Coup de tonnerre dans les couloirs du Kremlin: Sergueï Choïgou a été débarqué. Ce fidèle de Poutine, qui accompagne le dictateur lors de vacances dans le Caucase pour chasser l'ours, s'est vu rétrograder et proposer une place qui sent bon le placard doré. Car si, sur le papier, devenir secrétaire du Conseil de sécurité russe s’apparente à une promotion, «en réalité, c’est une rétrogradation», affirmait Sky News.
Pour remplacer Choïgou, Poutine a nommé Andreï Belousov, âgé de 65 ans. Son pédigrée est solide: il est sorti diplômé et avec mention de la faculté d'économie de l'université d'Etat de Moscou en 1981. Il est également docteur en sciences économiques et mathématicien.
Comme le décrit l'agence de presse Reuters, le nouveau ministre de la Défense est un économiste aux idées libérales. Le média russe RBK brosse son portrait et rappelle que de 1990 à 2006, il était chercheur principal et chef de laboratoire à l’Institut de prévision économique de l’Académie des sciences de Russie.
Son expérience militaire pratique est nulle, mais Belousov s'est familiarisé avec les missions militaires d'un point de vue théorique. A noter que son prédécesseur, Sergueï Choïgou était également inexpérimenté avant d'accéder à ce poste.
Andreï Belousov n'est pas un novice dans le milieu: son entrée dans le gouvernement remonte à 2000, en tant que conseiller non permanent du premier ministre russe en 2000, peut-on lire sur le site du centre de réflexion Institue for the Study of War (ISW).
C'est en 2020 que son nom a résonné dans la presse nationale en devenant premier vice-premier ministre. S'enchaîne un (très) bref passage dans la peau du premier ministre lorsque Mikhail Michoustine, le chef du gouvernement, contracte le Covid.
Andreï Belousov est rompu à la tâche, il connaît les rouages du Kremlin et peut même se targuer d'avoir convaincu Poutine de miser sur l'économie numérique et la blockchain, selon des informations du média RBK.
La nomination d’un économiste à la tête du ministère russe de la Défense montre à quel point la guerre est devenue centrale dans le paradigme économique russe.
Interrogée par le Wall Street Journal, Alexandra Prokopenko, membre du groupe de réflexion Carnegie Russia Eurasia Center et ancienne employée de la banque centrale russe, cadre le profil du nouveau ministre de la Défense: «Belousov est un partisan du keynésianisme militaire».
En résumé, pour l'économiste de métier, l'Etat tient un rôle majeur dans l'économie pour pallier les défaillances du marché. Et Belousov est appelé à restructurer à grande échelle tous les modèles financiers au sein du ministère de la Défense, lit-on dans ISW.
Toujours selon l'ISW, ce mouvement démontre que Poutine est sérieusement préoccupé par les niveaux de corruption et le détournement de fonds au sein de l'armée russe. Le but est de resserrer le budget et le diriger vers la production et les approvisionnements nécessaires. Il lui faut donc orienter l'économie vers l'opération militaire spéciale et tirer le maximum technologique de l’industrie de la défense.
En décembre 2023, Belousov a déclaré que l’économie russe était entrée dans une phase de «restructuration assez intensive», dont l’objectif principal était le remplacement des importations.
Une information que le porte-parole du Kremlin Dimitri Peskov a confirmée hier. Peskov souligne que la modification au sein de la Défense s'explique par les augmentations du budget militaire. Divers articles provenant de la presse russe rapportent que plus de 6% du PIB russe est consacré à l'armée. Il pourrait atteindre dans un avenir proche le niveau du milieu des années 1980, lorsque la part des dépenses consacrées à la sécurité était de 7,4%.
La carte Belousov est, semble-t-il, essentielle pour Poutine dans un contexte d'économie de guerre, comme le martèle Dimitri Peskov.
Ce changement est un signe que Poutine inscrit le pays dans une longue guerre, insistant sur la production de l'industrie russe pour innover et mettre les bouchées doubles pour poursuivre son opération militaire spéciale.
Dans le Wall Street Journal, Konstantin Sonin, expert en politique russe à l'Université de Chicago, le dit sans détour:
Résultat: Choïgou renvoyé et Belousov en lieu et place, pour redorer l'image d'un ministère gangréné par la corruption et en manque d'efficacité économique. La botte secrète de Poutine dans cette guerre est peut-être un technocrate?