Pour sanctionner Vladimir Poutine, l'Occident a édicté pléthore de mesures censées ralentir la puissance économique de la Russie. Parmi celles-ci: la saisie de super yachts appartenant à des oligarques russes et d'autres proches aisés du maître du Kremlin. Mais une récente analyse révèle la complexité de cette sanction adoptée par de nombreux pays, dont la Suisse.
Lundi, Bloomberg a pris en exemple l'Amadea, un super yacht de 325 millions de dollars, amarré dans le port de San Diego –et surtout inemployé – depuis juin. Ce bijou de luxe russe a été saisi par les autorités américaines qui, comme le rapporte le site d'informations, se confrontent depuis à six problèmes majeurs.
La traque occidentale des super yachts russes a eu comme effet de pousser certains oligarques à user d'imagination pour semer les autorités: «Certains ont éteint leurs transpondeurs afin que leurs mouvements ne puissent être suivis», avance le journal américain. Et nombreux sont les fraudeurs à y être parvenus. En quelques mois, ils ont réussi à semer le FBI «jusqu'à l'autre bout du monde», sans jamais être retrouvés.
Un super yacht demande énormément de soins. Il faut entretenir les systèmes électriques, afin d'éviter le développement de la rouille ou de la moisissure. Sans quoi, les hélices et tout l'extérieur de l'engin pourraient être endommagés. Ce qui nécessiterait alors «plusieurs millions de dollars» de réparations, peut-on lire dans Bloomberg.
Un tel travail d'entretien demande l'engagement d'une quinzaine d'ingénieurs et de matelots à bord. Et aux Etats-Unis, mais aussi en Italie, c'est l'argent des contribuables qui sert à payer les salaires, mais pas que. Selon les journalistes de Bloomberg, les contribuables américains mettent également la main à la poche pour couvrir les frais d'amarrage. A San Diego, le blocage de l'Amadea s'élève à plus de 120 000 dollars. Sur un an, les contribuables devraient être amenés à débourser plus de 50 millions de dollars pour entretenir les flottes russes inutilisées.
Alors, pour éviter que les citoyens ne financent les sanctions de leur poche, la majorité des gouvernements occidentaux font le choix de ne plus saisir, mais de confisquer les super yachts russes. Comme il est expliqué dans l'article de Bloomberg, du point de vue de la loi américaine, le gouvernement confisque lorsqu'un actif a été acquis par acte criminel. Dans le cadre de la guerre en Ukraine, le crime, ici, est d'avoir violé les sanctions à l'encontre de la Russie.
Or, dans de nombreux pays européens, les violations des sanctions occidentales ne sont pas considérées comme un crime. Selon Bloomberg, l'Union européenne tente de changer cela, alors que les Russes sanctionnés sont déjà sur le front juridique pour récupérer leurs avoirs confisqués.
Dans le même temps, l'Ukraine revendique un besoin urgent de financement. Pour reconstruire un pays dévasté par les bombardements de la guerre, le gouvernement de Volodymyr Zelensky a estimé les coûts à 750 milliards de dollars.
Début juillet, à Lugano, le premier ministre ukrainien Denys Chmyhal a proposé de financer une partie de ce projet en recevant 300 à 500 milliards de dollars d'avoirs russes gelés par les Etats-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni. La Suisse, hôte de l'événement diplomatique s'est montrée peu favorable à la suggestion, par crainte de donner «trop de pouvoir» à l'Etat ukrainien.
Alors, seule solution pour l'Occident: se débarrasser des navires de luxe. Et le 23 août, leur destin a connu un nouveau tournant. Pour la première fois, le tribunal britannique a autorisé la mise en enchère de l'Axioma, le super yacht de Dmitry Pumpyansky, un magnat russe des tubes en acier, pour un montant minimum de 63 millions de livres sterling (71 millions de francs suisses).
Mais si l'on en croit les informations récoltées par Bloomberg, cet événement inédit a peu de chance de se généraliser. Pour une dizaine de courtiers en yachts et d'avocats maritimes contactés par le journal, un bien saisi ferait fuir la plupart des acheteurs. (mndl)