Expulsé des Etats-Unis après le rejet de sa demande d'asile, Artiom Vovtchenko, un soldat russe qui avait déserté pour ne pas combattre en Ukraine, encourt désormais sept ans de prison dans son pays natal.
Cet homme de 27 ans espérait trouver refuge sur le sol américain mais il s'est retrouvé piégé par le durcissement de la politique migratoire depuis le retour au pouvoir de Donald Trump. Embarqué à bord d'un avion à destination de la Russie, il a été arrêté à son arrivée par des agents des services de sécurité, le FSB.
Selon des avocats spécialisés dans les droits humains, des centaines de Russes risquent de connaître le même sort.
La justice russe avait ouvert une procédure pénale contre Artiom Vovtchenko après son abandon de poste dans une base militaire en Arménie en septembre 2022 au moment où la Russie annonçait son intention de mobiliser des centaines de milliers de réservistes pour les envoyer combattre en Ukraine.
L'AFP s'est entretenue avec deux Russes qui étaient dans le même avion que celui d'Artiom, expulsé des Etats-Unis en août.
L'un d'entre eux, sous couvert d'anonymat, a témoigné:
Au cours d'une escale en Egypte, Artiom, se sachant recherché pour désertion en Russie, a tenté de s'enfuir, selon eux.
«Il a été arrêté par les garde-frontières (égyptiens) et passé à tabac», a souligné l'un de ses compatriotes.
Des centaines de milliers de Russes ont fui leur pays après le début de l'invasion de l'Ukraine en février 2022 et la mobilisation militaire en septembre de la même année.
La plupart d'entre eux ont émigré vers les Etats voisins, qui les autorisent à entrer sans visa. Mais certains ont tenté d'obtenir l'asile sur le territoire américain, en se rendant d'abord au Mexique, puis en traversant la frontière à pied.
Un choix qui s'est avéré fatidique pour nombre d'entre eux. Selon les données de la police de l'immigration (ICE), les Etats-Unis expulsent environ 40 Russes par mois depuis fin 2023.
Cet été, au moins trois vols ont été organisés pour expulser des Russes ayant été déboutés de leur demande d'asile, selon Vladimir Ossetchkine, du groupe de défense des droits Gulagu.net, qui aide les opposants en Russie à la guerre à fuir.
A bord de l'avion d'Artiom Vovtchenko, figuraient soixante-quatre personnes expulsées. Vladimir Ossetchkine explique:
Un militant politique, Léonid Melekhine, a également été arrêté en Russie après avoir été expulsé. Père de deux enfants, il est actuellement en détention provisoire dans la ville de Perm, dans l'Oural. Melekhine, 34 ans, avait participé à des rassemblements en soutien à l'opposant Alexeï Navalny, mort en prison en 2024, avant de partir pour les Etats-Unis.
Accusé d'«apologie du terrorisme» pour avoir, selon le Parquet, collé une affiche appelant à la pendaison du président russe Vladimir Poutine, il encourt jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. «C'est un otage, un prisonnier politique», assure Iouri Bobrov, un ami de Léonid Melekhine.
Dans ce contexte, l'opposition russe en exil a exhorté le Canada à ouvrir ses frontières aux Russes expulsés des Etats-Unis. Vladislav Krasnov, un militant de 27 ans qui s'est vu refuser l'asile, va jusqu'à établir un parallèle entre l'Amérique de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine. Il a estimé:
Krasnov est toujours aux Etats-Unis mais il craint d'être arrêté s'il est renvoyé dans son pays pour avoir publiquement critiqué le président russe et dénoncé la guerre contre l'Ukraine.
Passé par plusieurs centres de détention sur le sol américain pendant 14 mois, il a raconté avoir notamment été placé pendant une semaine dans une pièce de 25 m2 avec une vingtaine d'autres personnes, sans lit et avec la lumière allumée en permanence. Il témoigne:
Evguéni Machinine, un ancien militant partisan d'Alexeï Navalny âgé de 27 ans, a également été arrêté en Russie après avoir été expulsé des Etats-Unis. Il s'en est sorti à relativement bon compte: une amende de 35 000 roubles (environ 370 euros), après avoir été photographié avec un drapeau ukrainien.
Il a ensuite réussi à quitter la Russie pour la France, où il a déposé une nouvelle demande d'asile. Son conseil aux exilés politiques russes: «Allez en Europe, eux n'emprisonnent pas tout le monde».