En Russie, Maria Vorontsova est omniprésente. La médecin apparaît souvent sur les chaînes publiques et s'exprime sur les sujets les plus divers: sa position d'endocrinologue ne semble pas justifier toutes ses interventions. Mais Vorontsova n'est pas une médecin ordinaire: cette femme de 38 ans serait la fille de Vladimir Poutine.
Et sa parenté est visible dans son rythme de vie peu modeste: Vorontsova peut se targuer de posséder des richesses telles que des voitures de luxe ou des complexes immobiliers spacieux. Un salaire «normal» d'endocrinologue en Russie n'arriverait pas à financer le mode de vie de la fille présumée de Poutine. L'équipe d'investigation de la fondation d'Alexeï Navalny a révélé dans une vidéo YouTube à quel point ces deux mondes sont éloignés l'un de l'autre.
Selon cette enquête, les endocrinologues en Russie gagnent – entre 20 000 et 30 000 roubles par mois, soit entre 200 et 300 francs suisses, après déduction des impôts. De tels montants ne peuvent que faire sourire Vorontsova. Son travail à l'université d'Etat de Moscou, pour l'association nationale des endocrinologues et au Centre national de recherche en endocrinologie du ministère de la Santé lui rapportent 193 000 roubles (2 000 francs) par mois.
Mais selon les investigations de l'équipe de Navalny, il ne s'agit probablement que du «revenu de base» de la fille de Poutine. En 2019, Maria Voronzova a fondé l'entreprise médicale Nomeco. L'entreprise s'est fixé toutes sortes d'objectifs, mais ne semble publier des articles qu'à l'occasion des fêtes patriotiques en Russie. Les enquêteurs de Navalny soupçonnent que Nomeco ne sert qu'à faire entrer de l'argent dans les caisses de Maria Voronzova.
Et cela paraît très bien fonctionner, bien que l'entreprise ne compte que six employés. En effet, dès 2020 – soit un an après la création de l'entreprise – l'entreprise a enregistré un bénéfice net d'environ 600 millions de roubles, soit environ 6 millions de francs. En tant qu'associée de Nomeco, Voronzova aurait ainsi empoché 232 millions de roubles (2,5 millions de francs) rien qu'avec les dividendes. Les années suivantes, en 2021 et 2022, l'entreprise médicale a encore augmenté son bénéfice net à 810 millions puis 855 millions de roubles, soit nettement plus de 8 millions de francs chaque année.
Maria Voronzova est doublement gagnante: outre les dividendes, elle perçoit un salaire mensuel d'environ 700 000 roubles, soit 7000 francs. L'équipe de Navalny estime donc que la fille présumée de Poutine a gagné au total 944 millions de roubles entre 2019 et 2022 grâce au salaire et aux dividendes de Nomeco.
Selon l'enquête, la majeure partie de l'argent destiné à la société de Vorontsova proviendrait de la clinique Sogaz. Sogaz est une compagnie d'assurance russe qui se trouve dans le cercle d'influence de Iouri Kovaltchouk, un proche de Poutine. Il ferait partie des rares personnes que Poutine écoute, selon la spécialiste de la Russie Irina Scherbakova. Rien qu'en 2021 et 2022, Sogaz aurait versé 1,5 milliard de roubles à Nomeco pour des «services liés à la modélisation des informations pour la mise en œuvre des projets».
Selon «Radio Free Europe/Radio Liberty», des proches du chef du Kremlin ainsi que des mercenaires du groupe Wagner ayant combattu en Syrie et en Ukraine auraient déjà été soignés dans la clinique de Saint-Pétersbourg. Ainsi, le vice-président de la banque Gazprom ou la porte-parole du Conseil de la Fédération russe figurent probablement sur la liste des patients. En août 2022, la clinique a été reprise par un cadre supérieur de la société Nomeco.
Selon l'enquête, le deuxième mari de Maria Voronzova, Evgueni Nagory, profite lui aussi de ses liens avec Poutine. Il a été embauché par la société Novatek, qui appartient à un proche du maître du Kremlin. Il y gagnerait environ 7900 euros par mois.
En 2020, le mari de Maria Voronzova a pu acquérir un appartement de luxe à Moscou pour environ 8 millions de francs. Selon l'équipe de Navalny, un «endocrinologue normal» devrait travailler pendant 3030 bonnes années pour s'offrir un tel logement.
Le fait que Maria Vorontsova soit la fille de Poutine n'a jamais été officiellement confirmé. Mais les voyages de son fils fournissent des indices supplémentaires que c'est le cas. Comme celui-ci possède également un passeport néerlandais et que, contrairement à sa mère, il ne figure pas sur les listes de sanctions de l'UE et des Etats-Unis, le fils de Maria Voronzova, âgé de onze ans, peut se déplacer relativement librement.
Il est souvent accompagné par un agent du FSO, le service de protection du président russe. Selon l'équipe de Navalny, ce même homme a déjà régulièrement servi de garde du corps à Poutine, images à l'appui.
Les enquêteurs sont certains que la fortune de Maria Voronzova est bien plus grande que ce qu'ils ont pu montrer. Et cette richesse n'a rien d'étonnant. Ils décrivent ainsi la situation dans l'entourage proche de Poutine:
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci