International
Russie

La Russie perd son sang-froid à New York

Vladimir Poutine : Le chef du Kremlin souhaite apparemment un changement de régime en Ukraine.
Vladimir Poutine : Le chef du Kremlin souhaite apparemment un changement de régime en Ukraine.Image: alexandre kazakov

La Russie perd son sang-froid à New York

Le Kremlin en prend pour son grade lors de l'Assemblée générale de l'ONU. Vladimir Poutine envoie un message aux Etats qui souhaitent négocier avec lui dans le conflit ukrainien. Mais une déclaration ukrainienne suscite également la confusion.
27.09.2024, 06:0527.09.2024, 06:43
Patrick Diekmann, New York
Plus de «International»
Un article de
t-online

Vassili Nebenzia a apporté beaucoup de munitions au Conseil de sécurité. Devant l'ambassadeur russe à l'ONU des montagnes de dossiers. Il faut dire qu'il est le bouc émissaire de Vladimir Poutine. Celui qui, mardi encore, devait supporter la manière dont les représentants – presque du monde entier – fulminent contre la Russie et la guerre de Poutine.

NY: Russian Ambassador Nebenzia Speaks At UN Ambassador Vassily Nebenzia, Permanent Representative of the Russian Federation and President of the Security Council for the month of July, arrives for an ...
Vassili Nebenzia.Image: www.imago-images.de

Au cours de ses sept années en tant que représentant du Kremlin à l'ONU, il s'est perfectionné dans l'art de paraître impassible. Il empile des papiers, lit, regarde par terre ou travaille sur le clavier de son téléphone portable comme s'il s'agissait de son tout premier smartphone. Ce fonctionnement semble presque grotesque aux yeux des observateurs. Comme si Vassili Nebenzia n'avait rien à voir avec la Russie.

Ce dernier n'a perdu son sang-froid qu'une seule fois lors de cette réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. Le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy a critiqué l'impérialisme de Poutine en parlant si fort que l'on pouvait l'entendre partout dans la grande salle, même sans micro: «Vladimir Poutine, si vous tirez des missiles sur les hôpitaux ukrainiens, nous savons qui vous êtes. Votre invasion sert votre propre intérêt. Seulement le vôtre!» Et puis Lammy a directement pris Nebenzia pour cible:

«Je m'adresse au représentant russe qui est à son téléphone pendant que je parle»

Pris sur le fait, Nebenzia a posé son téléphone, puis s'est repris, l'a saisi à nouveau, avant de se tourner vers ses notes. Le Britannique a fait mouche. Plus tard, dans son discours, Nebenzia s'est emporté contre l'accusation d'impérialisme qui, selon lui, est mal venue de la part du Royaume-Uni et son passé impérial. Lammy avait déjà quitté la salle à ce moment-là.

David Lammy vise la Russie : Pour le ministre britannique des Affaires étrangères, Poutine poursuit des objectifs impérialistes avec sa guerre.
David Lammy vise la Russie: pour le ministre britannique des Affaires étrangères, Poutine poursuit des objectifs impérialistes avec sa guerre.Image: andréa renault

Cette scène illustre le fait que les ponts entre la Russie et l'Occident sont presque totalement rompus. Les reproches mutuels sont crus, les murs de l'entêtement sont hauts. La colère résonne de plus en plus, du moins entre les lignes.

Le vrai objectif de la guerre

La diplomatie est dans l'impasse. Vladimir Poutine a fait savoir - depuis la lointaine Moscou via Nebenzia - qu'il n'était pas intéressé par des compromis ou même par la paix. Au lieu de cela, son ambassadeur a annoncé le véritable objectif de guerre du Kremlin: le changement de régime en Ukraine. La Russie s'en prend désormais d'autant plus violemment à Volodymyr Zelensky en personne.

Pour s'en rendre compte, il n'était pas nécessaire de lire entre les lignes de l'intervention de Nebenzia. Il a rappelé tout le florilège de la propagande russe.

👉Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine👈

Le «régime de Kiev» - comme Moscou appelle le gouvernement ukrainien - serait arrivé au pouvoir à la suite d'un «coup d'État». En vérité, deux élections ont eu lieu en Ukraine depuis la révolution de Maïdan en 2014. Le représentant russe à l'Onu s'est acharné sur Zelensky, qui avait déjà quitté la salle à ce moment-là.

Il l'a insulté en le traitant d'«acteur» et de «dictateur». Il a accusé les dirigeants ukrainiens d'étouffer la liberté d'expression et de vouloir éradiquer l'identité russe des habitants du Donbass. La Russie aurait de toute façon bientôt gagné la guerre, Zelensky ne ferait que «jouer l'homme fort» à New York, alors que les défenses ukrainiennes s'effondrent à l'est et que leurs forces armées s'écroulent de manière générale.

La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock affronte la délégation russe au Conseil de sécurité de l'ONU (photo d'archive).
La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock affronte la délégation russe au Conseil de sécurité de l'ONU (photo d'archive).Image: lev radin

Tout cela est faux dans les faits, et certains dans la salle ont regardé le représentant russe à l'Onu d'un air amusé lorsque, justement en tant que représentant de Poutine, il a attesté des traits autoritaires d'un gouvernement étranger. A ce stade, il est devenu clair que l'Onu n'a pas avancé dans ce débat au cours des derniers mois. La Russie s'en tient à la fable d'un prétendu «régime nazi» qui gouvernerait l'Ukraine. Moscou veut toujours protéger en priorité les personnes d'origine russe. Elle s'attaque de manière ciblée aux infrastructures militaires et non aux civils. Là encore, il s'agit d'un mensonge avéré.

Pour la Russie, il y a longtemps qu'il ne s'agit plus de trouver un niveau de discussion permettant de négocier avec l'Occident. Le Kremlin souhaite avant tout se mettre en scène en tant que victime afin d'obtenir lui-même davantage de soutien international.

La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock en a eu un aperçu avant la réunion du Conseil de sécurité de l'Onu. Alors que la Verte voulait faire une déclaration à la presse rassemblée devant le bâtiment, elle a été harcelée par un reporter de la télévision d'État russe qui, malgré la situation, voulait poser une question à Baerbock et n'acceptait aucun refus. Au lieu d'écouter la déclaration de la ministre des Affaires étrangères, il s'est placé à un mètre de distance et a déclaré devant la caméra que Baerbock ne voulait pas lui parler.

Le changement de régime à Kiev est un objectif russe

Instaurer et maintenir la paix dans le monde véritable: tel est l'objectif du Conseil de sécurité. Ce but est impossible à atteindre, notamment parce qu'un membre permanent, voire une puissance disposant d'un droit de veto, a lancé une guerre d'agression. Cela paralyse toute l'institution. La réunion du Conseil de sécurité de mardi a surtout permis à l'Occident de se sentir rassuré quant au fait que Poutine demeure largement isolé. Le président russe a même reçu une gifle, car les critiques ont été émises par presque tous les participants.

Il y avait néanmoins un point qui, dans le discours de Nebenzia, était tout à fait surprenant par sa clarté. L'ambassadeur russe à l'Onu a déclaré: «Si le camp occidental ne retire pas pacifiquement la tumeur cancéreuse de l'actuel régime de Kiev et si Washington continue à placer le sauvetage du pays au-dessus de tout, Moscou poursuivra son opération militaire spéciale jusqu'à ce que ses objectifs soient militairement atteints». Il ne s'agit pas pour la Russie d'une question de territoire.

Une position russe à l’est de l’Ukraine : L’armée russe progresse actuellement lentement dans le Donbass.
Une position russe à l’est de l’Ukraine : L’armée russe progresse actuellement lentement dans le Donbass.Image: Sergueï Bobylev

L'objectif de Poutine - du moins semble-t-il - ne serait plus seulement l'occupation des quatre régions (oblasts) que la Russie a annexées en septembre 2022 en violation du droit international. Au contraire, il semble même que le chef du Kremlin pousse à un changement de régime à Kiev. Les experts le soupçonnent depuis longtemps, mais jusqu'à présent Poutine a toujours nié cet objectif de guerre.

La Russie renforcerait ainsi son exigence minimale dans ce conflit et l'appliquerait sur le champ de bataille, et non à la table des négociations. Sinon, l'ambassadeur de Poutine à l'Onu aurait entrouvert la porte, mais au lieu de cela, il l'a claquée d'un coup sec et a de nouveau joué une grande comédie.

Le témoignage de Zelensky surprend

Cette Assemblée générale de l'Onu ne suffira pas à résoudre le conflit ukrainien. Mais au moins, Poutine a dû se mettre à nu politiquement, et cela crée peut-être plus de soutien pour l'Ukraine de la part des Etats qui se prononcent par exemple contre les livraisons d'armes occidentales et pour des négociations. Certains commencent peut-être à comprendre qu'une Ukraine forte est nécessaire pour contraindre Poutine à entamer des négociations.

Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyj est optimiste quant à la situation de guerre actuelle (Photo d’archives).
Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyj est optimiste quant à la situation de guerre actuelle (photo d’archives).image: Efrem Loukatski

Mais Zelensky a également surpris cette semaine par une déclaration. Le président ukrainien a déclaré à la chaîne américaine ABC:

«Je pense que nous sommes plus proches de la paix que nous ne le pensons»

Au vu de l'hiver et des gains de terrain russes dans l'est de l'Ukraine, il s'agit là d'une thèse audacieuse - et il est tout à fait probable que Zelensky ne pensait pas vraiment à cette déclaration.

Il veut certes présenter jeudi à la Maison Blanche un plan de paix avec lequel il veut faire plier Poutine pour le ramener à la table des négociations. Mais les diplomates occidentaux à New York ne s'attendent pas à de grandes surprises.

Et pourtant, ce n'est pas un hasard si c'est précisément à la télévision américaine que le président ukrainien a laissé entrevoir une solution qui se serait dessinée. Zelensky sait que la stabilité de la défense ukrainienne dépend avant tout du soutien des Américains, car les dépôts des autres membres de l'Otan sont relativement vides.

Il sait également que la guerre est coûteuse pour les Etats-Unis et qu'elle est lointaine pour de nombreux citoyens américains. C'est pourquoi le message de Kiev est désormais le suivant: c'est bientôt fini! Encore un petit effort! Mais en disant cela, les dirigeants ukrainiens s'avancent beaucoup. A l'heure actuelle, la fin de la guerre n'est pas en vue.

(adapté par Anais Rey)

Les 5 meilleurs lieux où fêter Halloween

Vidéo: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
«Trump va étrangler Zelensky jusqu'à ce qu'il crie au secours»
Depuis que le dossier de la guerre en Ukraine est empoigné par Donald Trump, c'est le branle-bas de combat. Un expert nous parle des leviers utilisés par le président américain pour faire plier Zelensky. Il souligne aussi le piteux état des services helvétiques.

Cette séquence est devenue douloureusement mythique. Vendredi 28 février, Zelensky s'est retrouvé pris au piège par les tontons MAGA, avec un JD Vance (remonté) en première ligne. Désormais, c'est clair pour tout le monde. Trump veut appuyer sur l'accélérateur pour obtenir un accord du cessez-le-feu sur le front ukrainien.

L’article