de l'assassinat récent en Espagne de l'ancien pilote d'hélicoptère russe Maxime Kouzminov, qui était passé du côté ukrainien en août dernier. Cet acte peut faire penser à une action de représailles russe. Des unités spéciales du GRU, le service de renseignement militaire russe, ont par le passé perpétré des attentats à l'étranger.
Mais ce n'est pas tout. Alexander Smirnov aurait appris, en décembre 2023, qu'un informateur russe tenait un club dans un hôtel fréquenté par des Américains célèbres. Les conversations téléphoniques que ces clients ont eues dans l'hôtel auraient été écoutées et pourraient être utilisées, si nécessaire, lors de la campagne électorale de 2024 pour exposer les personnes concernées ou les faire chanter. Le dossier judiciaire ne précise pas dans quelle ville se trouve cet hôtel ni quelles personnes ont été écoutées.
Les dossiers judiciaires ne précisent pas si la police fédérale américaine a accordé du crédit aux déclarations d'Alexander Smirnov. Celui-ci a été inculpé la semaine dernière pour avoir donné aux enquêteurs de fausses informations sur le président Joe Biden et son fils Hunter. L'agent américain est accusé dans le dossier judiciaire de répandre de «nouveaux mensonges» qui pourraient influencer l'issue de l'élection présidentielle américaine de novembre 2024.
Une nouvelle étude du think tank britannique Royal United Services Institute, relayée par The Economist, va dans ce sens. Ainsi, les services de renseignement russes se seraient restructurés l'année dernière – notamment parce que le Kremlin serait arrivé à la conclusion que les départements concernés ne produisaient plus d'informations fiables.
Cette réorganisation porte déjà ses fruits, selon les auteurs de l'étude. Et les campagnes russes correspondantes dans des pays comme l'Allemagne, la France ou la Moldavie se déroulent désormais de manière plus coordonnée et donc plus dangereuse. Le GRU semble également agir de manière plus agressive, après quelques maladresses commises par les unités spéciales des services secrets militaires. L'objectif premier des services russes est d'élargir les divisions qui se creusent dans les pays occidentaux soutenant l'Ukraine.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder