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Contre-offensive ukrainienne: tout se joue maintenant

Contre-offensive: tout se joue maintenant

Est-ce que l'Ukraine lance sa grande contre-offensive de printemps, ou est-ce que cette déclaration est une feinte? Alors que Vladimir Poutine redoute une rupture, Kiev est également sous pression pour parvenir à ses fins.
05.05.2023, 06:0705.05.2023, 14:30
Un article de
t-online
Patrick Diekmann
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En Russie, un train a soudainement pris feu ce week-end. Des vidéos et des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent plusieurs wagons déraillant sur une voie ferrée dans l'oblast de Briansk, près de la frontière ukrainienne. Une fumée noire s'élève, tandis que la locomotive prend feu à son tour.

Un acte de sabotage par un engin explosif, comme l'a confirmé lundi le gouverneur de la région, Alexander Bogomas. Certains experts voient dans cette attaque contre la ligne de ravitaillement russe un signe: la grande contre-offensive ukrainienne pourrait débuter prochainement.

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Kiev est sous pression

Depuis l'arrivée des chars de combat et des véhicules blindés de combat d'infanterie occidentaux modernes en Ukraine, les spéculations concernant le début d’une offensive de printemps se multiplient. Il n'est, pourtant, pas clair si une attaque majeure aura lieu sur une partie du front. En effet, jusqu'à présent, aucune concentration importante de troupes ukrainiennes à proximité n'a été identifiée.

Une chose est sûre: le gouvernement ukrainien a fait la publicité de cette contre-offensive, notamment pour obtenir plus d'armes de la part de l'Occident. Cela met désormais Kiev sous pression, car il n'y a probablement qu'une seule occasion de réussir une telle action cette année.

Pour l'armée russe et Vladimir Poutine en revanche, une nouvelle avancée et l'effondrement d'un des fronts seraient fatals.

Les préparatifs pour l'offensive en «phase finale»

Ces dernières semaines, les dirigeants ukrainiens ont communiqué de manière étonnamment ouverte sur l'état d'avancement de leurs plans. Selon Olexiy Reznikov, ministre ukrainien de la Défense, les préparatifs pour l'offensive de printemps – qui a pour objectif la reconquête des territoires occupés par la Russie – sont «dans la phase finale».

Il a par ailleurs souligné à la télévision nationale:

«Nous entamons la dernière ligne droite et pouvons dire: oui, tout est prêt»

L'état-major, le commandant en chef et son équipe – sur la base de la décision et de la compréhension de la situation sur le champ de bataille – décideraient d'où, quand et comment elle aura lieu.

On ne sait pas si ces déclarations sont exactes ou s'il s'agit d'une supercherie dans cette guerre hybride – qui comprend également l'utilisation ciblée de la propagande.

Ces derniers mois en effet, les plans d'attaque ouvertement communiqués ont été un jeu d'embrouilles réussi pour Kiev, obligeant la Russie à consacrer des ressources à la défense des territoires conquis. Depuis février, les influents blogueurs militaires russes mettent eux aussi en garde contre l'attaque ukrainienne.

Ne pas sous-estimer la Russie et surestimer l'Ukraine

Le jeu de la contre-offensive a, toutefois, son revers pour l'Ukraine. Le grand succès de l'offensive ukrainienne à la fin de l'été dernier, au cours de laquelle une grande partie du territoire ukrainien a été libérée, notamment dans la région de Kharkiv, a surpris l'armée russe par sa puissance.

Les troupes de Vladimir Poutine ont été prises au dépourvu et ont dû à plusieurs reprises mettre en place de nouvelles lignes de défense. Moscou disposait dès lors de quelques mois pour se préparer au scénario d'une nouvelle attaque ukrainienne.

Les experts s'accordent, toutefois, à dire qu'une nouvelle attaque-surprise majeure de l'Ukraine est peu probable.

«Les Russes ont fait beaucoup d'erreurs stupides. Mais ils connaissent désormais bien le terrain. Ce sera difficile pour l'Ukraine»
Ralph Thiele, colonel à la retraite.

L'expert militaire Christian Mölling déclare quant à lui:

«Nous ne devons pas supposer que les Russes n'ont pas appris de leurs erreurs dans cette guerre. Je conseille de ne pas les sous-estimer et de ne pas surestimer l'Ukraine»

C'est peut-être aussi le problème. En Occident, en effet, on attend beaucoup de la contre-offensive ukrainienne, même si des pays comme l'Allemagne ont longtemps hésité à soutenir l'Ukraine en lui fournissant des véhicules de combat d'infanterie et des chars de combat.

Parallèlement à cela, le mauvais temps, la «période de boue» ou la «raspoutitsa», en Ukraine, aurait empêché la progression du matériel militaire lourd de l'Ukraine.

