Poutine a lancé vendredi une offensive terrestre dans la région de Kharkiv. Les experts estiment que l'armée russe veut avant tout remporter des succès tactiques, mais qu'elle ne tentera pas de conquérir la ville du même nom, qui compte un million d'habitants. Du moins dans un premier temps. L'offensive pourrait néanmoins mettre la ville de Kharkiv encore plus en difficulté.
Dans sa mise à jour quotidienne sur l'Ukraine, le think tank américain Institute for the Study of War (ISW) écrit que l'offensive russe vise avant tout à immobiliser les forces ukrainiennes dans la région frontalière du nord-est. Le Kremlin tente donc de forcer l'Ukraine à retirer ses soldats d'autres secteurs critiques du front, comme l'est de l'Ukraine.
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Selon l'ISW, Poutine souhaite repousser les troupes ukrainiennes loin de la frontière avec l'oblast russe de Belgorod. Ces derniers mois, Kiev a régulièrement bombardé la zone frontalière, et des partisans russes combattant aux côtés de l'Ukraine ont également mené des attaques dans la région à la mi-mars.
Par ailleurs, les troupes russes pourraient tenter d'avancer jusqu'à proximité de Kharkiv afin d'être à portée d'artillerie.
Selon l'ISW, la Russie a déployé entre 35 000 et 50 000 soldats dans la région de la frontière nord de l'Ukraine avec les régions russes de Briansk, Koursk et Belgorod. On ne sait pas combien d'unités participent actuellement aux opérations offensives.
L'ancien général américain Ben Hodges soupçonne une stratégie plus perfide de la part de la Russie:
L'ancien général américain poursuit: «Cela nécessiterait toutefois un degré d'agilité et de mobilité de la part de la Russie, que je n'ai pas encore vu». L'expert part donc du principe que la Russie tente de profiter de sa position de force pour user encore davantage les forces ukrainiennes.
L'expert militaire Franz-Stefan Gady estime lui aussi qu'une tentative de conquête de Kharkiv, la deuxième plus grande ville d'Ukraine, est peu probable. Il écrit sur X:
Selon des sources militaires ukrainiennes, auxquelles se réfère entre autres le portail ukrainien «Suspilne», Poutine veut créer une zone tampon de dix kilomètres de large le long de la frontière. Cela devrait permettre de réduire la menace que représente l'artillerie ukrainienne pour la logistique de guerre russe dans la région de Belgorod.
Dans le même temps, l'artillerie du Kremlin pourrait elle-même se rapprocher de Kharkiv. Jusqu'à présent, les forces russes se trouvent à une bonne trentaine de kilomètres de la ville de Kharkiv alors que la plupart des systèmes d'artillerie soviétiques possèdent une portée de 25 kilomètres.
Si les troupes russes se rapprochent de la ville, la Russie pourrait procéder à des tirs d'artillerie de routine sur la mégapole. Ces derniers mois, les forces armées russes ont déjà intensifié leurs attaques avec des missiles, des drones et des bombes planantes sur Kharkiv. En combinaison avec des tirs d'artillerie réguliers, les conditions d'une offensive ultérieure plus importante pourraient finalement être créées, précise l'ISW.
D'après les experts, les opérations menées près de la localité de Vovtchansk viseraient plutôt à attirer des unités ukrainiennes de la région située au nord de Kharkiv de l'autre côté de la rivière Siverskyi Donets et du barrage de Pechenitskij, ou à en éloigner les troupes qui défendent actuellement la région de Koupiansk.
Selon les experts américains, l'objectif stratégique prioritaire de l'offensive russe serait toutefois que l'Ukraine retire des troupes du Donbass pour défendre Kharkiv. Il s'agit ainsi de mettre à rude épreuve les «ressources limitées de l'Ukraine» et d'aggraver encore la pénurie de personnel.
Kiev est confrontée depuis des mois à une grave pénurie de munitions. Un paquet d'aide de 61 milliards de dollars américains récemment adopté par les Etats-Unis devrait atténuer cette situation, mais les livraisons n'arrivent pas immédiatement sur le front. De plus, l'Ukraine manque de personnel entraîné. A la mi-mai, la réforme de la loi sur la mobilisation entrera en vigueur et permettra de mobiliser jusqu'à 500 000 hommes.
Le gouvernement américain observe avec inquiétude cette attaque russe de grande envergure.
Dans les mois qui ont suivi le début de la guerre, l'armée russe avait déjà tenté désespérément de s'emparer de la ville, sans succès.
Les opérations actuelles de l'armée russe dans ce secteur sont donc «très intéressantes et certainement inquiétantes», selon lui.
Les troupes russes étaient déjà entrées dans la région de Kharkiv peu après le début de l'invasion en février 2022, mais elles ont ensuite été repoussées par les troupes ukrainiennes. Depuis des mois, le gouvernement de Kiev s'inquiète pour Kharkiv, après que le président russe Vladimir Poutine a appelé à la création d'une zone tampon sur le sol ukrainien. Kharkiv est la capitale de la région du même nom et était dernièrement, avec 1,3 million d'habitants, la deuxième plus grande ville ukrainienne après Kiev.