En août dernier, l'Ukraine avait surpris l'opinion mondiale en menant une offensive inattendue en Russie. Les soldats ukrainiens avaient pour la première fois réalisé des conquêtes à grande échelle sur le territoire ennemi, saisissant jusqu'à 1200 km2 dans la région de Koursk. A titre de comparaison, cela représente plus d'un tiers de la surface du canton de Vaud.
Même les soldats de Vladimir Poutine ne s'attendaient visiblement pas à une telle avancée, et ce n'est qu'au bout d'un mois environ que les troupes russes sont parvenues à stopper l'avancée ukrainienne. Mais environ sept mois plus tard, il ne reste presque plus rien de ce succès militaire ukrainien.
Alors que les soldats font état de lourdes pertes et de scènes «dignes d'un film d'horreur» lors de leur retraite, des experts comme l'analyste militaire autrichien Markus Reisner voient la fin de la percée ukrainienne dans la région de Koursk approcher:
Officiellement, le gouvernement ukrainien continue d'insister sur le fait que la mission est un succès. Toutefois, les pertes actuelles ont probablement affaibli davantage la position de l'Ukraine dans les pourparlers de paix en cours entre les Etats-Unis et la Russie.
Selon les estimations de la BBC, environ 12 000 soldats ukrainiens ont été déployés dans la région de Koursk. Après une hésitation initiale, face à eux se trouvaient environ 70 000 soldats côté russe, dont 11 000 à 12 000 originaires de Corée du Nord.
D'un point de vue stratégique, la fin de la mission ukrainienne a probablement pris effet la semaine dernière, lorsque la Russie a pu annoncer la reprise de la petite ville de Soudja. Cette localité était d'une grande importance tactique, car derrière elle, jusqu'à la frontière ukrainienne, s'ouvre un terrain en grande partie dénudé et nettement plus difficile à défendre.
Côté russe, on a donc déjà annoncé cette semaine que d'autres reconquêtes avaient eu lieu à l'ouest de Soudja. Ces affirmations n'ont cependant pas encore pu être confirmées. Il en va de même pour les déclarations de Vladimir Poutine et de Donald Trump vendredi dernier, selon lesquelles des milliers de soldats ukrainiens seraient désormais encerclés par des unités russes à Koursk.
Les analystes militaires estiment au contraire que, du côté ukrainien, on continue de tenir un couloir de repli qui s'étend jusqu'à sa propre frontière. En outre, la Russie ne peut pour l'heure pas prouver avec ses propres images qu'un encerclement a eu lieu, souligne Markus Reisner. Par le passé, l'armée russe a toujours fait état publiquement de telles conquêtes. L'absence actuelle d'images de Koursk indique selon toute vraisemblance que les soldats ukrainiens ne sont toujours pas encerclés.
Pour les troupes ukrainiennes, la situation sur le terrain serait néanmoins catastrophique. Un soldat nommé Anton a raconté à la BBC à quel point les combats actuels sont dangereux:
Un autre militaire a évoqué des scènes «dignes d'un film d'horreur». Même parmi les unités ukrainiennes, on serait désormais certain de ne plus pouvoir garder de position à Koursk.
En fait, ce sont les drones russes qui représentent actuellement le plus grand danger. Entre-temps, l'armée russe aurait rassemblé à Koursk un grand nombre de ses meilleures unités d'engins volants pouvant être pilotés par fibre optique. Cela pose un problème de taille à l'Ukraine, car ces drones ne peuvent pas être affectés par les brouilleurs dorénavant largement utilisés sur tout au long de la ligne de front. Les retraits importants ne sont possibles pour l'Ukraine que la nuit, car les soldats seraient trop facilement repérés par les drones pendant la journée.
Volodymyr Zelensky a déclaré vendredi que l'opération Koursk avait néanmoins rempli son objectif, prouvant au monde que l'armée ukrainienne était toujours capable de mener des offensives. Et de nombreux soldats russes ont été capturés et échangés contre des prisonniers de guerre ukrainiens. En outre, la mission a permis de fixer de nombreuses forces russes qui, sinon, auraient pu continuer à se battre dans des zones fortement contestées, comme Pokrovsk, dans la région de Donetsk, sur sol ukrainien.
Mais les dirigeants ukrainiens en avaient probablement espéré davantage. Les territoires conquis devaient probablement aussi servir de gage pour d'éventuelles négociations de paix, afin de pouvoir proposer à la Russie un échange contre des territoires ukrainiens. Au vu des récentes pertes, Koursk devrait jouer un rôle plutôt secondaire dans les discussions d'aujourd'hui entre Donald Trump et Vladimir Poutine.
Traduit de l'allemand par Joel Espi