Après un décollage «parfait» samedi, le télescope spatial européen Euclid est en route vers son poste d'observation, d'où il tentera d'éclairer l'une des plus grandes énigmes scientifiques, la matière noire et l'énergie sombre. Plusieurs institutions suissses participent à la mission.
Le satellite s'est envolé depuis Cap Canaveral, en Floride, à 11h12 locales (17h12 suisses) à bord d'une fusée Falcon 9 de l'entreprise américaine SpaceX. Après s'être séparé de la fusée, il a comme prévu émis son premier signal.
Le télescope de deux tonnes va être placé à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Le travail scientifique doit commencer dans environ trois mois, une fois le calibrage des instruments réalisé.
Le décollage était «parfait», a abondé Carole Mundell, directrice des sciences à l'ESA.
La sonde dressera une carte en trois dimensions de l'Univers, englobant des milliards de galaxies, sur une portion d'un tiers du ciel. Les galaxies lointaines observées permettront de remonter le temps jusqu'à il y a 10 milliards d'années - la durée nécessaire pour que leur lumière nous parvienne.
La matière noire (25% de l'Univers) et l'énergie sombre (70%) ont des effets opposés: quand la première assure la cohésion des galaxies, l'énergie sombre provoque elle l'expansion de l'Univers.
Pour la première, la matière noire, on sait qu'elle existe à cause d'un constat mystérieux: impossible d'expliquer comment une galaxie ou un groupe de galaxies ne se disperse pas en ne prenant en compte que la gravité de leurs éléments visibles (planètes, étoiles...).
Ce «ciment» cosmique a été baptisé matière noire. Jamais observée directement, il pourrait s'agir de particules subatomiques, selon certaines hypothèses.
L'énergie sombre est elle peut-être encore plus énigmatique. Depuis les découvertes du célèbre astronome Edwin Hubble dans les années 1920, on sait que l'Univers est en expansion. Et depuis les années 1990, que cette expansion s'accélère.
Cette force, c'est l'énergie sombre, «un grand mystère de la physique».
Le satellite a donc pour objectif de mieux comprendre leurs propriétés, la manière dont elles agissent et évoluent à travers le temps. Grâce à sa carte en 3D, le télescope permettra des mesures précises sur la distribution des galaxies et l'expansion de l'Univers.
De ces observations, la matière noire et l'énergie sombre seront déduites «indirectement», a expliqué le responsable de la mission Euclid à l'ESA, Giuseppe Racca. Calculer la matière noire pourra être fait en «soustrayant» la matière visible.
Et en remontant à 10 milliards d'années, Euclid pourrait observer les premiers effets de l'énergie sombre, sachant que l'accélération de l'expansion de l'Univers aurait démarré il y a six milliards d'années.
D'un coût de 1,5 milliard d'euros, la mission européenne doit durer jusqu'en 2029 minimum. Le télescope embarque deux instruments: un imageur observant en lumière visible (VIS) et un spectro-imageur proche infrarouge (NISP).
L'immense quantité de données récoltées sera mise à disposition de toute la communauté scientifique, après avoir été analysée par les quelque 2600 chercheurs membres du consortium Euclid, issus d'une quinzaine de pays.
La Suisse y contribue pour environ 24 millions de francs. Plusieurs établissement sont impliqués:
Euclid, du nom du père de la géométrie, «va obtenir des données qui sont très utiles pour plein d'autres choses que la cosmologie», a aussi rappelé Marc Sauvage, membre du consortium et astrophysicien au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
La Nasa prévoit également de lancer en 2027 une mission dédiée à l'exploration de la matière noire et l'énergie sombre, le télescope spatial Nancy Grace Roman. (baf/ats)