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Les Russes en ont-ils marre de la guerre?

La Russie aurait perdu près de 895 000 soldats en comptant les blessés et les disparus.
La Russie aurait perdu près de 895 000 soldats en comptant les blessés et les disparus.Image: dr

Les recruteurs russes sont en galère

Le recrutement de soldats en Russie serait à la peine, malgré des sommes confortables offertes aux recrues.
26.03.2025, 05:4226.03.2025, 05:42
Martin Küper / t-online
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Depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, une victoire de l'Ukraine face à la Russie semble s'éloigner. Kiev ne doit pas s'attendre à de nouvelles livraisons d'armes de la part des Etats-Unis, tandis que la fourniture d'informations de la part des services secrets et d'images satellites des Américains semble également compromise.

Et Donald Trump ne cache pas qu'un accord avec Moscou est plus important pour lui que le soutien aux alliés européens. Mais pour le Kremlin, la situation n'est pas aussi avantageuse qu'il n'y paraît. Il suffit de regarder les effectifs de l'armée russe pour s'en rendre compte.

Selon les dernières données de l'état-major ukrainien, depuis l'invasion de février 2022, la Russie a perdu près de 895 000 soldats en comptant les blessés et les disparus. Les données de Kiev sont peut-être surévaluées, mais des sources indépendantes estiment également que les pertes russes sont massives.

Une guerre des chiffres

En analysant des informations accessibles au public, telles que les avis de décès, le site russe indépendant Mediazona et BBC Russia arrivent tout deux au chiffre d'au moins 165 000 soldats russes tués en Ukraine. Les blessés et les disparus ne sont pas inclus dans ce chiffre.

Si l'on considère que l'armée russe aime garder les soldats morts ou disparus dans ses effectifs officiels en tant que «cadavres encartés», les données ukrainiennes ne devraient pas être trop éloignées de la réalité.

Aussi effrayants que soient ces chiffres, le Kremlin ne se laisse pas détourner de ses objectifs de guerre. Jusqu'à présent, la Russie est apparemment parvenue à recruter suffisamment de nouveaux soldats pour compenser les pertes humaines, même si cela semble devenir plus difficile depuis l'automne dernier.

L'avancée de l'armée ukrainienne dans la région frontalière russe de Koursk en août dernier avait brièvement fait grimper le nombre de recrues en Russie. Mais les chiffres se seraient ensuite effondrés au troisième trimestre, comme l'ont déterminé le média d'opposition Meduza et l'économiste Janis Kluge.

Plus de 600 000 soldats russes

Il reste, toutefois, difficile de répondre sérieusement à la question de savoir combien de soldats le Kremlin a réellement pu engager l'année dernière. L'expert militaire Gustav Gressel a déclaré à t-online début janvier:

«Il n'existe actuellement aucun chiffre fiable sur le recrutement en Russie»

De son côté, la Russie affirme avoir dépassé de 10 000 hommes les objectifs de recrutement qu'elle s'était fixés pour 2024, et avoir recruté plus de 440 000 nouveaux soldats. En janvier également, le quota a été dépassé avec 107%, apprenait-on de Moscou.

L'Ukraine semble prendre les chiffres de la Russie au sérieux. Selon Vadym Skibitsky, le vice-chef du service de renseignement militaire ukrainien, environ 620 000 soldats russes combattent actuellement en Ukraine et dans la région russe de Koursk, partiellement occupée par les Ukrainiens. Cela représente 40 000 hommes de plus qu'à la fin de l'année dernière, a déclaré Vadym Skibitsky.

Environ 200 000 de ces soldats se battraient directement sur le front. Dans une interview accordée à la chaîne RBK-Ukraine, Vadym Skibitsky a également confirmé le chiffre de 440 000 soldats russes nouvellement recrutés.

Un chiffre réaliste: 300 000 nouveaux soldats

Des doutes subsistent toutefois quant à ce nombre. Le politologue du Center for European Policy Analysis (CEPA), Pavel Luzin, avance le chiffre d'environ 300 000 nouveaux soldats russes recrutés en 2024. Pavel Luzin se base sur les chiffres tirés du budget du Kremlin. Ceux-ci font état de près de 230 000 paiements uniques aux recrues pour les trois premiers trimestres de l'année 2024. Si le chiffre de 440 000 nouveaux soldats pour l'ensemble de l'année s'avère exact, la Russie devrait donc avoir recruté plus de 200 000 hommes au quatrième trimestre. Pavel Luzin estime donc qu'un chiffre de 60 000 à 70 000 est plus réaliste.

Le chercheur se réfère également au chef du Kremlin en personne, Vladimir Poutine. Ce dernier avait affirmé en décembre 2023 que la Russie avait recruté 490 000 soldats cette année-là. Dans un discours prononcé un an plus tard, Poutine a ensuite indiqué que plus de 300 000 hommes s'étaient engagés en 2023. Ce chiffre est également nettement plus proche des 330 000 paiements uniques que le Kremlin a dépensés pour l'année. Selon Pavel Luzin, les chiffres pour 2024 devraient également se situer dans cette fourchette.

Un rapport du site russe indépendant Verstka montre également que la Russie a des problèmes de recrutement. Selon ce rapport, le nombre de volontaires qui s'engagent pour le service militaire dans le plus grand bureau de recrutement de Moscou a chuté d'environ 250 personnes par jour en août à environ 40 par jour récemment. La plupart des nouvelles recrues du bureau de la rue Yablotchkova sont des Chinois, mais aussi des Ghanéens, des Sud-Africains et des personnes originaires d'autres pays africains.

Même si le Kremlin parvient jusqu'à présent à combler les lacunes de l'armée, il doit payer nettement plus pour cela. En juillet, Vladimir Poutine a fait plus que doubler les paiements uniques pour les nouvelles recrues, les faisant passer de l'équivalent de 2000 à 4100 francs. Certaines régions ont même augmenté le taux à l'équivalent de plus de 20 000 francs afin de remplir le quota de recrues exigé par le Kremlin. Avec ces sommes élevées, l'Etat russe évite certes une démobilisation dangereuse pour le régime. Mais les charges financières augmentent ainsi énormément.

Pavel Luzin estime que les dépenses de guerre de la Russie se sont élevées l'année dernière à près de 113 milliards de francs au lieu des 87 milliards officiellement annoncés. Le politologue se réfère à une déclaration révélatrice du ministre de la Défense en décembre dernier. On peut toutefois se demander si la Russie se laissera détourner de sa politique de guerre par des coûts plus élevés. Jusqu'à présent, le régime a toujours trouvé les moyens de résoudre ses problèmes les plus urgents.

Traduit de l'allemand par Joel Espi

Les gosses russes aiment les flingues (à blanc)

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Les gosses russes aiment les flingues (à blanc)
Il y a l'enthousiaste...
source: ap / dmitri lovetsky
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