Poutine prépare en douce un «changement stratégique profond»
Le président Vladimir Poutine a signé deux nouvelles lois à la suite des nombreuses attaques de drones ukrainiens sur des installations énergétiques russes. La première autorise le recours à des réservistes pour protéger les infrastructures critiques, comme les raffineries de pétrole. La seconde élargit la conscription: dorénavant, les recrues pourront être mobilisées tout au long de l'année, alors qu'auparavant cela n'était possible qu'au printemps et à l'automne.
Selon le Kyiv Post, le Kremlin réagit ainsi aux pénuries et rationnements de carburant dans plusieurs régions. Récemment, plusieurs raffineries et installations industrielles en Russie ont été visées par des frappes de longue portée. L'Ukraine cherche ainsi à réduire les revenus du secteur énergétique, qui financent en partie la guerre de Moscou contre l'Ukraine.
Selon le ministère russe de la Défense, les réservistes doivent aider à protéger les installations énergétiques, les nœuds de transport et d'autres infrastructures vitales contre les attaques. Le vice-amiral Vladimir Zimljanski a déclaré à la mi-octobre, selon le portail ukrainien United24, que ces missions se dérouleraient «uniquement dans leur région d'origine». Elles supposent la signature d'un contrat de réserviste, la mobilisation se faisant par décret.
Le système de recrutement russe rencontre des difficultés
Mais selon une analyse de l’Institut américain Institute for the Study of War (ISW), ce paquet législatif marque un «changement stratégique profond». Il crée une base juridique pour déployer des réservistes à l'étranger, y compris sans mobilisation officielle ni déclaration de guerre, par exemple en Ukraine.
En étendant la conscription à toute l'année, le Kremlin crée également à long terme de nouvelles réserves: après leur service, les conscrits passent automatiquement dans la réserve et pourraient à l'avenir être mobilisés eux aussi.
L'ISW met en garde: le Kremlin prépare une mobilisation obligatoire progressive. Le modèle actuel de Poutine — verser de fortes primes pour recruter — est trop coûteux et inefficace. Les nouvelles lois permettent désormais de préparer des réservistes à des missions de combat, y compris à l'étranger, sous couvert de «rassemblements spéciaux», sur une période de deux mois.
Cette mobilisation doit rester officiellement volontaire, mais elle pourrait en réalité devenir obligatoire par le biais de contrats. Les membres de formations irrégulières, comme les cosaques ou les groupes de mercenaires poussés depuis 2023 à signer des contrats réguliers, pourraient également être concernés.
Toujours plus de soldats dans l'armée russe
Parallèlement, la nouvelle loi autorise les réservistes à obtenir des grades militaires sans avoir suivi d'exercices préalables. L'ISW y voit une tentative de réduire la durée de formation afin d'envoyer plus rapidement du personnel au front.
Le système de la soi‑disant réserve de combat (BARS) pourrait également être placé sous un contrôle centralisé plus strict. Jusqu'ici, de nombreuses unités dépendaient de structures locales. Dorénavant, elles devraient relever directement de l'état-major dirigé par le ministre de la Défense, Andrei Beloussov.
Selon l'ISW, un nouvel ordre de mobilisation massive comme en 2022 est actuellement peu probable. Mais les changements législatifs permettent au Kremlin de mobiliser continuellement de nouvelles recrues, sans appel officiel et à moindre coût. L'apparence d'une armée professionnelle entièrement volontaire peut ainsi être maintenue. Les voix critiques craignent toutefois que ce nouveau cadre juridique autorise le Kremlin à étendre ses capacités militaires dans la guerre en Ukraine de manière discrète mais efficace.
Traduit et adapté par Noëline Flippe

