C'est une histoire aux relents de guerre froide que rapporte ce jeudi 28 décembre le Washington Post. Et pour cause, le quotidien américain évoque «la pire affaire d'infiltration russe dans les services de renseignement allemands depuis les années 1960».
L'homme au coeur de toutes les suspicions: un officier supérieur du renseignement allemand, soupçonné de collusion avec Moscou. Les autorités allemandes le soupçonnent d'avoir intercepté des données sensibles sur le conflit en Ukraine et les méthodes de renseignement des Occidentaux – des informations indispensables aux Russes, afin de connaître leurs propres faiblesses.
L'espion présumé, identifié comme un certain Carsten L. par les procureurs allemands, travaillait au sein du service chargé de la surveillance électronique. Ce département crucial, qui collabore notamment avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, avait accès notamment à des informations très sensibles sur la guerre en Ukraine.
Signalé plutôt cette année, il a été arrêté mardi 27 décembre pour suspicion de «trahison», au terme d'une enquête interne.
Il s'agit maintenant pour les responsables allemands, américains et britanniques de déterminer quelle est l'ampleur des données transmises par l'espion présumé à la Russie.
Seule certitude: au cours de son service, Carsten L. a eu accès à des renseignements liés à la guerre en Ukraine, dont des documents recueillis par des satellites militaires allemands. Son département traitait également des renseignements classifiés en provenance de Russie et d'Ukraine, obtenus par d'autres agences d'espionnage d'Occident. Les données étaient obtenues notamment au moyen de mises sur écoute d'appareil électroniques ou d'interceptions de télécommunications.
Selon les premiers éléments de l'enquête, Carsten L. n'aurait pas perçu de quelconque paiement de la part de ses agents de liaison. Les enquêteurs tentent désormais de déterminer s'il a fait l'objet d'un chantage, ou s'il était motivé par des convictions idéologiques.
Cet épisode jette une lumière crue sur un phénomène de plus en plus fort depuis le début de la guerre: les tentatives d'espionnage des gouvernements occidentaux par la Russie.
Début avril, les responsables des agences de sécurité nationales européennes se sont réunis à Paris pour élaborer une stratégie commune de lutte contre l'espionnage russe. A l'issue de la réunion, pas moins de 600 fonctionnaires russes avaient été expulsés de différents gouvernements européens.
Selon des responsables du contre-espionnage au Washington Post, la Russie serait tournée vers l'espionnage industriel à grande échelle pour compenser la perte d'accès aux technologies occidentales due aux sanctions.
Elle se serait aussi lancée dans le recrutement actif d'agents dits «sous couverture profonde», en engageant des espions parmi des fonctionnaires, des hommes d'affaires ou encore des universitaires.
Cible de plusieurs cyberattaques de grande ampleur sur ses infrastructures critiques, Berlin soupçonne notamment Moscou d'être responsable de la destruction des gazoducs Nord Stream, ou encore d'une attaque contre le chemin de fer en octobre, qui a momentanément suspendu le trafic ferroviaire dans tout le nord du pays. (mbr)