Poutine est de plus en plus critiqué en Russie et c'est une stratégie du Kremlin
Ces derniers jours, les informations en provenance de la Russie font état de critiques de la stratégie de guerre de Poutine. Dans un pays où toute remise en question de l'invasion, qualifiée d'«opération spéciale» par Moscou, est sanctionnée, cela semble inhabituel.
Certains observateurs pensent que les opposants de Poutine sont en train de tester jusqu'où ils peuvent aller. Ainsi, le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov a ouvertement critiqué le retrait des troupes russes.
Selon un article de Bloomberg, il pourrait toutefois s'agir d'une stratégie de Vladimir Poutine. Selon les informations du média américain, le Kremlin a ordonné à certains médias d'Etat de reconnaître des erreurs dans la gestion de la guerre en Ukraine. La raison en serait la crainte que la propagande, qui ne rapporte que des succès, ne finisse par susciter des doutes:
«Nous devons arrêter de mentir»
Selon les informations de Bloomberg, c'est cette adaptation de la stratégie de communication qui aurait donné lieu à des articles plus ou moins critiques sur l'armée. Le média se réfère pour cela à des sources du Kremlin. Des cartes montrant le recul de l'armée russe dans le sud ont été, par exemple, rendues publiques lors d'un briefing de l'armée.
Même l'animateur de télévision Vladimir Soloviev, également surnommé «la voix de Poutine», a récemment déclaré dans son émission: «Dans la vraie vie, je souhaiterais que nous attaquions et prenions Kiev demain. Mais je suis conscient que les 300 000 personnes qui se trouvent dans la mobilisation partielle ont besoin de temps pour cela.»
Ce discours totalement différent aurait été autorisé par le Kremlin lui-même, selon Bloomberg. «Nous devons arrêter de mentir», a déclaré cette semaine Andrey Kartapolov, un ancien général qui dirige désormais la commission de la défense à la chambre basse du Parlement, dans un talk-show en ligne très populaire.
Il n'est pas clair si des déclarations allant aussi loin ont été approuvées par le Kremlin. La décision de Poutine d'attaquer l'Ukraine n'est, en soi, pas remise en question. Et encore moins son pouvoir. Pourtant, les informations sur les échecs militaires dans le sud et l'est de l'Ukraine se multiplient.
La présentatrice Olga Skabeyeva a demandé à un commandant lors de son émission en prime time:
«Nous manœuvrons avec des éléments en retrait», c'est tout ce que celui-ci a donné comme réponse.
Les blogueurs militaires contredisent le Kremlin
De nombreux blogueurs militaires et des nationalistes russes, généralement considérés comme des soutiens de Poutine, discutent désormais ouvertement des détails sur le déroulement de la guerre. Le redoutable groupe Wagner a annoncé le 6 octobre la création de son propre canal Telegram privé. Selon le groupe de réflexion américain «Institute for the Study of War» (ISW), cela peut signifier que l'influent financier de Wagner, Evgueni Prigojine, souhaite avoir une voix qui lui soit propre.
Il pourrait ainsi être en concurrence avec les blogueurs militaires, ainsi qu'avec le chef de guerre tchétchène Ramzan Kadyrov, qui ont tous leurs propres canaux Telegram.
Récemment, des blogueurs militaires ont même ouvertement contredit le Kremlin. Alors que le ministère russe de la Défense annonçait un contrôle total de la localité de Zaitseve, les blogueurs n'évoquaient que des succès partiels, rapporte l'ISW.
Pas de représailles
Le Kremlin n'a pas répondu aux demandes de Bloomberg concernant un changement de politique de communication. A la question de savoir si le chef du Kremlin était au courant des discours ouverts, Margarita Simonyan de la télévision d'Etat a répondu:
Si d'habitude les critiques sont immédiatement arrêtés, on n'a pas encore entendu parler de représailles contre les blogueurs de guerre et les présentateurs de télévision.
Reste cette autre possibilité: comme Poutine aime avoir le contrôle, il se peut qu'il veuille faire des déclarations critiques seulement une fois le succès assuré. Cela donnerait ainsi l'impression qu'il reste fermement en position de force et qu'il se contente d'autoriser un échange de points de vue différents. ((t-online,wan ))
Traduit et adapté de l'allemand par Pauline Langel

