Depuis mercredi, une vidéo supposée montrer des soldats russes sur le point de se rendre, sans résistance, circule sur Internet. Des drapeaux blancs sont noués sur leurs chars et ils se dirigent vers un champ où les attendent une bonne douzaine de combattants ukrainiens.
La provenance exacte des images n'a pas encore été confirmée et certains observateurs affirment également que la vidéo pourrait être une mise en scène. Selon le magazine spécialisé The Drive, rien n'indique qu'il s'agisse d'un fake. Il est, en revanche, possible que les combattants russes aient convenu de leur reddition avant avec les Ukrainiens.
Kiev a mis en place une hotline spéciale appelée «Je veux vivre», à laquelle les Russes peuvent s'adresser. Le journal ukrainien Kyiv Post rapporte que des milliers d'appels ont été reçus, même si ces déclarations doivent évidemment être prises avec prudence.
Néanmoins, ce qui demeure certain, c'est que les troupes ukrainiennes gagnent actuellement énormément de terrain dans la région de Kherson. Cela s'explique notamment par une nouvelle tactique qu'elles utilisent depuis quelques semaines. L'expert militaire ukrainien Oleh Schdanov a expliqué au Spiegel comment elle fonctionne exactement.
#UAarmy’s autumn offensive, day by day. While the "russian parliament" is intoxicated from the futile attempts at annexation, our soldiers continue moving forward.
— Oleksii Reznikov (@oleksiireznikov) October 5, 2022
This is the best answer to any and all "referenda", "decrees", "treaties" and pathetic speeches. pic.twitter.com/qLCBu0Vdns
«Ils identifient d'abord des sections faibles dans la défense russe, puis effectuent une percée rapide, et ensuite de petits groupes de combat hautement mobiles les traversent», raconte Schdanov. Dans un premier temps, les formations ne s'engageraient toutefois pas directement dans la bataille, mais contourneraient les positions russes.
Une fois qu'ils ont contourné les troupes adverses, les Ukrainiens passent à l'attaque:
Pour le moral des Russes, c'est dévastateur. «Ainsi, la panique s'installe parmi les soldats russes, car ils ne comprennent pas par où ils se font attaquer, ils ne savent pas s'ils sont déjà encerclés. C'est pourquoi ils se replient ou prennent même la fuite de manière désordonnée».
Les petites unités d'attaque ukrainiennes se coordonneraient apparement entre elles. Les unités de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de l'artillerie qui combattent de front offrent également leur soutien. Schdanov explique:
Les avancées se feraient notamment dans des Bushmaster Trucks venus d'Australie et des Humvees des Etats-Unis. «Il s'agit avant tout d'être mobile et rapide». Même s'il ne s'agit que de véhicules au blindage léger, ils posent de gros problèmes aux Russes.
L'Ukraine n'utilise cette tactique que depuis quelques semaines, plus précisément depuis la contre-offensive près de Kharkiv. Durant l'été, on attendait encore que les combattants reviennent des stages de formation à l'étranger, explique Chdanov. «Des milliers de combattants ont été formés aux tactiques de l'OTAN en Grande-Bretagne et ailleurs au cours des derniers mois. Ils disposent en outre désormais des armes nécessaires à ce type de guerre».
Pour le psychologue militaire Hubert Annen, le manque de ravitaillement joue également un rôle déterminant dans le fait que de nombreux Russes se rendent ou prennent la fuite actuellement. Moralement, les Ukrainiens auraient de toute façon déjà un avantage puisqu'ils défendent leur propre pays, explique Hubert Annen, qui enseigne à l'Académie militaire de l'EPF de Zurich. Les Ukrainiens ont maintenant réussi à affaiblir encore plus le moral des Russes.
Annen explique dans un entretien avec watson:
La situation est particulièrement précaire pour les Russes à l'ouest du fleuve Dniepr, près de Kherson. Les voies de fuite sont dangereuses, car elles traversent une rivière qui se trouve à portée de l'artillerie ukrainienne. Les soldats russes doivent se demander quelle utilité il y a encore à continuer de mettre leur vie en danger dans ces conditions très défavorables, dit Annen.
Pour que leur motivation reste intacte, un certain nombre d'éléments devraient être réunis. «Il faudrait par exemple un leader fort ou une idéologie convaincante. Mais ces deux aspects ne sont pas très développés dans l'armée russe. Elle mise bien plus sur les représailles et la peur pour que les gens continuent à se battre».
La mobilisation partielle lancée par Poutine il y a deux semaines aurait pu être une source de motivation supplémentaire pour les combattants russes. Mais son effet ne se fait pas encore sentir. «La mobilisation prend du temps. Les futurs combattants doivent d'abord encore être entraînés. Ils ont en outre besoin de vêtements, d'armes, de nourriture et de véhicules. Toute la logistique doit d'abord être mise en place et c'est tout sauf anodin», explique Annen.
Même si la situation n'est pas du tout idéale en ce moment, elle pourrait bientôt devenir encore plus inconfortable pour les soldats russes.
L'expert militaire ukrainien Oleh Schdanov se déclare confiant. Il affirme au Spiegel: «Je n'ai aucun doute sur le fait que nous allons gagner. Je pense que pour l'essentiel, tout sera terminé au printemps prochain. D'ici là, nous devrions avoir atteint nos frontières de 1991».
Hubert Annen, de l'EPF de Zurich, se montre en revanche plus hésitant et met en garde contre le fait de condamner déjà l'armée russe. «La Russie est un grand pays, je peux très bien m'imaginer que des incitations financières ou d'autres mesures coercitives puissent encore amener de nombreuses personnes à se battre. L'enjeu est de taille pour Poutine. Il ne doit pas perdre cette guerre, et donc il va certainement encore utiliser tous les moyens possibles. Le dernier mot n'a pas encore été dit à ce sujet».