Si l'Allemagne fait jusqu'à présent partie des plus fervents soutiens de l'Ukraine, avec plus d'un milliard d'euros dépensés en aide humanitaire et en équipements militaires, ce parti pris fait grincer les pro-Poutine allemands les plus fervents.
Au terme de plusieurs mois d'enquête, le média Reuters est parvenu à remonter la piste de plusieurs de ces personnalités clés, qui s'impliquent dans la promotion d'une position pro-Kremlin en Allemagne.
Parmi les six personnes au coeur de l'enquête, les profils et les moyens d'action diffèrent. Leur objectif est le même: couper tout soutien allemand à l'Ukraine. Certains font compagne discrètement, sous couvert de pseudonymes sur les réseaux sociaux. D'autres préfèrent scander leur cause, avec fracas et pancartes.
C'est le cas d'Elena Kolbasnikova, ancienne infirmière connue dans certains cercles anti-establishment allemands, et de son compagnon, Rostislav Teslyuk, alias Max Schlund, ancien lieutenant dans l'armée de l'air russe.
Le couple organise à travers toute l'Allemagne des journées réunissant les «personnes partageant les mêmes idées», comprenant musique, nourriture et jeux sportifs, dans des salles ornées du drapeau du sanguinaire dirigeant tchétchène, Ramzan Kadyrov.
L'été dernier, le couple s'est aussi illustré dans le Donbass, région ukrainienne largement contrôlée par la Russie, pour distribuer de l'aide aux forces pro-Kremlin.
Remarqué pour avoir assuré la sécurité lors de plusieurs manifestations pro-russes, il y a aussi le Sibérien Andrei Kharkovsky. Lorsqu'il n'est pas patron d'une petite entreprise de camionnage près de Cologne, il prête allégeance à une société cosaque qui soutient la campagne militaire de Moscou en Ukraine.
Il est régulièrement photographié sur les médias sociaux lors de rassemblements cosaques, flanqué de l'uniforme militaire assorti. Dans la Russie impériale, les cosaques ont prêté allégeance aux tsars. Aujourd'hui, les principales organisations cosaques russes sont fidèles à Poutine et combattent aux côtés des forces russes.
Oleg Eremenko, homme d'affaires russo-allemand et ancien officier du renseignement militaire russe, dirige à présent une entreprise de construction à Berlin. Petit-fils d'un héros de guerre soviétique, c'est un ami de longue date d'Igor Girlkin, le séparatiste et ultra-nationaliste bien connu.
Autre personnalité dans le viseur de Reuters: Wjatscheslaw Seewald, Youtubeur prolifique également à la tête de la chaîne Telegram «Poutine Fanclub», qui réunit plus de 36 000 abonnés. Il poste régulièrement des photos de Poutine, des articles sur ses apparitions publiques et des traductions en allemand de ses discours.
Seewald a attiré l'attention des autorités allemandes par son attrait assumé pour les théories du complot antisémites et ses appels à prendre d'assaut le parlement allemand.
Le sixième et dernier homme, Jan Riedel, est un passionné de moto qui publie en ligne des allégations d'atrocités commises par l'armée ukrainienne. Il a collecté des fonds pour les «Night Wolves», club de motards russes qui fait l'objet de sanctions pour avoir aidé les forces russes à s'emparer de la région ukrainienne de Crimée.
Lors de ses apparitions à des événements pro-russes en Allemagne, Riedel s'affiche vêtu d'une veste de moto en cuir robuste, ornée du drapeau de la «Novorossiya» (nom que les nationalistes russes donnent à la région du sud et de l'est de l'Ukraine) et du numéro «1423». Un sigle qui désigne les Night Wolves.
Le soutien du Berlin officiel pour l'Ukraine n'a aucunement refroidi les ardeurs de ces quelques fervents défenseurs de Poutine. Comme le rappelle le média d'investigation russe The Insider, ces derniers mois ont été l'occasion pour des représentants de la diaspora russe de descendre dans les rues des villes allemandes pour scander des slogans anti-gouvernementaux et protester tous azimuts contre les sanctions occidentales, la hausse des prix et les restrictions Covid.
L'enjeu est de taille, rappelle Reuters: si l'Allemagne, la plus grande économie de l'Union européenne, tourne le dos à Kiev, l'unité européenne dans cette guerre pourrait bien se fracturer. Et ce sera à l'Ukraine d'en payer le prix. (mbr)