A cela s'ajoute le fait que l'armée russe a perdu de nombreux soldats dans la bataille de Bakhmout et qu'elle s'est encore affaiblie pendant cette période. L'armée ukrainienne pourrait donc attendre que le rapport de force penche davantage en sa faveur.

C'est donc une réflexion compliquée pour les dirigeants ukrainiens pour savoir quel est le bon moment pour attaquer.

L'objectif de l'Ukraine? Percer en mer d'Azov

Aujourd'hui, les chars occidentaux sont certes intégrés dans l'armée ukrainienne et l'Otan a non seulement formé les soldats ukrainiens sur le matériel occidental au cours des derniers mois, mais des unités d'infanterie ont également reçu une formation tactique.

D'un autre côté, les forces russes ont profité de ce temps pour mettre en place au moins trois lignes de défense dans l'oblast ukrainien de Zaporijjia. C'est là que la plupart des experts s'attendent à une attaque. Il s'agit de franchir ces lignes et de mettre à disposition les moyens techniques permettant par exemple de traverser les champs de mines, explique Christian Mölling. Et de préciser:

«Ce ne sera pas facile, mais ce n'est pas non plus impossible»

L'objectif pour l'Ukraine est de percer la mer d'Azov, car une conquête du pont terrestre reliant la Russie à la Crimée aurait des conséquences fatales pour l'approvisionnement des troupes russes sur la péninsule annexée. Ce sont surtout deux lignes de chemin de fer qui pourraient être la cible des attaques ukrainiennes sur ce pont terrestre.

Cependant, pour que l'Ukraine puisse attaquer, la reconnaissance des positions défensives russes est essentielle. C'est probablement de cette reconnaissance que dépendra le lancement d'une grande offensive ou de plusieurs attaques de moindre envergure.

La contre-offensive doit fournir des résultats

L'attentisme des dirigeants ukrainiens peut également s'expliquer par le fait que, selon l'expert militaire Gustav Gressel, Kiev ne dispose que «d'un seul coup» pour la contre-offensive. «Le matériel est limité et l'offensive à venir doit fournir des résultats», déclare-t-il.

D'après lui, un échec serait un coup au moral face à l'invasion russe et serait en outre problématique dans les négociations avec l'Occident, car certaines forces à l'Ouest prônent déjà un cessez-le-feu et un gel du front.

«Nous serions ainsi dans une situation où la pression sur Kiev augmenterait pour qu'elle accepte un cessez-le-feu très mauvais pour l'Ukraine»
Gustav Gressel, expert militaire.

Pour l'ancien ambassadeur américain en Russie Alexander Vershbow, qui s'est exprimé dans le New York Times, il faudra voir si un succès permettra à l'Ukraine d'obtenir un levier plus important pour une solution négociée.

En Allemagne, le gouvernement de l'Ampel et une partie de l'opposition tentent de modérer les attentes concernant la contre-attaque ukrainienne. La stratégie est d'attendre d'abord et de voir ce qui se passe. «Nous ne parlons pas ici d'un match de football et des attentes des spectateurs», a souligné la politicienne de la défense du FDP Marie-Agnes Strack-Zimmermann. Et d'ajouter:

«Nous resterons aux côtés de l'Ukraine tant qu'elle a besoin de nous»

Florian Hahn, responsable de la politique de défense de l'Union, a quant à lui affirmé: «Nous ne devons pas perdre de l'intérêt dans cette guerre, car si l'Occident cesse de soutenir l'Ukraine, l'Ukraine cessera d'exister.»

La panique gagne la Russie

Alors que les gouvernements occidentaux s'efforcent de maintenir le calme, la panique gagne déjà la Russie. Dans certaines villes du sud du pays, des lignes de défense sont atteintes.

Selon Evgueni Prigojine, chef du groupe Wagner, sa troupe de mercenaires manque de munitions et il en rend responsables les «salauds» de la bureaucratie nationale. Pour la bataille de Bakhmout, il faudrait environ 300 tonnes d'obus d'artillerie par jour, mais Wagner ne reçoit qu'un tiers de cette quantité, écrit Evgueni Prigojine sur son canal Telegram. Il attend l'attaque ukrainienne pour le 15 mai.

Pour la plupart des experts, l'issue militaire pour la Russie comme pour l'Ukraine reste aujourd'hui encore totalement ouverte. La seule chose qui est sûre actuellement, c'est que la tension est en train de monter.

(Traduit et adapté par Pauline Langel)

La guerre en Ukraine dans l'œil d'Alexander Chekmenev
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La guerre en Ukraine dans l'œil d'Alexander Chekmenev
Faces of war pour le New York Times.
source: alexander chekmenev
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Video: watson
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